La question des libertés fondamentales face à l'état d'urgence sanitaire

Publié le 02/06/2020 Vu 5 088 fois 0
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Présentation des dernières décisions intervenues sur la question des libertés fondamentales mises à mal par l'instauration de l'état d'urgence sanitaire.

Présentation des dernières décisions intervenues sur la question des libertés fondamentales mises à mal p

La question des libertés fondamentales face à l'état d'urgence sanitaire

La question des libertés fondamentales face à l’état d’urgence sanitaire

 

Parmi les périodes sombres de l’histoire de l’humanité, l’on retiendra sans nul doute l’année 2020 qui aura été marquée par une crise sanitaire sans précédent.

La France étant l’un des pays les plus touchés par cette pandémie, enregistre ses trois premiers cas le 24 janvier 2020.

L’augmentation du nombre de cas confirmés fait passer l’épidémie au stade 3 à partir du 14 mars 2020.

Afin de stopper la diffusion exponentielle du coronavirus et permettre au personnel hospitalier de faire face à la vague de contamination, des mesures de confinement sont décidées le 17 mars et le gouvernement français déclare l’état d’urgence sanitaire le 23 mars 2020.  

 

Cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire

L'état d'urgence sanitaire est une mesure exceptionnelle pouvant être décidée en conseil des ministres en cas de catastrophe sanitaire, notamment d'épidémie, mettant en péril la santé de la population. [i]

Il est déclaré le 23 mars 2020 pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020.

Le 2 mai 2020, le Premier ministre présentait en conseil des ministres un projet de loi qui prolonge l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 24 juillet 2020, en raison du niveau élevé de circulation du coronavirus et des risques de reprise épidémique.

Par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 en son article 1 I, l’état d’urgence sanitaire est finalement prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus. [ii]

Si ce régime est marqué par son exceptionnalité strictement encadrée par la loi, certaines mesures prises en application de celui-ci posent toutefois question et ont provoqué un vif élan de contestation.  

 

La portée de l’obligation de l’Etat face à la crise du coronavirus

Le Conseil d’Etat a tout d’abord été saisi d’un recours tendant à ce qu’il soit enjoint au Gouvernement de prendre un certain nombre de mesures destinées à lutter plus efficacement contre le virus.  

Par une ordonnance rendue le 22 mars 2020, le Conseil d’état précise que « Le droit au respect de la vie, rappelé notamment par l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative »

Il précise en outre que « si le non-respect par la population des « gestes barrière » imposés par les autorités sanitaires et des interdictions de déplacement, alors qu’il appartient à chaque personne de contribuer ainsi à la non propagation du virus, ne saurait constituer une carence manifeste des pouvoirs publics, il appartient néanmoins à ces derniers de mettre en place les mesures d’organisation et de déploiement des forces de sécurité de nature à permettre de sanctionner sur l’ensemble du territoire les contrevenants » ;

Et qu’il « appartient également à ces mêmes autorités de s’assurer, dans les lieux recevant du public où continue de s’exercer une activité, du respect des « gestes barrière » et de la prise des mesures d’organisation indispensables ». [iii]

On comprend alors que l’Etat aurait une obligation de moyens renforcée face à cette crise de coronavirus.

 

La liberté de culte  

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’état dans son article 1er dispose que : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt dans l’intérêt de l’ordre public. » [iv]

Il découle donc une obligation de l’Etat, de rendre possible l’exercice et la pratique du culte. [v]  

De ce fait, plusieurs associations et requérants individuels avaient saisies en référé le Conseil d’état sur la question de l’atteinte à la liberté de culte au regard de la fermeture des offices religieux ; alléguant notamment que : « l’interdiction générale et absolue de la célébration des offices religieux est contraire à l’intérêt public, que la célébration des offices religieux peut être strictement encadrée dans l’intérêt public. »

Dans des ordonnances rendues le 18 mai 2020 le juge des référés précise que : « l’interdiction générale et absolue de la célébration des offices religieux présente un caractère disproportionné au regard de l'objectif de préservation de la santé publique et constitue ainsi, eu égard au caractère essentiel de cette composante de la liberté de culte, une atteinte grave et manifestement illégale à cette dernière. »

Par conséquent : « ordonne au Gouvernement de lever cette interdiction et d’édicter à sa place des mesures moins contraignantes. » [vi]

 

La surveillance par drone

L’association « La Quadrature du Net » et la Ligue des droits de l’homme avaient demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision du préfet de police ayant institué depuis le 18 mars 2020 un dispositif visant à capturer des images par drones et à les exploiter afin de faire respecter les mesures de confinement et d’enjoindre au préfet de police de cesser immédiatement, à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, de capter des images par drones, de les enregistrer, de les transmettre ou de les exploiter, puis de détruire toute image déjà captée dans ce contexte.

Par une ordonnance n° 2006861 du 5 mai 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Saisi en appel dans le cadre d’une procédure en référé, le Conseil d’état dans une nouvelle ordonnance rendue le 18 mai 2020, annule l’ordonnance prise par le juge des référés du tribunal administratif de Paris et fait droit aux demandes des parties en première instance au motif que : « La surveillance policière emporte une atteinte grave, illégale, injustifiée et disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, au droit à la protection des données personnelles et à la liberté d’aller et venir. » [vii]

 

Le traitement des données médicales des personnes atteintes du coronavirus et leur mise en quarantaine.

Dans une décision du 11 mai 2020 portant notamment sur des questions liées au traitement de données à caractère personnel et au régime des mesures de quarantaine et d'isolement des personnes atteintes du coronavirus, le Conseil constitutionnel a procédé à la censure de certaines dispositions et énoncé des réserves d'interprétation.

La question du traitement des données médicales des personnes atteintes du coronavirus

Le Conseil constitutionnel considère que : « le législateur en renforçant les moyens de la lutte contre l'épidémie de coronavirus, par l'identification des chaînes de contamination, a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. »

Il formule cependant trois réserves d'interprétation, notamment sur l'anonymisation des données pour la surveillance épidémiologique et la recherche sur le virus qui doit être étendue aux numéros de téléphone et courriels des personnes.

Par ailleurs, il censure comme méconnaissant le droit au respect de la vie privée, une disposition du texte permettant aux organismes qui assurent un accompagnement social d'avoir accès aux données traitées dans le système d'information, sans le consentement des personnes. [viii]

Cette censure est d’autant plus compréhensible si l’on se réfère à l’article 9.1 du RGPD qui interdit le traitement des données médicales des personnes à moins qu’elles aient au préalable exprimé leur consentement de façon explicite. [ix]

La question de la mise en quarantaine des personnes atteintes du coronavirus

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs précisé dans cette même décision que : « le régime de contrôle applicable aux mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement ordonnées en cas d'état d'urgence sanitaire ne méconnaît pas la liberté d'aller et de venir dès lors que ces restrictions sont prises eut égard aux finalités poursuivies par ces mesures. »  [x]

 

 

 

Emmanuel Kottia  

 

 
 
 
 
Références bibliographiques 


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A propos de l'auteur
Blog de Les Sillons de la Justice

Jean Emmanuel KOTTIA

Juriste généraliste en droit privé conseil et contentieux / Conférencier 

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