Le régime juridique de l’exequatur des jugements de faillite
Le régime juridique de l’exequatur d’un jugement de faillite dépend du pays dans lequel celui-ci a été rendu.
Il convient de déterminer si le pays dans lequel ce jugement a été rendu a, ou non, conclu un accord de coopération judiciaire bilatéral avec la France.
Dans le cas où le pays étranger a conclu une telle convention avec la France, celle-ci s’appliquera. Tel est par exemple le cas de la Principauté de Monaco, en application de la convention franco-monégasque du 13 septembre 1950 relative à la faillite et à la liquidation judiciaire (Cass. civ. 1re, 6 juillet 2010, n° 09-12993).
Si le pays dans lequel le jugement de faillite a été rendu n’a pas conclu d’accord de coopération judiciaire bilatéral avec la France, le régime de droit commun de l’exequatur s’applique.
Il est fixé par l’arrêt de principe Cornelissen :
« Pour accorder l'exequatur hors de toute convention internationale, le juge français doit s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure et l'absence de fraude à la loi ; le juge de l'exequatur n'a donc pas à vérifier que la loi appliquée par le juge étranger est celle désignée par la règle de conflit de lois française. »
(Cass. Civ. 1re, 20 février 2007, n° 05-14082)
Tel est par exemple le cas d’un jugement de faillite rendu aux Etats-Unis (Cass. civ. 1re, 10 janvier 2018, n° 16-20416 : jugement du Tribunal des faillites de Floride).
Il convient de noter que le règlement européen n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile, dit Bruxelles I bis, exclut la faillite de son champ d’application en son article premier :
« 2. Sont exclus de son application :
b) les faillites, concordats et autres procédures analogues. »
Ainsi, les jugements de faillite rendus dans les pays de l’Union Européenne sont soumis au régime de l’exequatur de droit commun (Cour d’appel de Paris, 3 mars 2011, RG n° 10/08856 : jugement de faillite rendu par le Tribunal de Bologne).
Il en va de même s’agissant des jugements de faillite rendus en Suisse. En effet, la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007, dite Convention de Lugano, dispose en son article 1 :
« 2. Sont exclus de son application :
b) les faillites, concordats et autres procédures analogues. »
La jurisprudence française est particulièrement riche concernant les cas d’exequatur de jugements de faillite rendus en Suisse (Cass. Civ. 1re, 30 octobre 2006, n° 04-17326 : exequatur d’un jugement de faillite du Tribunal du district de Nyon demandé par l’Office des poursuites et des faillites de Nyon ; Cass. Civ. 1re, 12 juin 2014, n° 13-12463 : exequatur d'un jugement de faillite du Tribunal de Première instance de Genève demandé par l’Office des faillites de Genève ; Cass. Civ. 1re, 28 janvier 2015, n° 14-11976 : exequatur demandé par l’Office des faillites de l'arrondissement de Lausanne).
La procédure d’exequatur des jugements de faillite
La demande d’exequatur d’un jugement de faillite est introduite par assignation devant le Tribunal de Grande Instance.
La représentation par un avocat est obligatoire (article 751 du Code de procédure civile).
L’assignation peut être communément introduite dans l’intérêt du liquidateur et du débiteur. Cette pratique procédurale permet un gain de temps conséquent dans l’obtention du jugement d’exequatur. Dans ce cas, le Parquet civil est assigné en tant que contradicteur légitime.
Dans le cas où le liquidateur et le débiteur sont en conflit, la procédure oppose classiquement les deux parties, l’une en qualité de demandeur, l’autre en qualité de défendeur.
Les effets de l’exequatur des jugements de faillite
En l'absence d'exequatur, un jugement de faillite ne peut produire en France aucun effet de dessaisissement du débiteur, ni de suspension des poursuites individuelles.
Il s’agit d’un principe constant jugé au visa de l’article 509 du Code de procédure civile, lequel constitue le texte général relatif à l’exequatur des jugements étrangers (Cass. Civ. 1re, 24 mars 1998, n° 96-10171 : décision de faillite prononcée en Angleterre ; Cass. Civ. 1re, 28 mars 2012, n° 11-10639 : jugement de liquidation rendu dans le Connecticut, Etats-Unis ; Cass. Civ. 1re, 6 juillet 2016, n° 15-15850 : jugement de faillite rendu au Qatar).
Tout type de décision statuant à l’étranger en matière de faillite peut recevoir l’exequatur, qu’il s’agisse d’un jugement ou d’un autre type d’acte. Ainsi, constitue une décision de faillite pouvant recevoir l’exequatur une ordonnance rendue par le Tribunal des faillites de New York (Cass. Civ. 1re, 17 octobre 2000, n° 98-19913).