La négociation de contrats d'acquisitions dans les pays émergents

Publié le 06/04/2012 Vu 3 338 fois 0
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Par Guillaume Fort. Comment mener à bien une négociation de contrat d’acquisition dans les pays émergents, autrement désignés sous l’habituel acronyme BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) ? La réponse à cette question est loin d’être évidente et suppose une analyse approfondie des risques auxquels peut s’exposer un investisseur étranger.

Par Guillaume Fort. Comment mener à bien une négociation de contrat d’acquisition dans les pays émergents

La négociation de contrats d'acquisitions dans les pays émergents

Par Guillaume Fort. Comment mener à bien une négociation de contrat d’acquisition dans les pays émergents, autrement désignés sous l’habituel acronyme BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) ? La réponse à cette question est loin d’être évidente et suppose une analyse approfondie des risques auxquels peut s’exposer un investisseur étranger.

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1. Approche pratique d'une négociation de contrat d'acquisition

Tout d'abord, il est très important d'évaluer pleinement et soigneusement le futur partenaire. Il faut examiner en détail les caractéristiques clés de la société (aussi lors en cas d'acquisitions de participation que d'acquisition d'actifs) qui sera le futur partenaire, comme sa culture d'entreprise, son degré de bonne foi, sa crédibilité, ses capacités de gestion, son image de marque auprès du consommateur, la compétence de ses dirigeants. Une partie de ce travail aura été fait lors des due diligence.

Il est également conseillé de rencontrer les autorités locales en personne: par exemple, en Chine, les officiels locaux sont nombreux et il est préférable de rencontrer les différentes autorités impliquées dans la procédure d'acquisition, en dépit d'avoir une bonne connaissance des règlementation locales spécifiques.

On vise ici aussi bien le contrat d'acquisition d'actifs que de participations. Il est important de mettre l'accent sur le contrat dès le début de la négociation: ainsi, toujours en Chine, il est courant de ne pas s'attacher aux documents contractuels, même signés. Il est important d'insister sur le fait que le contrat (pacte d'actionnaires ou contrat de cession) constituera la seule loi entre les parties.

Dès lors, il vaut mieux dans tous les cas garder un œil sur le partenaire aux fins de préserver au mieux ses propres intérêts. Pour se faire, lors d'opération de fusion-acquisitions, il peut être envisagé d'envoyer sur place des dirigeants et personnels expérimentés pour gérer directement l'activité.

A cette fin, la question du représentant local qui détient le pouvoir d'engager la société résultant de l'opération d'acquisition (de type Joint Venture) doit bien sûr être posée. Le sceau du représentant légal est en effet particulièrement important dans la mesure où il est obligatoire sur de nombreux documents de la société et est considéré comme une signature qui a valeur juridique. L'investisseur étranger sera avisé de garder la main sur la nomination de ce représentant.

2. La question de l'évaluation du prix d'acquisition

Une étude de Price Water Cooper montre que près de 40% des transactions étudiées dans les pays émergents n’ont pas abouti à défaut d’accord entre l’acheteur et le vendeur sur la valorisation de l’actif tel qu’estimé par ce dernier. Pour l’acheteur, le risque de surpayer l’actif est réel. Les prix élevés sont souvent fondés sur une forte croissance, qui peut s’avérer plus faible que prévue après la transaction : par exemple, des banques de détail européennes ayant investi en Russie ont été confrontées à une concurrence plus forte que prévue – Barclays a notamment fini par céder ses activités de banque de détail dans ce pays. La survalorisation peut également être due au fait que plusieurs investisseurs étrangers s’intéressent en même temps aux mêmes actifs. Enfin, le manque d’informations historiques précises sur un marché entraîne parfois des prévisions de croissance erronées.

Pour remédier à ce problème, il est possible d'insérer au contrat plusieurs types de clauses qui permettront de se prémunir contre une mauvaise évaluation du prix:

  • La clause d'earn-out (en français, clause de complément de prix) est un bon moyen de sortir d'une impasse sur la fixation du prix. En effet, ce mécanisme a pour particularité de faitre dépendre une partie du prix d'achat, payé à terme, des résultats à venir de l'entreprise cédée. Plus les résultats seront bons, plus l’earn out sera élevé. Si aucun grain de sable ne vient enrayer la belle mécanique, il s’agit véritablement d’un “win-win deal”. Le vendeur peut notablement accroître le prix de vente tel qu’il aurait été fixé sans l’utilisation de cette clause, et l’acquéreur bénéficie a priori des compétences de gestion du cédant, qui restera dans la société durant la période de l’earn out.
  • A la différence des clauses de « hard-ship », qui lors de l'exécution du contrat, obligent les parties à renégocier leur contrat si des circonstances imprévisibles et postérieures au contrat en rendent son exécution plus onéreuse pour l'une des parties (sorte de clause de révision pour imprévision en France), la clause MAC (« Material adverse change clause » en anglais ou clause de changement significatif défavorable) se situe au niveau de la formation du contrat et permet de se dégager de l'opération. En effet, cette clause protège l’acquéreur contre la survenance, entre la signature du contrat (dit « signing ») et la réalisation de l’opération (dit « closing »), d’un changement significatif défavorable. Ce mécanisme permet ainsi aux parties d'anticiper, en toute sécurité, un évènement futur dont elles anticipent qu'il se réalisera (ou pas) sans cependant pouvoir en être certaines.
  • Enfin, les clauses de garantie d'actif et de passif sont aussi un bon moyen pour l'acheteur de se prémunir contre toute survalorisation des actifs ou contre toute minoration du passif par le vendeur. Toutefois, la mise en place de tels mécanismes devra prendre en compte l'aspect comptable, les normes locales utilisées par les pays émergents pouvant largement différées des normes européennes.

3. Anticiper les risques post-acquisition

Ces risques peuvent être classés en quatre catégories :

  • Les risques économiques. L'acquisition en titres ou en actifs doit poser la question de la pérennité de la structure commune et de son activité dans le pays d'accueil. L'arrivée d'un investisseur étranger peut être mal vécue par le marché local et doit être prise en compte dans la communication des partenaires (au niveau de son image de marque, de son marketing auprès des consommateurs). Par ailleurs, il ne faudrait pas limiter le coût d'acquisition au seul prix versé au contrat. La facture peut rapidement s'alourdir en raison des coûts d'intégration et de mise en conformité avec les normes locales.
  • Les risques de gouvernance: Le sujet est propre aux acquisitions d'actifs: Joint Venture, fusions-acquisitions au sein des pays émergents. A défaut de ne pas conserver le contrôle du capital de la société, il convient de s'assurer le contrôle en termes de droits de vote aux fins et ainsi obtenir la majorité des voix pour faire voter les résolutions importantes à l'Assemblée générale telles que la dissolution, le droit aux bénéfices, etc. En outre, les pouvoirs des organes de direction doivent être précisément définis: en Chine, la structure de gouvernance des Joint Venture consiste en un conseil d’administration ou un comité de contrôle conjoint qui représentent le plus haut niveau décisionnaire de la société. En général, les parties peuvent nommer un Directeur général pour la gestion courant de la société ou convenir de la nomination d'un gérant étranger qui permettra à l'investisseur de conserver le contrôle décisionnaire sur la société.
  • Les risques sociaux: l'arrivée d'un investisseur étranger peut aussi engendrer des risques sociaux. Leurs effets ne doivent pas être négligés, tant au niveau de la direction de la société que de l’intégration sur place des expatriés avec les coûts supplémentaires qu’implique leur envoi sur place. En outre, l'opération peut créer des tensions par un alignement à la baisse des salaires sur les minima appliqués dans les pays émergents que sont les BRIC.
  • Les risques fiscaux enfin: ils tiennent essentiellement à l'implantation fiscale de la structure dans le pays d'accueil. En cas de création d'une entité commune de type Joint Venture, se posera alors la question de la fiscalité applicable. En cas de cession de participation, il s'agira d'envisager l'imposition de la plus-value réalisée par le vendeur. Ainsi, en Inde, il existe une obligation pour l'acquéreur étranger d'opérer une retenue sur le prix au titre de l'imposition de la plus-value du vendeur sur les titres de la société indienne.

4. Anticiper le retrait de son investissement

La situation est celle d’une acquisition d’actifs ou de titres dans un pays émergent et qui tourne mal pour l’investisseur étranger. Comment remédier à ce problème? La première recommandation serait d’avoir anticiper cette hypothèse par la rédaction d’un pacte d'actionnaire envisageant ce cas ou d’insérer dans les statuts de la société commune aux partenaires une clause de sortie permettant à chacun d’eux de se retirer sans « pertes et fracas ».

A titre d’illustration, il est possible de citer les clauses suivantes :

  • Le plus simple est d’insérer une clause de dissolution de la structure pour mésentente entre les associés qui pourrait être rédigée comme suit : «  Chaque partie peut convoquer une réunion d’associés pour dissoudre la société et les parties se mettent d’accord pour qu’à ladite réunion, tous les votes soient réputés en faveur de ladite dissolution. Si aucun transfert d’actions n’a été convenu dans les (2) deux mois de la réunion mentionnée à l’article XXX ci-dessus, alors X devra être dissous. Les deux parties confirment expressément ne pas contester une telle dissolution, et qu’une telle dissolution doit être organisée dans les plus brefs délais; à condition, néanmoins qu’elle ne soit pas déraisonnablement néfaste pour chacune des parties ».
  • La clause de sortie forcée (« drag along » en anglais) constitue également un moyen efficace pour se retirer. Elle s'apparente à une promesse unilatérale de vente par laquelle le minoritaire s’engage à céder ses titres à un tiers cessionnaire à la demande du majoritaire.
  • Enfin, la clause de rachat peut aussi être envisagée. Il s’agit ici d’une promesse unilatérale par lequel l'un des actionnaires s'engage à vendre à l'autre ses titre ou à lui acheter les siens sous condition suspensive de la survenance d’évènements déterminés.

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive et d’autres mécanismes pourraient aussi bien être mis en place par un pacte d’actionnaires ou par les statuts d’une structure commune en vue de prévoir le retrait de l’un des investisseurs. 

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