Obligation du bailleur d'installer un système de traitement d'air, des odeurs et fumées du local

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Le bailleur engage-t-il sa responsabilité en l'absence d'installation de système de traitement et d'extraction des fumées et odeurs d'un local de restauration ?

Le bailleur engage-t-il sa responsabilité en l'absence d'installation de système de traitement et d'extracti

Obligation du bailleur d'installer un système de traitement d'air, des odeurs et fumées du local

Les restaurants et locaux loués avec pour destination une activité de restauration doivent être pourvus de « système d'extraction de l'air pollué ».

Autrement dit, les cuisines de locaux de restauration doivent obligatoirement bénéficier d'une installation permettant d'extraire l'air pollué à savoir : les fumées, les odeurs ou les résidus d'odeurs.

À cet égard, il existe une réglementation précise relative aux conditions de ventilation des cuisines et d'extraction en façade des locaux ou sur le toit des immeubles.

L'article 63-1 du Règlement Sanitaire Départemental dispose que les prises d'air neuf et ouvrants doivent être placés en principe à au moins 8 m de toutes sources éventuelles de pollution et que l'air extrait des locaux doit être rejeté à au moins 8 m de toutes fenêtres ou de toutes prises d'air neuf sauf aménagement.

Cependant, un certain nombre de locaux de restauration ne comprennent pas de système d'extraction de l'air pollué et, pire, ne permettent pas non plus l'installation d'un tel système.

Or, en pratique, il est fréquent que les bailleurs invoque l'absence de système d'extraction de l'air pollué pour tenter de rompre le bail ou mettre à la charge de leur locataire le coût des travaux d'installation nécessaires, notamment lorsque la copropriété se plaint de nuisances olfactives.

La jurisprudence a ainsi instauré de nouvelles obligations à la charge des bailleurs.

A cet égard, la Cour de cassation a jugé, le 13 juillet 2010, que le bailleur viole son obligation de délivrance d'un local conforme en ne faisant pas procéder à l'installation d'un système d'extraction de l'air pollué dans le local de restauration loué et que le locataire pouvait valablement invoquer cette exception d'inexécution pour ne pas payer son loyer. (Cass. Civ. III, 13 juillet 2010, N° de pourvoi: 09-15409).

L'exception d'inexécution est le droit dont chaque partie à un contrat de refuser d'exécuter totalement ou partiellement l'obligation à laquelle elle est tenue tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due de la part de son cocontractant.

En l'espèce, des locaux ont été donnés bail et le contrat de bail commercial stipulait expressément que ceux-ci étaient destinés « à l'usage exclusif de restauration-brasserie à l'exclusion de toute autre activité ».

Le locataire n'a été informé de ce que les locaux donnés à bail ne comportaient aucune gaine d'extraction de l'air pollué de la cuisine qu'après la signature du bail, lorsque le maître d'oeuvre des travaux et la société qui devait concevoir et réaliser les travaux aérauliques d'extraction cuisine, l'a informé qu'en l'absence d'exutoire en toiture, l'installation ne serait pas satisfaisante.

Ainsi, le restaurant donné à bail ne comportait aucune gaine d'extraction de l'air pollué de la cuisine exigée par les prescriptions sanitaires.

Dans ce contexte, le locataire considérait que ces locaux étaient impropres, pour partie, à leur destination prévue au bail et que le bailleur manquait à son obligation principale de délivrance de la chose louée à l'usage auquel elle était contractuellement destinée.

Le locataire a donc informé son bailleur de l'absence de conduit existant à l'intérieure des locaux, de son impossibilité en conséquence de procéder au raccordement de l'évacuation de l'air pollué de la cuisine et de l'urgence de remédier à cette situation.

Malgré les demandes insistantes et renouvelées ainsi que les différentes propositions de solutions propres à y remédier émanant du locataire, cette situation a perduré pendant plusieurs mois et a entraîné pour ce dernier des perturbations réitérées et des troubles certains dans l'exploitation de son fonds, une baisse de son activité commerciale ainsi que de graves difficultés financières l'ayant contraint à ne plus payer son loyer.

A défaut d'avoir fait cesser les désordres subis par le locataire, le bailleur lui a fait délivrer un commandement d'avoir à payer le loyer aux termes convenus et visant la clause résolutoire, c'est à dire la résiliation du bail.

Un expert judiciaire est intervenu dans la procédure et a constaté :

- différents manquements imputables au bailleur, s'agissant du non-respect initial de son obligation de délivrance de la chose louée à l'usage auquel elle était contractuellement destinée ;

- la carence du bailleur à prendre, dans l'urgence puis – à défaut – dans « des délais raisonnables », les mesures nécessaires pour remédier aux désordres;

- que le bailleur a pris, sans l'accord du locataire, la décision de confier des travaux sur site aux techniciens du chantier, commandé des travaux sans concertation avec le locataire sur le matériel à mettre en place, pris trop tardivement la décision de mettre en place une installation de traitement d'air.

Pour conclure, l'expert judiciaire a considéré que le locataire n'avait pas disposé d'un système de traitement de l'air vicié de la cuisine conforme aux règles de l'art lui permettant d'exercer son activité de restauration.

Dans ce contexte, à titre reconventionnel, le locataire a sollicité des juges qu'ils déclarent nul et de nul effet le commandement de payer, visant la clause résolutoire insérée au bail, délivré à son encontre par le bailleur et le déclare redevable d'aucun loyer puis d'un loyer réduit de 30% en application du principe de l'exception d'inexécution.

Les juges de première instance, d'appel et de cassation ont unanimement :

- constaté qu'il n'était établi ni que le contrat de bail ait transféré au preneur la charge de réaliser le dispositif d'extraction des fumées, nécessaire, aux termes de la réglementation, à l'exploitation des locaux conformément à leur destination, ni que le preneur ait été informé des difficultés techniques qui devaient s'attacher à la conduite de tels travaux dans les lieux loués .

- déclaré nul et de nul effet le commandement de payer, visant la clause résolutoire.

Par conséquent, la Cour de cassation a jugé que :

« la cour d'appel a pu en déduire que la bailleresse avait manqué à son obligation de délivrance et que la société O'Restauration pouvait valablement invoquer l'exception d'inexécution » et que la perte d'exploitation subie par cette dernière société pendant la période litigieuse représentait une somme de plus de 750.000 euros

Cette affaire est riche d'enseignement sur la charge financière du coût de l'installation d'un système d'extraction des odeurs dans locaux de restauration donnés à bail.

En effet, il ressort de cet arrêt que le propriétaire d'un local de restauration est tenu au respect d'une obligation particulière de délivrance de la chose louée envers son locataire restaurateur : à savoir installer un système de traitement de l'air pollué et d'extraction des odeurs dans les cuisines.

Concrètement, le bailleur est tenu de créer un conduit à l'intérieur des locaux permettant de procéder au raccordement de l'évacuation de l'air pollué de la cuisine.

Le cas échéant, le preneur à bail dispose d'une arme très efficace puisqu'il peut opposer à son bailleur l'exception d'inexécution au paiement des loyers et charges lorsque le bailleur a manqué à son obligation de délivrer la chose louée.

Cet arrêt permet donc au locataire de cesser de payer son loyer si son bailleur manque à son obligation de délivrance conforme du local pris à bail.

De plus, il résulte de cette décision que le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré par le bailleur est nul et de nul effet.

Pour échapper à la mise en jeu de sa responsabilité, le bailleur doit expressément stipuler dans le bail que :

- le coût de l'installation d'une gaine d'extraction est à la charge du locataire ;

- le coût de l'installation d'une gaine d'extraction correspond à la contrepartie de la franchise de loyers le cas échéant.

Enfin, il convient de garder en mémoire que :

- le bailleur ne peut pas valablement invoquer le fait qu'il n'a été informé de l'absence de tout conduit à l'intérieur des locaux qu'après la signature du bail.

- en l'absence de tout conduit auquel peut être raccordé l'évacuation de l'air pollué de la cuisine et d'exécutoire en toiture, l'installation ne pourra jamais être satisfaisante.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
01/12/2014 09:48

Bravo maître,ça fait déjà deux ans que je me bats contre tout le monde,y compris mes avocats.votre article montre que j'ai raison depuis le début.
Merci

2 Publié par Visiteur
18/02/2015 16:42

Bonjour et merci beaucoup pour ces précisions très précieuses.
Lors de la reprise d'un bail de restauration d'un local équipé visiblement d'une extraction :
Doit on faire expertiser l'extraction?
Doit on demander sa notification dans le bail?
Cordialement

3 Publié par Maitre Anthony Bem
18/02/2015 17:35

Bonjour grego75

Il faudrait en effet faire expertiser par précaution le système d'extraction de l'air vicié ou pollué en place lors de la reprise d'un bail commercial et faire figurer explicitement dans le bail l'existence du système en place le cas échéant.

Cordialement.

4 Publié par Visiteur
09/03/2015 12:28

Bonjour,

Dans mon bail commercial, il est stipulé que le local est destiné à "l'activité de restauration rapide et traiteur, ne nécessitant pas de conduit de fumées". Le bailleur est-il obligé de me délivrer le local avec un système de traitement d'air vicié ou pollué? Il n'y a même pas de conduit de "ventilation" classique (je parle des conduits d'aération comme des conduits dans la salle de bain, les toilettes ou la cuisine chez les particuliers) dans ce local, chose à la quelle je n'avais pas fait attention avant la signature du bail.

Je vous remercie d'avance de votre réponse.
Cordialement,

5 Publié par Maitre Anthony Bem
09/03/2015 13:11

Bonjour heo,

Tel qu'indiqué dans mon article ci-dessus, le bailleur ne peut être tenu à une obligation de mise en conformité du local donné en location si l'installation du système d'extraction de l'air vicié est expressément exclu dans le bail commercial, comme cela semble est le cas dans votre contrat.

Cordialement.

6 Publié par Visiteur
25/03/2015 15:59

j ai signé un bail destiner à la restauration rapide,je découvre après ma signature du bail que l extraction n es pas faite dans les normes, l extration hotte donne directement sur la rue piétonne, est ce que le bailleur(propriétaire du locale et de batiment)est obliger de faire les traveaux d extraction. merci

7 Publié par Maitre Anthony Bem
25/03/2015 16:02

Bonjour dino,

Oui le bailleur est obligé de faire les travaux d'extraction si le bail prévoit une clause de destination de l'activité de restauration.

Cordialement.

8 Publié par Visiteur
26/03/2015 15:35

Bonjour Maître,

Un locataire voudrait prendre en location mon commerce qui n'est pas équipé pour la restauration comment dois-je traiter l'évacuation des odeurs ?

9 Publié par Maitre Anthony Bem
26/03/2015 19:36

Bonjour le duck,

Je vous invite à me contacter en privé pour me permettre de vous répondre dans le cadre d'une consultation sur votre situation personnelle.

Cordialement.

10 Publié par Visiteur
02/04/2015 17:46

bonjour maître,dans mon bail la bailleur utiliser des phrases:le locataire prendra les biens louées dans l état. Il ne pourra exiger du bailleur aucune réfection,remise en état ou travaux quelconques. Le locataire fera son affaire personnelle et exclusive de tous travaux,installations,mises aux normes,quelle qu'en soit la nature,qui seraient imposés par les autorités administratives la loi ou les règlements,en raison de ses activités présentes ou futures.d apres que le bailleur ma fait signer est ce que et toujours obligé de faire les travaux d extraction des odeurs en sachant que le bail est comercial restauration,merci d avance.

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