Le secret bancaire au Cameroun
Il est organisé au Cameroun par la loi numéro 2003/004 du 21 avril 2003 relative au secret bancaire.
Il est d’usage dans la plupart des corps de métier de garder certaines informations secrètes. Ce sont des considérations à la fois économique et sociale qui sont à la base du secret bancaire.
I- Les bases du secret bancaire
Pour la maîtrise du secret bancaire, il faut s’appuyer sur des considérations d’ordre qui dépassent strictement l’ordre du droit, car aux sources juridiques permettant d’appréhender cette institution, il importe de faire appel aux considérations individuelles et collectives.
A- Considérations générales sur le secret bancaire
1- Au plan individuel
Le secret bancaire concerne le droit de non-ingérence et le droit de réserve.
a). obligation de non ingérence
C’est le droit de garder secret des informations et renseignement qui concernent la vie privée d’une personne. La liberté individuelle s’oppose donc à ce que le banquier soit amené à exercer un contrôle du but, de la destination ou de l’opportunité des opérations accomplies ou instrumentées pour le compte de ses clients. Ceci s’apparenterait ainsi à une ingérence inadmissible dans la vie et le secret des affaires.
b). réserve bancaire
Il est important que le banquier garde une certaine neutralité dans la gestion de ses rapports avec ses clients.
Ainsi, il ne doit ni se substituer à eux, ni intervenir dans la conduite de leurs affaires.
Toutefois, il faut relever que le banquier doit rester vigilant dans l’accomplissement des ordres des clients car, le banquier doit rester attentif à l’usage qui pourrait être fait des services qu’elle fournit.
Ceci pour ne pas être complice d’anomalies ou d’opérations contraires à la loi.
2- Au plan collectif
Au plan national, ce secret doit pouvoir promouvoir la politique générale de l’Etat qui l’adopte ainsi que sa politique économique.
a). politique générale
Dans un Etat libéral, chacun a droit au respect de sa sphère d’intérêt privé que le secret bancaire contribue à renforcer.
b). politique économique
Le secret bancaire doit répondre à un souci de protection et de dissimulation de situation économique. Il offre une attirance des capitaux errant qui cherche la sécurité voire l’anonymat.
B- Composante du secret bancaire
1- Les parties intéressées
D’après la loi camerounaise, « Le secret bancaire consiste en l’obligation de confidentialité à laquelle sont tenus les établissements de crédit par rapport aux actes, faits et informations concernant leurs clients, et dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur profession ». Article 3
Ainsi, « (1)toute personne qui, à quelque titre que ce soit, et quelle qu’en soit la durée ou la modalité, participe à la direction, à la gestion, au contrôle ou à la liquidation d’un établissement de crédit ou est employée par celui-ci, est tenue au secret bancaire.
(2) La même obligation s’étend aux personnes qui, sans faire partie du personnel, ont eu connaissance ou accès de manière indue ou autorisée, aux secrets d’un établissement de crédit de par leur qualité, leurs aptitudes techniques et intellectuelles ou leur fonction ». Article 4
Le secret bancaire se traduit donc par une obligation de ne pas faire incombant principalement à l’établissement de crédit (défense de révéler, de communiquer, de laisser révéler ou de communiquer etc.).
2- L’objet de secret
L’obligation qui incombe au banquier est celle de garder secret les actes, faits et informations concernant ses clients.
La lecture de la loi nous amène à faire une distinction entre les renseignements confidentiels et ceux qui ne le sont pas.
Les renseignements confidentiels sont ceux sui représentent un caractère précis notamment par les chiffres qui les accompagnent :
- Opérations relatives au compte bancaire,
- Opération d’escompte,
- Fourniture de devises,
- Résultat des inspections ou contrôle effectués par les autorités monétaires,
- Etude,
- Projets …
A défaut d’accord du client concerné, leur divulgation engage la responsabilité du banquier. En revanche ne sot pas couvertes par le secret, la communication de certaines informations à caractère général notamment tout renseignement qu’il est d’usage à fournir aux tiers clients ou non de la banque.
II- Implications de l’obligation au secret (à suivre)
En contrepartie de l’obligation de garder secret, la loi confère au banquier le pouvoir de s’opposer à toute demande de révélation ou d’investigation, que cette demande provienne des personnes privées ou des pouvoirs publics. Mais il existe de nombreuses exceptions à cette règle. D’une part nous examinerons cette obligation dans les rapports avec les personnes privées et d’autre part dans les rapports de la banque avec les pouvoirs publics.
A- Le secret bancaire face aux personnes privées
Trois cas peuvent être analysés.
1- L’obligation au secret du vivant du client
Le principe ici est qu’il est opposable à toutes personnes quelle que soit sa qualité ou son rang, le client étant seul maître de son secret.
a) la famille du client. La Loi camerounaise dispose que le secret est inopposable au conjoint muni des pouvoirs de représentation légale ou contractuelle ; au tuteur d’un mineur ou d’un majeur incapable ; au curateur voulant être renseigné sur les opérations effectuées sur les biens dont il a la gestion.
b) le mandataire du client : En dépit du lien qui peut exister entre le client et son employé, aucune révélation ne peut être faite par le banquier à celui – ci sauf dans le cas d’une autorisation spéciale. Celle –ci ne peut pas se présumer même au cas où l’employé gère la majeure partie des affaires de son patron et connait la quasi-totalité de ses secrets.
c)- les représentants des personnes morales (PCA, PDG…) ne peuvent se voir opposer le secret bancaire. Il en est de même pour le commissaire aux comptes qui a droit aux informations nécessaire à l’accomplissement de sa mission.
d)- l’exercice des droits des tiers : L’exercice d’un droit reconnu à un tiers implique quelque fois que le banquier le renseigne sur la situation de son client. C’est le cas de :
- La caution : le secret bancaire lui est inopposable car l’article 25 de l’acte uniforme portant droit des sûreté impose au créancier ( établissement de crédit dans la plupart des cas ) « de communiquer à la caution un état des dettes du débiteur principal précisant leurs causes, leurs échéances et leurs montants en principal, intérêts, et autres accessoires restant dus ».
- Le créancier gagiste, l’usufruitier et le nu propriétaire : En vertu de leurs droits respectifs sur l’usage, la jouissance, la surveillance et la réalisation éventuelle ils ont un droit direct d’être renseignés par l’établissement de crédit sur les biens faisant l’objet de leur droit réel. Il s’agit généralement d’un compte de titres sociaux des clients.
- La stipulation pour autrui : Lorsque dans une opération bancaire la banque et le client ont stipulé pour un tiers, ce dernier est habilité à demander des informations relatives à ces opérations. C’est le cas par exemple de la convention de transfert fiduciaire de somme d’argent prévue par les articles 87 et ss de l’acte uniforme portant droit des sûretés.
- Les procédures collectives d’apurement du passif : En cas de redressement ou de liquidation des biens toutes les personnes ou organes régulièrement habiletés et intervenant dans cette procédure peuvent se faire délivrer par l’établissement de crédit tout document utile à l’accomplissement de leur mission.
2- Le secret après la mort du client
Le principe est l’inopposabilité avec des tempéraments pour certaines catégories de bénéficiaires.
a) Les héritiers et successeurs universels
Ceux-ci continuent la personne de leur auteur ex client de l’établissement de crédit. Toute fois, le secret est maintenu à leur égard pour les informations à caractère purement personnel dont l’établissement de crédit a pu avoir connaissance.
b) Les légataires et donataires
c) Le secret bancaire s’applique au légataire à titre universel ou particulier ainsi qu’aux donataires.
B- L’obligation au secret dans les rapports avec les autorités publiques
1- Le secret bancaire face aux autorités administratives
a) Le fisc
L’administration fiscale a un droit de communication des documents comptables et bancaires dont la connaissance lui est nécessaire pour le contrôle de l’assiette et le recouvrement de l’impôt.
b) La douane
Le secret ne peut être opposé aux fonctionnaires de la douane assermentés agissant en matière de détermination de l’assiette et de recouvrement des droits et taxes douanière.
2- Le secret bancaire face aux autorités judiciaire
a) Cas d’une procédure pénale
Le banquier ne peut opposer le secret aux autorités judicaire en charge d’une procédure pénale (magistrat ou OPJ) quelle que soit la phase de la procédure (enquête, instruction ou jugement).
b) Obligation au secret en matière civile et commerciale
- Une première hypothèse concerne la production en justice des livres par le banquier. Lorsque c’est sur la demande du client concernant ses documents personnels qui peuvent lui servir de preuve, la banque ne peut pas se retrancher derrière le secret professionnel pour refuser de le faire. En revanche, le banquier ne peut être contraint de produire les écrits en sa possession pour donner suite à une demande d’un plaideur démuni de tous droits contre lui.
- La seconde la plus courante est celle de la saisie attribution des créances. Dans ce cas le banquier (le tiers saisi) est tenu en vertu de l’article 156 de l’acte uniforme portant procédures collectives « de déclarer au créancier l’étendu de ses obligations à l’égard du débiteur… il doit communiquer copie des pièces justificatives ».
3- Le droit de communication réservé aux agents du contrôle bancaires.
Le banquier ne peut opposer le secret à toutes personnes qui assurent le respect de la réglementation de l’activité bancaire et de l’organisation professionnelle des banques (MINFI, COBAC, ANIF, …).