Vers une réformette du patrimoine?

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Vers une réformette du patrimoine?

I° UN COSMETIQUE A USAGE FISCAL

A)     Une solution raisonnable

La grande réforme se limiterait à ôter de l’ISF la RP ou créer un abattement plus important. En contrepartie, une taxation au-delà d’un certain seuil pourrait être mise en place, à l'instar de l’ancien régime applicable aux valeurs mobilières, à travers un seuil de cession, ou pourquoi pas, un seuil de plus-value exprimé en pourcentage de la valeur du bien

Ex : au-delà de 10% de plus-value immobilière, taxation au 1er euro, etc

Pourquoi vouloir se limiter à une mesurette et prendre le risque de passer pour un gouvernement faible, apeuré par l’ombre d’une mesure ?

1)     Un manifeste pour une France de propriétaires ?

Améliorer le dispositif de l’ISF en remontant son seuil et en y soumettant les patrimoines les plus aisés devrait rapporter suffisamment de capitaux pour ne pas avoir à taxer au 1er euro et à un taux fort la plus-value générée par la cession de la résidence principale.

Cela permettrait de lever le fardeau de cette partie de la classe moyenne qui entre dans la première tranche de l’ISF et acquitterait l’impôt sur la plus-value de revente de résidence principale, puisque c’est justement la hausse de la valeur de la résidence principale qui l’a précipitée dans l’ISF et lui procurerait une plus-value importante, donc taxée.

C’est peut-être dans l’équilibre du dispositif, à mi-chemin entre disparition de l’ISF et naissance d’un nouvel impôt sur les plus-values, que réside le salut de cette frange de la population.

Abolir l’ISF pour lui substituer un impôt sur les plus-values fort et très élargi reviendrait à épargner les riches en faisant payer l’ensemble des propriétaires de biens immobiliers. Or, parmi ceux-ci figurent, certes, des contribuables très aisés, mais encore d’autres contribuables qui possèdent leur résidence principale pour seul bien, acquis à force de travail, d’épargne et de privations.

De l’idéal pavillonnaire au modeste appartement de centre-ville, c’est la classe moyenne que l’on touche une fois de plus, or la France est une nation de propriétaires, ce qui rend le sujet plus que sensible.

Le Chef de l’Etat lui-même n’a-t-il pas résumé ce principe lors d’un discours, en décembre 2006 : « Mon premier projet en matière de logement est de faire de la France un pays de propriétaires car la propriété est un élément de stabilité de la République, de la Démocratie et de la Nation ».

C’est l’argument invoqué par Gilles Carrez, rapporteur du budget à l’Assemblée nationale.  « L’impôt sur la fortune, explique-t-il, touche 560.000 personnes. Si on le supprime, on fera 560.000 heureux. Mais si en parallèle on doit faire 5 à 10 millions de malheureux, ça pose un problème. »

L’immobilier est le cœur du problème, c’est autour de la résidence principale que se cristallisent les critiques visant l’ISF. Avec la hausse de l’immobilier, suite au passage à l’euro, beaucoup de propriétaires se sont vus rattrapés par l’ISF alors que leur résidence principale constitue l’essentiel de leur patrimoine. L’abattement de 30%, prévu dans le régime de l’ISF pour la résidence principale, ne suffit pas à les maintenir sous le seuil fatidique.

En augmentant cet abattement, soit sous une forme proportionnelle, soit sous une forme fixe, par exemple, 500 000€, comme le propose le député Gilles Carrez, et en soumettant conjointement la cession de la résidence principale, au-delà d’un certain seuil ou d’un certain gain, à l’imposition sur la plus-value, nous pourrions parvenir à plus d’équité.

D’un côté, l’ISF serait vidé de sa première tranche pour ne concerner que les patrimoines les plus importants, et d’un autre côté, l’IR viendrait prélever sa dîme sur les gains de cession excessifs.

L’imposition sur la plus-value est ainsi vue comme une contrepartie financière : l’Etat n’est plus en mesure de faire des cadeaux fiscaux. Le mariage des deux régimes est donc d’abord un mariage d’argent.

 

2)      Une mesure salutaire pour l’économie

La mesure, sous sa forme restreinte aurait aussi un intérêt économique.

Le monde financier et les économies mondiales n’ont-elles pas tremblé, tantôt, sous le coup de  l’explosion de la crise des subprimes ?

Or si l’on s’interroge sur les fondements du problème, la composante immobilière y est prépondérante.

Les crédits accordés aux particuliers américains étaient en effet adossés sur la valeur des biens immobiliers objets des prêts. De sorte que, d’enchère en surenchère, les prix de l’immobilier, stimulés par cet argent facile, ces prêts si facilement accordés à une clientèle pourtant fragile, ont fini par atteindre des sommets, sans rapport avec la réalité des biens.

De sorte que, dès que la première tension s’est faire sentir sur les taux, les prêts ayant été conclus à taux variable, les nouveaux propriétaires se sont trouvés hors d’état de payer, sans pouvoir céder leur bien, des quartiers et des villes connaissant un sort similaire.

L’élargissement du régime d’imposition de la plus-value immobilière aux résidences principales aura ceci de positif qu’il bridera les variations de prix. Le vendeur a d’autant moins d’intérêt de céder son bien 25% plus cher que son prix d’achat (hors travaux éventuels d’amélioration effectués sur le bien) que, au-delà d’un gain de 20% par exemple, la plus-value serait soumise à taxation au premier euro.

La réforme aurait donc pour effet de freiner la spéculation immobilière.

 

B)      Les limites

On peut s’interroger sur la viabilité du projet, tant sur le plan financier que juridique

1)      La dette publique française : le tonneau des danaïdes

Que le gouvernement décide de relever la première tranche de l’ISF ou d’en exonérer la résidence principale, c’est au moins 300 000 contribuables qui n’acquitteront plus cet impôt.

Si la suppression du bouclier fiscal est justement évoquée pour que les patrimoines les plus importants, eux, acquittent l’ISF, il n’est pas certain que cette montée en gamme de l’ISF se réalise conformément aux attentes.

Si ces contribuables étaient suffisamment bien informés pour bénéficier du bouclier, il est probable qu’ils soient assez avertis pour prendre les dispositions nécessaires pour éviter d’acquitter cet impôt (changement de résidence fiscale, trust, etc.)

Et quant à une éventuelle compensation par la seule soumission de la résidence principale à l’impôt sur les plus-values, il n’est pas certain qu’elle suffise.

La dette de l’Etat français est en effet financée par les marchés. L’agence France Trésor (AFT) a pour mission de vendre la dette sur les marchés obligataires. Le taux d’intérêt versé dépend donc intimement de la notation de l’émetteur, selon la solvabilité et la fiabilité qu’on lui prête.

Cette appréciation est d’autant plus importante que notre dette est détenue à 60% par des créanciers non-résidents, qui observent d’un œil extérieur, les difficultés que le pays peut rencontrer.

Une dégradation de la note de la France ne ferait qu’empirer une situation financière déjà délicate : la récente mésaventure de la Grèce témoigne de la réalité du risque.

Suite à l’annonce d’un déficit public bien plus important que prévu, la péninsule hellénique a en effet vu sa note dégradée par les agences de notation, de A- en 2009 à BBB- en juillet 2010, l’obligeant à emprunter sur les marchés des taux sur 10 ans supérieurs à 10%.

Sans l’intervention de l’Union européenne, l’Etat grec aurait fait faillite.

C’est pourquoi un retour à l’équilibre des finances publiques s’impose pour maintenir la crédibilité du pays, et gagner la confiance des marchés.

C’est sans doute dans cette optique que la réforme est pensée.

 

2°) Un cheval de Troie menaçant la stabilité juridique

C’est devenu un poncif, mais cela n’en demeure pas moins une réalité : la collecte de l’ISF coûte cher.

Maintenir un tel impôt, même dans sa version allégée, et flanquer l’impôt sur la plus-value immobilière d’un nouvel opus ne risque-t-il pas encore d’alourdir les coûts ?

Est-il bien utile de laisser un impôt subsister alors qu’on le vide de l’essentiel de sa substance ?

Certes, la mesure a le « mérite » de ne pas toucher au symbole, héritage de l’ère mitterrandiste, qui brandit le dogme selon lequel « les riches doivent payer », mais à quel prix ?

Finalement, on peut se demander si cette mesurette ne ferait pas office de transition en douceur pour nous amener doucement vers des changements plus importants.

Le procédé est déjà connu. Il n’est qu’à se pencher sur l’évolution du dispositif des plus-values…de valeurs mobilières, modifié coup sur coup par la Loi de finances pour 2010 puis par la loi de finances pour 2011.

En effet, lors de la création de l’impôt sur les plus-values de cession de valeurs mobilières en 1978, un seuil de cession avait été instauré, en-deçà duquel les contribuables étaient exonérés.

Or, l’an dernier, une première atteinte à cette exception a été admise : les plus-values de cession qui ne dépassaient pas un certain seuil n’étaient toujours pas soumises à l’impôt sur le revenu, mais faisaient l’objet de prélèvements sociaux pris au premier euro.

Cette semi-cécité fiscale qui faisait exister un seuil de cession pour l’impôt sur le revenu mais le faisait disparaître pour les prélèvements sociaux a fait évidemment place à la suppression pure et simple du seuil de cession un an plus tard.

Le gouvernement tentera-t-il de faire entrer dans la citadelle des plus-values immobilières un nouveau Cheval de Troie ?

Les enjeux ne sont toutefois pas les mêmes : l’épargne financière, surtout sous la forme de valeurs mobilières, suscite peu de passions, peu de foyers fiscaux étant concernés. La spéculation boursière ne parvient guère à faire naître de la compassion ni de l’apitoiement de la part de l’opinion.

Autant les actions et autres obligations comportent une charge symbolique très faible, autant la soumission de la résidence principale à l’imposition sur la plus-value immobilière est au cœur de nombreux débats.

La résidence principale cristallise nombre de tensions. Fruit du labeur d’une vie, elle offre un toit pour la famille.

En témoigne l’apparition d’une notion spécifique en droit de la famille, transversale (en droit matrimonial, en droit des successions, en droit de la construction et de l’habitation)

Pour ne citer que le régime primaire impératif des époux, le logement de la famille jouit d’un statut spécial, quel que soit l’époux propriétaire/locataire des lieux, quel que soit le régime matrimonial adopté, toute décision concernant la disposition du logement de famille nécessite accord des deux conjoints.

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