Effet du recel successoral sur les biens acquis grâce à des donations d’argent dissimulées

Publié le Modifié le 18/10/2021 Vu 7 963 fois 1
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Les biens acquis au moyen de sommes provenant de donations de sommes d’argent dissimulées par l’un des cohéritiers et constitutives de recel successoral doivent-ils être restitués ?

Les biens acquis au moyen de sommes provenant de donations de sommes d’argent dissimulées par l’un des co

Effet du recel successoral sur les biens acquis grâce à des donations d’argent dissimulées

Le 8 octobre 2014, la Cour de cassation a jugé que les biens acquis au moyen de sommes provenant de donations de sommes d’argent dissimulées par l’un des cohéritiers et constitutives de recel successoral n’ont pas à être restitués dans le cadre du règlement de la succession (Cass. Civ. 1re, 8 octobre 2014, n°13-10074).

 

Le droit des successions encadre le sort des donations perçues par les héritiers au moment du règlement de la succession et du partage de l’héritage du défunt auteur de la donation.

 

Ainsi, l’article 843 du Code civil dispose que :

 

« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

 

Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant. »

 

Autrement dit, tout héritier est tenu de rapporter à la succession toutes les donations reçues de la part du défunt afin de respecter le principe de l’égalité entre les héritiers lors du partage de la succession.

 

Dès lors, le fait de dissimuler une donation antérieure constitue un recel successoral sanctionné.

 

En effet, pour mémoire, le recel successoral est le fait pour un héritier de frauder les droits des autres héritiers en rompant l'égalité de droits lors du partage de la succession, en s’appropriant indument des biens dépendant de la succession, en dissimulant leur possession alors qu'il devrait être tenu de les déclarer, en ne déclarant pas les dons et donations.

 

Concrètement, le recel successoral est un détournement frauduleux réalisé par n'importe quel moyen par un héritier au détriment des autres héritiers, visant à rompre l'égalité du partage de la succession.

A titre d’exemple, le recel peut consister en la soustraction ou la vente de meubles ou immeubles, l’'absence de révélation de l'existence de tels biens ou d'un autre héritier, la production d’un faux testament ou l’utilisation abusive d’une procuration bancaire accordée par le défunt.

 

A ce titre, l’article 778 du Code civil dispose que :  

 

« Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession. »

Ce texte sanctionne donc les héritiers à restituer les donations en perdant leurs droits sur celles-ci, comme si elles n'avaient jamais existé.

A cet égard, il est important de rappeler que la jurisprudence précise les modalités de la restitution.

Ainsi, lorsqu’il s’agit d’un bien, la restitution porte sur le bien dans l'état dans lequel où il se trouvait au jour de l'ouverture de la succession de façon à ce que l'héritier receleur soit censé n'en avoir jamais eu la propriété.

Si le bien recelé est une somme d'argent, la restitution doit porter sur cette somme elle-même.

Toutefois, si la somme détournée a été employée à acquérir un bien, il a déjà été jugé que la restitution soit calculée d'après la valeur de ce bien à l'époque du partage (CA Paris, 2e ch. B, 8 juillet 1994).

En l’espèce, suite à l’établissement d’un acte de partage de succession, deux des trois héritiers ont découvert que leur mère avait, de son vivant, consenti une donation à leur frère, ayant permis à ce dernier d’acquérir plusieurs parts sociales d’une société.

Les deux héritiers ont assigné en justice leur frère pour recel successoral et ont demandé la restitution des actions et dividendes dissimulés.

 

Les juges ont eu à se poser la question de savoir si, en cas de dissimulation d’une donation d’une somme d’argent ayant servi à acheter un bien, le recel successoral s’applique-t-il à ce bien de sorte qu’il doive être rapporté à la succession ?

 

Compte tenu que le don manuel fait par la mère ne portait que sur une somme d’argent et non sur les actions dont elle n’a jamais été propriétaire, les juges d’appel et de la Cour de cassation n’ont pas eu le choix que de rejeter la demande de restitution des actions et dividendes attachés au titre du recel successoral.

 

Ainsi, la Haute Cour a considéré que :

 

« ayant constaté que la donation consentie par la défunte à son fils Pierre avait porté sur une somme d'argent et non sur les actions que les deniers avaient permis d'acquérir, la cour d'appel en a exactement déduit que les [les héritiers demandeurs] ne pouvaient prétendre, au titre d'un recel successoral, à la restitution des actions et dividendes ; que le moyen n'est pas fondé ».

 

Par conséquent, cet arrêt fixe le principe selon lequel l’héritier victime d’un recel successoral peut obtenir la restitution de la donation de la somme d'argent dissimulée elle-même, c'est-à-dire concrètement de son montant en valeur, et non celle des biens que cette dernière a permis d’acquérir.  

 

Toutefois, il est important de rappeler que, dans une autre affaire, la Cour de Cassation a jugé, le 30 septembre 2009, que lorsque le recel résulte de la dissimulation d'une donation d’une somme d’argent employée à l'acquisition d'un bien, le receleur est redevable d'une somme représentant la « valeur actuelle du bien ».

 

Ainsi, lorsque la donation de sommes d’argent a servi à acheter un bien, le rapport correspond à la valorisation de ce bien de sorte que le receleur ne rapporte pas le bien lui-même mais sa valeur « actuelle », c'est-à-dire au jour du partage.

Il a été jugé dans cette précédente affaire que :

« pour dire que Mme C... X... est privée de tous droits sur l'appartement de Cagnes-sur-Mer, dont la nue-propriété a été acquise par elle à l'aide de deniers fournis par son père et dont sa sœur et elle n'ont pas fait état des opérations de liquidation et de partage, l'arrêt attaqué énonce que rien ne s'oppose à ce que la restitution du bien litigieux se fasse en nature et non en valeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, si le recel résulte de la dissimulation d'une donation de deniers employés à l'acquisition d'un bien, le receleur est redevable d'une somme représentant la valeur actuelle du bien, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (Cass. Civ. I, 30 septembre 2009, n°08-16601).

Il résulte de ce qui précède que la détermination du contour et des effets du recel successoral par un avocat spécialisé en droit des successions est donc primordiale afin de permettre aux héritiers qui en sont victimes de solliciter et surtout d’obtenir en justice la juste sanction et leur indemnisation. 

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
12/06/2015 16:02

bonjour,mon père a décidé de donner une procuration sur ses comptes bancaires à ma sœur, moi je suis l ainée. Au départ, c est moi qui devait avoir une procuration, parce que à plusieurs reprises, il s est retrouvé hospitalisé et que je n en suis occupée. Je réside dans la meme ville que mon père tandis que ma sœur est à 150kms de son domicile, et ne peux pas s en occuper. Ma sœur et mon père se sont vus dernièrement et ont décidés cela, sans me concerter, sachant que mon père est agé et très influencable par ma sœur, ai je le droit d avoir des comptes rendus sur la gestion de ses comptes car je crains que ma sœur en profite, car déjà, il lui donne de l argent en liquide. Que puis je faire ? merci de bien vouloir me répondre. Cordialement

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