Au Canada, la législation encadrant les jeux d'argent repose sur une répartition des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le Code criminel interdit par principe les activités de jeu, sauf dérogation accordée aux autorités provinciales. Ainsi, chaque province détermine ses propres règles et supervise ses propres opérateurs. Ce découpage produit un paysage juridique hétérogène.
Depuis l’entrée en vigueur du projet de loi C-218 en 2021, les provinces ont la possibilité d'autoriser les paris sportifs sur un seul événement, ce qui modifie profondément le cadre existant. L’Ontario a été la première à ouvrir un marché réglementé aux opérateurs privés. D’autres provinces préfèrent conserver un monopole public.
Cet article propose un décryptage clair de la structure juridique canadienne, des nouvelles orientations en matière de régulation, des comparaisons avec le modèle français, et des enjeux liés à la protection des consommateurs.
Une réglementation provinciale, pas nationale
Le Code criminel du Canada, à l’article 207, interdit en principe les jeux d'argent sauf lorsqu'ils sont organisés et régulés par les provinces. Ce principe de délégation constitue le fondement du système canadien. Chaque province dispose ainsi de son autorité de régulation.
Ainsi, une plateforme peut être parfaitement légale en Ontario, mais pas dans le reste du pays. Cela signifie que vous devez toujours vérifier que le site sur lequel vous souhaitez jouer est bien autorisé à opérer dans votre province de résidence. Pour vous aider dans cette démarche et trouver des informations fiables sur les options disponibles dans votre région, notre cabinet vous recommande de consulter le guide parier sur le sport au Canada, qui regroupe des informations actualisées sur les sites légaux selon votre lieu de résidence.
En Ontario, l’Alcohol and Gaming Commission supervise les licences, les pratiques commerciales, la protection des joueurs et l’intégrité du marché. Depuis avril 2022, les opérateurs privés peuvent proposer légalement leurs services en ligne sous réserve d’obtenir un agrément provincial.
Au Québec, la Régie des alcools, des courses et des jeux exerce la compétence de régulation. Toutefois, les activités commerciales relèvent de Loto-Québec, société d’État. Cette dernière exploite les casinos, les jeux en ligne (via Espacejeux) et les paris sportifs (via Mise-o-jeu).
La Colombie-Britannique fonctionne sur un modèle proche, avec la British Columbia Lottery Corporation, qui détient le monopole sur les jeux d'argent en ligne et terrestres.
Par ailleurs, certaines communautés autochtones, notamment Kahnawake, gèrent leur propre juridiction de jeu. Elles délivrent des licences d’opérateur en ligne à des entreprises établies au Canada et à l’international, dans une logique d’autonomie reconnue.
Ce morcellement crée un environnement complexe. Le statut légal d’un même site peut varier selon la localisation du joueur. En l’absence de législation nationale uniforme, les Canadiens sont soumis à des régimes différents selon leur province de résidence.
Vers une nouvelle façon de réguler ?
L’adoption du projet de loi C-218, en modifiant le Code criminel, a autorisé les provinces à légaliser les paris sportifs sur un seul événement. Cette réforme résulte d’un consensus croissant sur la nécessité d’encadrer un marché déjà florissant mais non supervisé.
L’Ontario a été la première à lancer un marché concurrentiel, sous supervision publique. Plusieurs opérateurs internationaux ont obtenu une licence. Le succès de ce modèle alimente des discussions dans d’autres provinces, comme l’Alberta ou la Saskatchewan.
Cette évolution soulève des défis : la coexistence de marchés publics et privés, la nécessité de garantir des standards communs de protection, et le contrôle des sites étrangers non régulés. Le manque d’unité complique la lutte contre le jeu excessif et contre le blanchiment.
Un débat s’ouvre désormais sur une meilleure coordination interprovinciale. À défaut d’une loi fédérale, un cadre volontaire harmonisé permettrait de poser des règles communes sur les données, la publicité, et les procédures d’agrément.
Quelles différences avec la France ?
En France, la régulation est centralisée. L’Autorité nationale des jeux (ANJ) supervise à l’échelle nationale les opérateurs agréés, publics et privés. Les jeux de loterie, les paris hippiques et sportifs relèvent de monopoles d’État. Les jeux de casino en ligne sont interdits.
Le Canada adopte une logique inverse : la compétence appartient aux provinces. Chaque territoire décide de ses règles, de ses licences, et du modèle économique retenu (monopole public ou concurrence encadrée).
Le mot de la fin
Le cadre canadien des jeux d’argent illustre un système décentralisé, fondé sur l’autonomie provinciale. Cette structure permet une adaptation locale mais crée des disparités importantes. Le marché ontarien, récemment ouvert à la concurrence, marque un tournant.
Toutefois, cette liberté d’organisation complique la lutte contre les dérives, comme l’addiction ou l’évasion fiscale. Une réflexion sur la coordination ou l’harmonisation paraît indispensable. Le Canada pourrait y parvenir sans renoncer à sa tradition de gouvernance partagée.