Audition sénatoriale sur la fiscalité des jeux d’argent et les perspectives de régulation

Publié le Modifié le 10/07/2025 Vu 202 fois 0
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Le 7 juillet 2025, la Commission des finances du Sénat a procédé à l’audition de trois figures majeures du secteur des jeux d’argent et de hasard en France.

Le 7 juillet 2025, la Commission des finances du Sénat a procédé à l’audition de trois figures majeures

Audition sénatoriale sur la fiscalité des jeux d’argent et les perspectives de régulation

Le 7 juillet 2025, la Commission des finances du Sénat a procédé à l’audition de trois figures majeures du secteur des jeux d’argent et de hasard en France : Grégory Rabuel (président du groupe Barrière et de Casinos de France), Nicolas Béraud (directeur général de Betclic et président de l’Association Française des Jeux en Ligne) et Stéphane Pallez (présidente de FDJ United).

Tous trois ont exprimé une même inquiétude concernant l’architecture fiscale actuelle, tout en appelant à une réforme structurelle du secteur, incluant une régulation encadrée du casino en ligne.

Stéphane Pallez a dénoncé l’impact de la hausse des prélèvements instaurée en 2024, qui entraîne une stagnation historique de l’activité de la Française des Jeux. Pour la première fois depuis 2019, l’entreprise ne connaîtra aucune croissance. Elle a alerté sur une perte de confiance des investisseurs, une réduction potentielle des effectifs, et une baisse des recettes publiques, contraire à l’objectif initial de rendement budgétaire.

De son côté, Nicolas Béraud a souligné que cette politique fiscale risque d’exclure les opérateurs de taille intermédiaire, en raison de marges d’exploitation trop faibles. L’absence de différenciation entre les produits de jeu crée un effet d’éviction, nuisible à la concurrence et à la diversité du marché.

Les trois dirigeants ont défendu l’instauration d’un régime fiscal unifié, assis sur les recettes brutes des jeux (GGR), afin de remplacer les multiples régimes de taxation actuels, jugés incohérents, imprévisibles et excessifs.

Une fiscalité hétérogène dénoncée par les institutions de contrôle

Le morcellement fiscal du secteur des jeux d’argent a déjà fait l’objet de critiques récurrentes de la part de la Cour des comptes, du Conseil des prélèvements obligatoires et de l’Inspection générale des finances.

La fiscalité actuelle repose sur une diversité de prélèvements affectés selon les types de jeux : prélèvements progressifs pour les casinos terrestres, fiscalité spécifique sur les mises pour les paris sportifs, contributions variables sur le produit brut pour les jeux en ligne, sans compter les prélèvements sociaux destinés au financement de la sécurité sociale.

Cette absence de lisibilité et de neutralité économique rend le système inefficace. Elle nuit à la compétitivité des opérateurs régulés, et profite aux plateformes illégales, souvent implantées hors de l’Union européenne. Ces plateformes illégales opèrent d'ailleurs souvent au détriment des acteurs honnêtes comme les meilleurs casinos en ligne acceptant Cashlib mentionnés sur cette page.

La proposition d’un taux unifié sur le GGR permettrait d’harmoniser les prélèvements, de garantir la prévisibilité budgétaire, d’assurer une concurrence loyale entre opérateurs et de favoriser les investissements dans le secteur.

Le vide juridique autour du casino en ligne

La législation actuelle, issue de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, limite les jeux d’argent en ligne autorisés au poker, aux paris sportifs et hippiques. Les jeux de casino en ligne demeurent interdits, en application de l’article L. 320-1 du Code de la sécurité intérieure, qui encadre strictement l’offre de jeux autorisée.

Le principe de cette interdiction repose historiquement sur un objectif de santé publique, visant à limiter les comportements addictifs, ainsi que sur la nécessité de préserver l’ordre public et de lutter contre le blanchiment.

Or, les intervenants ont démontré que cette interdiction produit l’effet inverse. En l’absence de cadre légal, les joueurs français accèdent massivement à des plateformes de casino en ligne opérées depuis l’étranger, en dehors de toute régulation. L’Autorité nationale des jeux (ANJ) se retrouve dans l’incapacité d’exercer son contrôle sur ces opérateurs, faute de base juridique.

Selon Nicolas Béraud, ce statu quo prive l’État de 1 à 2 milliards d’euros de recettes fiscales par an et expose plusieurs millions de joueurs à des pratiques non encadrées. Il a également affirmé que les casinos terrestres ont continué à croître malgré l’arrivée du poker en ligne, et que la crainte d’une cannibalisation massive est infondée.

Les inquiétudes des casinos physiques et la crainte de l’effondrement économique

Grégory Rabuel, président du groupe Barrière et porte-parole des Casinos de France, a exprimé une opposition de principe à la régulation du casino en ligne. Il a alerté sur un risque de perte de 25 % du chiffre d’affaires pour les établissements terrestres, accompagné de la suppression de 15 000 emplois directs et indirects.

Il a toutefois déclaré que les représentants des casinos accepteraient de participer à un processus législatif, dans le but de défendre les intérêts de leurs membres et d’encadrer toute évolution réglementaire. L’ouverture du marché ne doit, selon lui, intervenir qu’en respectant les équilibres économiques locaux et les spécificités sociales des territoires concernés.

Malgré ces réserves, le débat révèle une dynamique inéluctable : le marché du jeu évolue, les usages se digitalisent, et la législation française ne peut plus ignorer l’existence d’une offre massive, illégale, non taxée, qui échappe totalement au contrôle de l’État.

Vers une réforme globale du cadre juridique et fiscal

L’audition des opérateurs devant la Commission des finances du Sénat confirme une exigence de réforme structurante, tant sur le plan fiscal que réglementaire. Le maintien de l’interdiction du casino en ligne, combiné à une fiscalité asphyxiante, engendre une situation de perdant-perdant pour toutes les parties concernées : l’État, les opérateurs, les salariés du secteur, et les joueurs.

L’instauration d’un cadre légal pour le casino en ligne, conditionné à un agrément ANJ, à des obligations strictes en matière de lutte contre l’addiction, de vérification d’identité, de prévention du blanchiment et de limitation des mises, constituerait une solution équilibrée.

Parallèlement, la mise en place d’un prélèvement unique sur le produit brut des jeux, modulé par type d’activité mais appliqué selon des principes harmonisés, permettrait d’assainir le système fiscal, de rétablir la concurrence, et de renforcer la souveraineté fiscale de l’État.

La réforme devra respecter les principes constitutionnels d’égalité devant l’impôt, de proportionnalité, et de liberté d’entreprendre, tout en poursuivant les objectifs définis à l’article L. 320-1 du Code de la sécurité intérieure.

 

Il revient désormais au législateur de concilier intérêt général, protection sociale, impératifs budgétaires et libertés économiques, en posant les bases d’un droit des jeux adapté à la réalité de l’époque numérique.

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