Responsabilité de l’hébergeur d'un site internet en cas de propos diffamatoires et injurieux

Publié le 15/09/2013 Vu 11 047 fois 20
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le 11 juin 2013, le Tribunal de grande instance de Brest a condamné l'hébergeur d'un blog, en même temps que le blogueur auteur du blog, pour ne pas avoir supprimer des contenus diffamatoires et injurieux (TGI de Brest, Chambre correctionnelle, 11 juin 2013, Mme B / Mme L - Overblog)

Le 11 juin 2013, le Tribunal de grande instance de Brest a condamné l'hébergeur d'un blog, en même temps qu

Responsabilité de l’hébergeur d'un site internet en cas de propos diffamatoires et injurieux

En l'espèce, Mme L est auteur d’un blog hébergé par la société Overblog (anciennement JFG Networks).

Mme B a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction à l’encontre de Mme L et de la société Overblog des chefs de diffamation et d'injure publiques.

Madame L a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour avoir diffusé publiquement sur son blog des injures et propos diffamatoires portant atteinte à l’honneur ou à la considération de Madame B, en violation de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La société SAS-Overblog a aussi été citée devant le tribunal par le Procureur de la République en qualité de complice.

La question qui se posait était de savoir si la société SAS-Overblog, en qualité d'hébergeur du blog, pouvait ou non mettre en jeu sa responsabilité en qualité de complice d'injures et de diffamation .

Il s'agit d'une complicité par aide ou assistance.

En effet, en fournissant un un service d'hébergement de blog à Mme L, l'hébergeur de site met à sa disposition par un service de communication au public en ligne, le stockage de signaux, écrits, images, sons ou message de toute nature.

De par la loi, l'hébergeur peut donc se rendre complice du délit de diffamation ou d'injure dont un blogueur ou un tiers pourrait être l'auteur par la publication d'un article, un avis, un commentaire contenant des propos diffamatoires ou injurieux.

S'agissant de Mme L, les juges ont estimé qu'en sa qualité d’auteur et d’éditeur du blog celle-ci est pénalement responsable des délits d'injures et de diffamation publiques.

Les expressions outrageantes et termes de mépris constitutifs d’injures étaient : “guenon”, “malade bouffie de haines”, “immonde”.

De plus, les juges ont considéré comme des diffamations le fait pour la glogueuse d'avoir accusé Mme B d’être à la tête d’une “bande de criminels” auteurs d’assassinats et de tentatives d’assassinats, de manipuler des “malades mentaux” pour commettre ses crimes et de préparer ses crimes à l’aide d’amis ayant accès aux centraux téléphoniques, de projeter son élimination physique, de l’espionner notamment par le moyen d’écoutes téléphoniques illégales, de former des complots, d’“éradiquer” les femmes ingénieurs en les faisant harceler et agresser sexuellement par des “troupeaux de malades mentaux”, de l’avoir elle-même et sa mère fait harceler sexuellement par des “malades mentaux”, de vouloir prostituer des femmes ou les faire “violer par des porcs”.

Sur ce point, les juges ont jugé que « le cumul et la nature objectivement délirante de ces accusations, dont il est évident qu’elles portent atteinte à l’honneur et à la considération de la personne qu’elles visent, suffisent amplement à considérer qu’elles sont dénuées de tout fondement et, dès lors, manifestement illicites ».

Par ailleurs, en application de la loi du 21 juin 2004 et de la décision du conseil constitutionnel du 10 juin 2004, les hébergeurs ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information manifestement illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l’accès impossible.

En l'absence de pouvoir sur le contenu éditorial du blog, la société Overblog, hébergeur du blog de Mme L ne saurait être assimilé à un éditeur de contenu.

A l’audience, le représentant de la société Overblog a reconnu avoir eu rapidement connaissance des problèmes posés par le blog de Mme L et avoir décidé de ne pas intervenir et en particulier de ne pas eu à avoir à retirer les propos litigieux, considérant qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le caractère illicite des contenus publiés.

Les juges ont estimé que :

« cette position de principe est contraire à la disposition légale susvisée qui impose à l’hébergeur de retirer les informations manifestement illicites dont il a connaissance sans attendre une éventuelle décision judiciaire ».

.. en matière de diffamation, la vérité des faits imputés peut en général être rapportée de sorte que l’illicéité du contenu ne peut être certaine avant qu’une décision judiciaire ait été rendue à ce sujet ; que la disposition légale susvisée, telle qu’interprétée par le conseil constitutionnel, n’exige toutefois pas que le contenu soit certainement illicite mais seulement qu’il le soit manifestement ; que tel est notamment le cas lorsque les propos litigieux comportent l’imputation de faits dont la vérité est très improbable en raison de leur nature même, de leur caractère outrancier et du contexte dans lequel ils sont émis.

 ... la responsabilité pénale de la société Overblog qui, en sa qualité d’hébergeur du blog de Mme L., n’a pas retiré les contenus litigieux malgré la connaissance qu’elle en avait, est donc engagée ; quelle sera en conséquence déclarée coupable des faits de complicité de diffamation et de complicité d’injures qui lui sont reprochés ».

Par conséquent, peu importe que le caractère illicite des propos ne soit pas certain, l’hébergeur d'un blog, d'un forum ou d'un site internet qui décide de maintenir les propos en mis en ligne par des tiers, est fautif de ne pas avoir retiré les contenus litigieux dès qu'il en a connaissance et est condamné en tant que complice des délits de diffamation et d’injure.

Concrètement, les hébergeurs de contenus sur internet doivent les retirer dès qui leur sont signalés comme illicites par la vicitme de ces contenus pour ne pas courir de risque de sanctions pénales et civiles en qualité de complice de diffamation ou d'injure, le cas échéant.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01

Email :
abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1426 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
25/02/2014 03:10

Bonsoir, lisez donc ceci : c'est en rapport direct avec cette affaire :

http://icyp.fr/?p=3680

L'auteure de ce blog infâme en a rouvert un autre sur une autre plate-forme peu de temps après sa suppression, malgré le fait que l'audience en appel ait lieu le 5 mars... C'est précisé, liens à l'appui, vers le bas de ce billet-journal.

2 Publié par Visiteur
17/04/2015 15:18

Bonjour,

"Concrètement, les hébergeurs de contenus sur internet doivent les retirer dès qui leur sont signalés comme illicites par la vicitme de ces contenus pour ne pas courir de risque de sanctions pénales et civiles en qualité de complice de diffamation ou d'injure, le cas échéant."

Sauf si le contenu n'est pas manifestement illicite, n'est ce pas?

En matière de droit comment fait-on la différence entre "certainement illicite" et "manifestement illicite"?

merci

3 Publié par Maitre Anthony Bem
17/04/2015 16:08

Bonjour Erwan,

Compte tenu que le terme "manifestement illicite" n'est pas défini par la loi et les juges et que nul n'est censé ignoré la loi, on peut considérer que tout contenu illicite signifié comme tel aux sites internet hébergeurs de ces contenus par une victime est à supprimer par ces derniers sauf à ce que ces sites préfèrent risquer inutilement d'engager leur responsabilité.

Le terme de contenu "manifestement" illicite relève d'une appréciation subjective sur la licéité du contenu litigieux qui est source d'insécurité juridique.

Cordialement.

4 Publié par serge74
17/04/2015 16:44

c'est effectivement plus sur de faire ce qui est demandé, mais des fois, il n'y a tellement rien d'illicite que le fondement juridique évoqué est tellement farfelu que l'on n'a pas envie d'obéir.

http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=3716
"étant précisé en outre que diffamation, à la supposer constituée, n’égale pas forcément trouble manifestement illicite"
c'est un référé donc cela parle d'un trouble, mais cela dit que quelque chose qui peut être illicite n'est pas forcément manifestement illicite.

5 Publié par Visiteur
17/04/2015 16:57

Merci pour votre réponse Maitre.

Comment garantit-on la liberté d'expression dans ce cas la? Si je comprends bien, il "suffit" de se déclarer victime de diffamation pour déclarer un contenu illicite et le faire supprimer?

Si l'auteur fait valloir son droit à la liberté d'expression, que doit faire l'hébergeur?

6 Publié par Maitre Anthony Bem
17/04/2015 17:04

Cher Erwan,

La liberté d'expression est garantie par défaut comme un principe constitutionnel.

Il n'en demeure pas moins que la victime de diffamation peut en effet déclarer un contenu comme illicite auprès d'un site internet hébergeur ou éditeur du contenu litigieux pour le faire supprimer.

La diffamation est donc une limite à la liberté d'expression que doit respecter le site internet hébergeur.

Cordialement.

7 Publié par serge74
17/04/2015 17:18

à noter, que pour protéger la liberté d'expression, le législateur a mis :
"Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2 un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion, alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 EUR d'amende."
dans l'article 6 de la lcen.

8 Publié par Maitre Anthony Bem
17/04/2015 17:31

Bonjour Serge74,

Merci de votre contribution.

En effet, une sanction a été prévue par la loi pour les demandes de suppression abusives.

Cependant, la formulation de cette infraction est imparfaite s'agissant de la notion d' "information inexacte" et justifie qu'en pratique aucune décision de justice n'ai prononcé à ce jour de sanction pour demande de suppression de contenus abusive.

Cordialement.

9 Publié par Visiteur
17/04/2015 17:38

Merci Serge pour le lien,

"à noter, que pour protéger la liberté d'expression, le législateur a mis :..."

Cela sous entend que le plaignant a déclenché une action en justice, or ceci n'est pas nécessaire pour se déclarer un contenu litigieux, un lettre recommendé avec mise en demeure suffit.

Dans le cas de cet article:

"A l’audience, le représentant de la société Overblog a reconnu avoir eu rapidement connaissance des problèmes posés par le blog de Mme L et avoir décidé de ne pas intervenir et en particulier de ne pas eu à avoir à retirer les propos litigieux..."

Je comprends que Overblog aurait du agir bien avant que l'affaire ne soit jugée.

Et c'est bien la mon questionnement, ce cas la est un cas d'école, mais ce n'est pas parce que le plaignant se dit diffamé qu'il y a diffamation, or ceci semble suffisant pour attaquer un hébergeur s'il ne supprime pas le contenu soit disant litigieux, donc l'hébergeur prends un risque en maintenant du contenu déclaré litigieux par un plaignant.
Par conséquent, il doit se faire juge, et décider de lui même s'il trouve du contenu litigieux, non?

10 Publié par serge74
17/04/2015 17:58

oui, il doit bien juger lui même du caractère manifestement illicite du propos tenu s'il est plutôt partant pour laisser le propos.

pour la notion d'"information inexacte", c'est effectivement plus souvent de la mauvaise fois donc très difficile de prouver que le plaignant savait que c'est faux.
j'ai une fois reçu une notification, qui contient un propos, dont je peux prouver que l'auteur du propos savait ce propos inexact. Un courier à un procureur suffit à déclencher la justice ou il faut passer par un avocat, si je veux engager quelque chose ?

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1426 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles