Les conséquences de la rupture d’une promesse d’embauche ferme et précise

Publié le 05/06/2011 Vu 8 039 fois 0
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Le dernier état de la jurisprudence sociale en matière de promesse d’embauche invite les employeurs à la plus grande vigilance. En effet, un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 15 décembre 2010 [1] a consacré une solution nettement favorable au destinataire d’une promesse d’embauche, mais difficile à mettre en œuvre…

Le dernier état de la jurisprudence sociale en matière de promesse d’embauche invite les employeurs à la

Les conséquences de la rupture d’une promesse d’embauche ferme et précise

Par Guillaume Ferrand.

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Le dernier état de la jurisprudence sociale en matière de promesse d’embauche invite les employeurs à la plus grande vigilance. En effet, un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 15 décembre 2010 [1] a consacré une solution nettement favorable au destinataire d’une promesse d’embauche, mais difficile à mettre en œuvre…

En l'espèce, une société avait proposé d'engager un candidat en précisant son salaire mensuel (7 600 €), la nature de son emploi (directeur adjoint), ses conditions de travail, la date et le lieu de sa prise de fonction (Guadeloupe). Un mois plus tard, l'employeur lui indiquait qu'il n'entendait plus donner suite à cette promesse d'embauche. Le destinataire de la promesse a alors saisi le Conseil des Prud’hommes pour faire juger que le non-respect de la promesse d'embauche s'analysait en un licenciement et obtenir le versement de dommages-intérêts et d'une indemnité de préavis. Les juges du second degré ont accueilli sa demande, aux motifs que le contrat de travail avait été définitivement formé par l’acceptation du salarié.
 
Dans son pourvoi, l’employeur soutenait que le retrait par le pollicitant d’une offre (c’est-à-dire par son auteur) de contracter est possible jusqu’à la réception de l’acceptation adressée par le destinataire de l’offre et qu’en l’espèce, le pollicitant avait retirée sa promesse d’embauche avant la réception de l’acceptation du salarié.
 
Mais la Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que constitue une promesse d'embauche valant contrat de travail, l'écrit qui précise l'emploi proposé et la date d'entrée en fonction. Et elle approuve les juges du fond d’avoir retenu que, dans la mesure où la lettre contenant la promesse d’embauche avait précisé le salaire, la nature de l’emploi, ses conditions de travail et la date de la prise de fonction du destinataire, elle constituait, non pas une simple proposition d'emploi, mais une véritable promesse d'embauche, et que la rupture de l'engagement de l’employeur s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
 
En statuant ainsi, la Haute juridiction consacre un assouplissement des conditions d’existence de la promesse d’embauche (I) et précise les effets de la promesse d’embauche ferme et précise (II).
 
I-. Un assouplissement des conditions d’existence de la promesse d’embauche
 
Une promesse unilatérale d'embauche est une offre d'emploi ferme et précise, adressée à une personne déterminée, qui contient les éléments constitutifs de la relation de travail. Le Code du travail étant muet sur la question de la promesse d’embauche, la jurisprudence a longtemps utilisé un faisceau d’indices pour déduire l’existence d’une telle promesse, en exigeant notamment que celle-ci précise la nature de l'emploi, le niveau de rémunération, le temps de travail, la date et le lieu d'entrée en fonction.
 
Assouplissant les conditions d’existence de la promesse d’embauche, un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 27 février 2002 [2] avait déjà eu l’occasion d’affirmer que la lettre confirmant l'embauche d'un candidat constituait une promesse d'embauche, dès lors qu'elle précisait l'emploi proposé et la date d'entrée en fonction, même si elle n’était suivie d'aucun début d'activité et ne précisait pas la rémunération.
L’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 15 décembre 2010 confirme cette approche, en posant, dans un attendu de principe, que « constitue une promesse d'embauche valant contrat de travail l'écrit qui précise l'emploi proposé et la date d'entrée en fonction ».
 
Selon la Haute juridiction, il suffit donc qu’une offre d’emploi adressée à une personne déterminée contienne une description de la nature du poste proposé et précise la date du début d’activité pour être constitutive d’une promesse d’embauche.
A contrario, une lettre ne contentant aucune information sur la nature de l’emploi proposé et sur la date d’entrée en fonction ne saurait constituer une promesse d’embauche. Tout au plus pourrait-elle constituer une proposition d’emploi, dépourvue de tout effet contraignant.
 
Il convient dès lors de se demander quels sont les effets d’une promesse d’embauche répondant aux conditions de précisions précitées.
 
II-. Les effets de la promesse d’embauche ferme et précise
 
Selon la Cour de cassation, la promesse d’embauche précisant la nature de l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction vaut contrat de travail. Cela revient à dire qu’une simple manifestation unilatérale de volonté peut valoir contrat de travail, nonobstant l’absence d’acceptation de la promesse par le destinataire.
 
En effet, la Haute juridiction ne distingue pas selon que la promesse d’embauche a été acceptée ou non par son destinataire, contrairement à une jurisprudence antérieure selon laquelle seule la promesse d’embauche ayant été acceptée par son destinataire peut valoir contrat de travail, à condition d’être ferme et définitive [3].
Dans l’affaire commentée, la généralité des termes employés par la Cour de cassation tend à admettre qu’une promesse d’embauche, même non acceptée par son destinataire, vaut contrat de travail, dès lors qu’elle précise la nature de l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction.
 
Cette solution est lourde de conséquences.
 
D’une part, il en résulte qu’une simple manifestation unilatérale de volonté serait de nature à engager son destinataire, même si ce dernier n’a pas manifesté son intention d’être lié par la promesse. Un candidat à un emploi, considéré comme salarié dès l’émission d’une promesse d’embauche ferme et définitive, pourrait ainsi voir sa responsabilité engagée pour inexécution du contrat de travail, par exemple s’il ne se présente pas à son emploi à la date d’entrée en fonction prévue par la promesse d’embauche. Cette solution est pourtant contraire aux règles concernant la conclusion du contrat de travail, puisque l’article L 1221-1 du Code du travail rappelle expressément que « le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. » Or, le contrat de travail étant par nature un contrat synallagmatique, il nécessite un échange des consentements des parties qui s’obligent (art. 1108 du Code civil).
 
D’autre part, la Cour de cassation tire les conséquences de l’affirmation selon laquelle la promesse d’embauche précise vaut contrat de travail en décidant que la rupture par l'employeur de son engagement s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par conséquent, le candidat victime de la rupture ayant évidemment moins de 2 ans d’ancienneté pourra prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement abusif calculée en fonction du préjudice subi (art. 1235-3 et 1235-5 du Code du travail).
 
L’employeur étant tenu de mettre en œuvre une procédure de licenciement à l’encontre du salarié, ce dernier pourra en plus obtenir une indemnité pour licenciement irrégulier dont le montant sera souverainement apprécié par les juges si l’employeur ne respecte pas la procédure (art. 1235-2 et 1235-5 du Code du travail), étant précisé que cette indemnité pourra être supérieure à un mois de salaire, sauf si l’employeur n’a pas respecté les dispositions relatives à l’assistance du salarié par un conseiller extérieur lors de l’entretien préalable (art. 1235-5 du Code du travail).
Le salarié pourra également obtenir une indemnité de préavis, alors même que le contrat a été rompu avant tout commencement d'exécution [4].
Enfin, le salarié pourra dans quelques rare cas prétendre au paiement d'une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, à condition de justifier de l’ancienneté requise, notamment en cas de promesse d'embauche faisant suite à une succession de CDD ou en cas de reprise de l'ancienneté par l’employeur.
Au final, la Cour de cassation se montre extrêmement sévère à l’encontre des employeurs qui ne respectent pas leurs promesses. Mais n’aurait-il pas été préférable, au lieu de consacrer un régime spécifique de la promesse d’embauche quelque peu paradoxal, d’appliquer les règles du droit commun en matière d’offre de contracter, tel que le sollicitait le demandeur, afin de sanctionner l’employeur sur le terrain de la responsabilité délictuelle ?
Nota bene:
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