Un salarié peut-il être licencié pour des propos publiés sur son mur Facebook ?

Publié le 20/02/2017 Vu 2 282 fois 1
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

La France compte environ 30 millions d'utilisateurs du réseau social Facebook, celui-ci peut donc être l'objet de dérive et de conséquences sur la relation de travail.

La France compte environ 30 millions d'utilisateurs du réseau social Facebook, celui-ci peut donc être l'obj

Un salarié peut-il être licencié pour des propos publiés sur son mur Facebook ?

Tout va dépendre des paramètres du compte Facebook du salarié, qui ont une influence sur le caractère public ou non de ses propos.

I - Le compte Facebook accessible aux amis, et aux « amis des amis » est un espace public

Le fait d'élargir cet accès aux « amis d'amis » rend le « mur » semi-public, et ainsi difficilement contrôlable et susceptible d'être visualisé par les utilisateurs inconnus de la personne titulaire du compte. Il devient donc extrêmement difficile de maîtriser le contenu d'un « mur » paramétré de cette manière. Par ailleurs, le fait d'avoir accepté pour « amis » des relations professionnelles est de nature à affecter juridiquement le caractère des échanges réalisés sur le « mur », car ceux-ci ne vont plus uniquement concerner les personnes de la sphère privée du salarié, mais également ses collègues de travail, ses supérieurs hiérarchiques etc.

En ce sens,

Cons. Prud'h. Boulogne-Billancourt, 19 nov. 2010, n° 09/00343

« Les juges avaient relevé que le mur Facebook du collègue était paramétré pour être partagée avec « ses amis et leurs amis », permettant ainsi un accès ouvert, notamment par les salariés et anciens salariés de l'entreprise. Ce mode d'accès dépassait donc la sphère privée et la production aux débats de la page mentionnant les propos incriminés constitue un moyen de preuve licite du caractère fondé du licenciement »

CA Besançon, 15 nov. 2011, n° 10/02642

« le réseau Facebook a pour objectif affiché de créer entre ses différents membres un maillage relationnel destiné à s'accroître de façon exponentielle par application du principe “les contacts de mes contacts deviennent mes contacts” et ce, afin de leur permettre de partager toutes sortes d'informations ; que ces échanges s'effectuent librement via “le mur” de chacun des membres auquel tout un chacun peut accéder si son titulaire n'a pas apporté de restrictions ; qu'il s'en suit que ce réseau doit être nécessairement considéré, au regard de sa finalité et de son organisation, comme un espace public ; qu'il appartient en conséquence à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook  d'adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce site »

Cette position est confirmée par la CNIL :

Dans une série de cinq questions-réponses du 10 janvier 2011 (« Maîtriser les informations publiées sur les réseaux sociaux » disponible sur le site www.cnil.fr), la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (Cnil) a également considéré que la position du Conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt était justifiée, en précisant que « les propos tenus ont perdu leur caractère privé du fait qu’ils étaient accessibles à des personnes non concernées par la discussion ».

Les conséquences de cette reconnaissance d’un espace public

Dans ce sens, la qualification « publique » du réseau social revêt une importance cruciale, car selon cette logique, le profil Facebook ne pourra plus être protégé de l'intrusion de l'employeur comme le serait le domicile du salarié, un fichier informatique marqué comme « personnel » ou même un courrier identifiable comme « personnel » (Cass. ch. mixte, 18 mai 2007)

Les éléments y figurant seront bel et bien exploitables et pourront être utilisés par l'employeur en tant que preuves afin de motiver d'éventuelles sanctions, pouvant aller jusqu’à un licenciement pour faute, à l'encontre d'un salarié.

Dans de telles circonstances, l'employeur qui accède aux contenus litigieux en pleine liberté et sans avoir recours à des moyens illicites ne viole pas le secret des correspondances privées et ne porte pas atteinte à la vie privée de ses salariés.

II – Le compte Facebook accessible uniquement aux amis est un espace privé sous certaines conditions

Plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’une publication Facebook soit considérée comme privée et donc que l’employeur ne puisse pas l’utiliser en tant que preuve pour sanctionner le salarié :

  • Avoir paramétré son compte en tant qu’espace privé, c’est-à-dire visible seulement par ses amis
  • Ne pas avoir un nombre trop élevé d’amis (pour la CA d’Aix en Provence, 109 amis était un nombre élevé d’amis, mais le caractère privé a pu être retenu)
  • Ces amis doivent constituer une communauté d’intérêts

En ce sens,

Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, n° 11-19.530

« Mais attendu qu'après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme X... tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n'étaient en l'espèce accessibles qu'aux seules personnes agréées par l'intéressée, en nombre très restreint, la cour d'appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles-ci formaient une communauté d'intérêts ; qu'elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques ; que le moyen n'est pas touché en ses quatres premières branches ; »

Comment définir la « communauté d’intérêts » qui doit lier les amis Facebook et permettre de considérer le profil comme étant privé ?

Pour la Cour de cassation, il n'y a pas publicité si les écrits sont destinés à un groupe déterminé de personnes liées entre elles par une communauté d'intérêts. S'agissant des liens qui tissent cette communauté, il faut des intérêts véritablement partagés, les membres du groupe étant tous dans une situation de proximité parce qu'ils adhèrent à la même sensibilité ou aux mêmes motivations. Il en est ainsi par exemple des adhérents d'une association. La publicité réapparaît si les écrits sont portés à la connaissance de personnes étrangères à ce groupe.

Toutefois, même en paramétrant son compte comme n’étant accessible qu’à ses « amis », ce n’est pas une condition suffisante car ceux-ci peuvent être nombreux. Certains profils Facebook sont par exemple « amis » avec plus de 500 personnes, c’est pourquoi la Cour de Cassation précise qu’en plus d’avoir réservé ses publications seulement à ses amis, le salarié doit avoir également un nombre d’amis très restreint.

Il convient également de préciser que le seul arrêt de la Cour de Cassation définissant cette notion de « communauté d’intérêt » permettant de considérer le mur Facebook comme relevant de la vie privée est un arrêt de la chambre civile, concernant un litige d’injure publique. Reste à voir si la chambre sociale de la Cour de Cassation partage de ce point de vue, mais elle ne s’est pas encore prononcée sur la question.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par mic974
21/02/2017 11:31

Encore faut il que la lettre de licenciement, reprenne les mot prononcé sur la page litigieuse, ou quelque phrase qui peut permettre au conseil des prud'hommes de statué sur le caractère réel et sérieuse du licenciement.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.