Pratiques anticoncurrentielles : conditions de validité des saisies de données informatiques

Publié le 03/03/2014 Vu 4 524 fois 0
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Quelles sont les conditions de validité des opérations de saisies de données informatiques en matière de recherche de preuves de pratiques anticoncurrentielles ?

Quelles sont les conditions de validité des opérations de saisies de données informatiques en matière de r

Pratiques anticoncurrentielles : conditions de validité des saisies de données informatiques

Le 14 novembre 2013, la Cour de cassation a jugé que la régularité des saisies de données informatiques est conditionnée à ce que les fichiers concernés soient identifiés, inventoriés et copiés à destination de la personne mise en cause afin qu’elle ait été mise en mesure d'en connaître le contenu et que ces saisines ne soient pas étrangères au but de l'autorisation accordée. (Cass. Crim. 14 novembre 2013, n° 12-87346)

Pour mémoire, les articles L.450-1 et suivants du code de commerce fixent le cadre juridique des opérations de visite et de saisie de documents effectuées par l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

Ainsi, dans le cadre d'enquêtes visant à rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et sur autorisation du juge des libertés et de la détention, les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence peuvent procéder à la visite de tout lieu et à la saisie de tout document ou support d'information.

Les conditions légales sont les suivantes :

  • la visite doit être effectuée en présence de l'occupant des lieux, de son représentant ou, à défaut, de deux témoins ;

  • les objets et documents saisis doivent être immédiatement inventoriés et placés sous scellés, à moins que leur inventaire sur place ne présente des difficultés, auquel cas ils font l'objet de scellés fermés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs ;

  • le déroulement de la visite et les constatations effectuées doivent être consignées dans un procès-verbal dressé sur le champ, lequel comporte, par ailleurs, l'inventaire des pièces et documents saisis ;

  • une copie du procès-verbal et de l'inventaire doit être remise à l'occupant des lieux ou à son représentant ;

  • le support physique de la saisie des données informatiques support doit être placé sous main de justice ou une copie doit être réalisée en présence des personnes qui assistent à la perquisition.

S’agissant de la saisie globale de données d'informations, la jurisprudence a eu l’occasion de préciser qu’elle ne pouvait avoir lieu que si :

  • les documents de messagerie stockés dans un fichier unique sont indivisibles et susceptibles de contenir des éléments relatifs à l'objet de l'opération autorisée, même pour partie seulement (Cass. Crim., 30 novembre 2011, n° 10-81749, D. 2011. 2988) ;

  • les fichiers saisis sont identifiés et inventoriés et qu'une copie du support contenant cet inventaire est remise à la personne concernée afin qu'elle puisse connaître la nature des données (Cass. Crim., 14 décembre 2011).

En l'espèce, des opérations de visite et de saisie de données informatiques ont été effectuées par l'administration de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au sein des sociétés Auchan et à partir des ordinateurs de bureau, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

Ces données ont été placées sous scellé fermé.

Les sociétés Auchan ont exercé un recours devant le premier président de la cour d'appel aux fins de voir prononcer l'annulation des saisies des données informatiques.

Elles ont notamment demandé leur retrait de la procédure invoquant des irrégularités des saisies eu égard à leur caractère global et disproportionné, celles contenues dans le procès-verbal de saisie et le non respect des modalités d'inventaire.

Le premier président de la cour d'appel a rejeté le recours estimant que si la méthode de saisie globale de fichiers de messagerie conduisait, certes, à la saisie de certains messages ou documents sortant du champ de l'enquête car figurant dans les mêmes fichiers que les messages utiles à celle-ci, il n'en demeurait pas moins que la nécessité d'une telle saisie globale résultait non seulement de la structure insécable d'un fichier de messagerie mais encore de l'obligation de ne modifier ni l'état de l'ordinateur visité ni les attributs des fichiers.

Par ailleurs, il a relevé que :

- les saisies litigieuses avaient eu lieu en présence des représentants des sociétés en cause,

- aucune observation n'avait été formulée au moment où les opérations avaient été effectuées,

- les documents et fichiers saisis avaient été gravés sur plusieurs DVD vierges non réinscriptibles, réunis sous plusieurs scellés fermés et inventoriés sur un CD annexé au procès-verbal de saisie,

- une copie des éléments découverts et de l'inventaire avait été remise aux sociétés qui avaient ainsi disposé de la faculté de vérifier le contenu des données appréhendées.

La Cour de cassation a validé la saisie globale de données d'information pratiquée.

Pour ce faire, elle a vérifié que :

- les fichiers saisis avaient été identifiés et inventoriés ;

- les sociétés en avaient reçu copie et avaient ainsi été mises en mesure d'en connaître le contenu ;

- les pièces appréhendées n'étaient pas étrangères au but de l'autorisation accordée.

Cependant, cette jurisprudence semble entrer en contradiction avec l’arrêt rendu, le 3 juillet 2012, par la Cour européenne des droits de l'homme aux termes duquel il a été jugé que la saisie globale de données électroniques dans le cadre d'une enquête pénale constituait une violation de l'article 8 de la Convention relatif au droit au respect de la vie privée et familiale et est suscetible de donner lieu à une nouvelle condamnation de la France de ce chef en cas de recours devant la Haute Juridiction Européenne (CEDH, 3 juillet 2012, Robathin c. Royaume-Uni, req. n° 30457/06).

En tout état de cause, cet arrêt démontre que lorsque la saisie globale effectuée comprend des messages ou documents sortant du champ de l'enquête et ne comporte pas d’élément utile à la preuve des agissements reprochés, la procédure de saisie peut être annulée.

Compte tenu que les juges disposent d'une faculté d'appréciation de ces conditions au cas par cas, l'intervention d'un avocat spécialisé en droit pénal permettra de mettre en avant les vices et anomalies des saisies pratiquées.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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