Abus de majorité par mise en réserve systématique des bénéfices au détriment des autres associés

Publié le 31/05/2013 Vu 18 736 fois 5
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Le 7 février 2012, la Cour de cassation a jugé la mise en réserve systématiques des bénéfices réalisés par la société, qui n’est justifiée par aucun intérêt social, mais qui a pour effet de priver l’associé minoritaire des revenus de l’activité des sociétés en le supprimant de dividendes constitue un abus de majorité (Cass. Civ. III, 7 février 2012, N° de pourvoi: 10-17812).

Le 7 février 2012, la Cour de cassation a jugé la mise en réserve systématiques des bénéfices réalisés

Abus de majorité par mise en réserve systématique des bénéfices au détriment des autres associés

Le bénéfice réalisé par une société peut être :

- distribué, sous forme de dividendes ;

- mis en réserve : réserve légale, réserves réglementées, réserves statutaires, réserves facultatives) ;

- faire l’objet d’une décision d'affectation lors d’une réunion ultérieure d'assemblée générale des associés : le "report à nouveau",

Afin de trancher le sort des bénéfices, l'assemblée générale ordinaire annuelle (AGO) des associés doit être réunie dans les six mois de la clôture de l'exercice social.

Or, il est fréquent que, dans les sociétés constituées par des personnes liées entre elles par des liens personnels ou sentimentaux, l’associé majoritaire utilise sa majorité pour empêcher la distribution de dividende au profit de son associé minoritaire et ainsi le priver de revenu, surtout lorsque les sentiments d’amour ont disparu.

Ainsi, la jurisprudence a posé une limite à la règle de la majorité : l’abus de majorité.

En principe, l’abus de majorité se caractérise par des décisions prises à l’encontre de l’intérêt social et dans l’unique dessin de favoriser les actionnaires majoritaires au détriment des minoritaires.

Le cas échéant, tout associé ou actionnaire peut intenter, aux choix ou ensemble :

- une action en responsabilité contre les associés majoritaires auteurs de l’abus afin d’obtenir des dommages et intérêts, dans un délai de cinq ans à compter de la date du vote de la décision litigieuse ;

- une action en annulation de la délibération litigieuse afin d’obtenir la distribution des sommes qui ont été abusivement affectées en réserve par les associés majoritaires, dans un délai de trois ans à compter de la date du vote de cette décision.

En l’espèce, l’associé minoritaire de plusieurs SCI a sollicité en justice l’annulation des décisions de mise en réserve pour plusieurs exercices sociaux et, par voie de conséquence, la distribution de l’ensemble des bénéfices à chacun des associés à proportion de leurs droits.

En effet, depuis la séparation du couple formé par un associé majoritaire et un associé minoritaires de SCI et pendant 15 ans, l’associé majoritaire n’a plus versé à son ex compagne les dividendes auxquels elle pouvait prétendre en tant qu’associé minoritaire.

Pour sa défense, l’associé majoritaire soutenait que les sommes affectées étaient destinées à permettre de financer des travaux de réparation et d’aménagement des immeubles appartenant à une des SCI.

Cependant, les juges ont relevé que les travaux de réparation et d’aménagement des locaux étaient mis à la charge du preneur par le bail et non à la SCI (bailleresse).

Dans ce contexte, les cours d’appel et de cassation ont jugé que l’abus de majorité est constitué en cas de mises en réserve des bénéfices systématiques, justifiées par aucun intérêt social pour les sociétés, mais qui avaient pour effet, en supprimant le “ dividende “, de priver l’associé minoritaire des revenus de l’activité des sociétés.

Les juges ont donc annulé les délibérations prises par les assemblées générales extraordinaires litigieuses et ordonné la distribution des dividendes aux associés telle que sollictée par l'associé minoritaire.

Il ressort de cette décision que les décisions de mises en réserve des bénéfices doivent pouvoir être justifiées par l’intérêt social et motivées en ce sens dans les délibérations des assemblées générales.

A défaut, un abus de majorité sera constitué lorsque, comme en l'espèce, les conditions cumulatives suivantes seront réunies :

- Une mise en réserve systématique des bénéfices réalisés par la société ;

- L’absence d’investissement des sommes mises en réserves, dont l’affectation ne correspond ni à l’objet ni à l’intérêt de la société.

Je suis à votre disposition pour toute action ou si vous souhaitez des informations (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
16/09/2014 13:55

Bonjour,

Je reviens sur l'action en annulation de la délibération litigieuse afin d’obtenir la distribution des sommes qui ont été abusivement affectées en réserve par les associés majoritaires, dans un délai de trois ans à compter de la date du vote de cette décision.

Si l'associé n'était pas présent à l'AG - mais convoqué, à quelle date court la prescription (date du dépôt au greffe)?

Enfin, est-ce que l'art. L223-22 du Code du Commerce ou le L235-9 du C.com qui doit s'appliquer?

Vous remerciant par avance. Alain

2 Publié par Maitre Anthony Bem
16/09/2014 14:08

Bonjour Alain,

La prescription de l'action en nullité de l'assemblée générale court à compter de la date de celle-ci.

Je vous confirme que l'article L235-9 du code de commerce s'applique en ce qu'il dispose que :

« Les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de la forclusion prévue à l'article L. 235-6.

Toutefois, l'action en nullité d'une fusion ou d'une scission de sociétés se prescrit par six mois à compter de la date de la dernière inscription au registre du commerce et des sociétés rendue nécessaire par l'opération.

L'action en nullité fondée sur l'article L. 225-149-3 se prescrit par trois mois à compter de la date de l'assemblée générale suivant la décision d'augmentation de capital ».

Cordialement.

3 Publié par Visiteur
16/09/2014 15:00

Merci pour votre rapide retour.

Je penchais plus sur cette appréciation, qu'"en l'absence de preuve de la convocation des associés, de production du registre des délibérations tenu au siège social ou d'une lettre informant l'intimé des délibérations, il y a lieu de considérer que la prescription n'a couru qu'à compter du jour où celui-ci e eu connaissance de ces délibérations. Aucune coutume, fût-elle familiale, ne permet, en l'absence d'un associé lors d'une assemblée générale, d'échapper à la nullité découlant de l'inobservation des formalités imposées par l'article R. 223-20 du Code de commerce. L'existence d'une délibération ultérieure n'est pas de nature à permettre l'absence d'annulation des assemblées générales convoquées de manière irrégulière. (Cour d’Appel Bastia 11.01.2012 : Bulletin Joly Sociétés 2012, n°5, p.417 - note de MOUIAL BASSILLANA EV A).

Qu'en pensez-vous? Cordialement.

4 Publié par Maitre Anthony Bem
16/09/2014 15:32

Rebonjour Alain,

En effet, la règle peut être adaptée aux situations notamment en cas de fraude, de sorte que certains juges ont pu logiquement considérer, comme dans l'affaire précitée, que la prescription de l'action en nullité de l'assemblée générale ne court qu'à compter du jour où l'associé en a eu connaissance.

Cordialement

5 Publié par Visiteur
14/09/2017 17:19

Bonjour,
Je me permet de venir vers vous car j ai besoin de conseil et votre exemple me rappelle comment je suis dans l embarras actuellement. Il y a 15 ans environ, mon père m embarque dans ses affaires. J ai 25 ans à l époque et ne me préoccupe pas du tout de tout cela. bref, mon père crée des sci, acheté des bien, me met dans ses sci pour 49% pour une société et 25 pour une autre. Il y a 4ans environ, il veut créer une autre sci avec ma demi sœur, et nous met associées pour 49%, il garde 2% des parts. A ce jour, je n ai jamais touché les bénéfices d aucunes de ces sociétés. La plus part de toute façon ayant été créés pour se défiscalisation plus que pour gagner de l argent. En 2015 et en 2016, j ai demandé à mon père de me payer la part que les sociétés me gêneraient comme impôts. Je l ai demandé à mon père non pas en tant que père mais en temps que gérant. Ce qu'il a fait. J ai donc touché pour le coup une part des bénéfices. Aujourd'hui nous sommes en désaccord et mon père et moi ne nous parlons plus. Par contre, je suis à mi temps suite à un congé parental à temps partiel et je n ai pas d impôts propre sur les revenus mais ses sociétés me génèrent 4580 euros d impôts. Évidement il refuse de me donner cette somme. Je souhaiterais savoir ce que je peux faire contre cela pour au moins me faire payer les impôts sans pour autant entrer dans une procédure judiciaire ? Y a t il un courrier que je puisse lui envoyer, en apposant en annotation une loi lui imposant en tant que gérant de me donner une part du bénéfice afin de payer la part d impôts que génère les sci sur mes revenus???? ( j espère que je ne me suis pas trop mal exprimée et que ce q je dis est compréhensible). Merci d avance pour votre réponse

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