Si le banquier restitue la chose à une personne que le déposant n’a pas désigné pour recevoir, il engage sa responsabilité contractuelle.
La responsabilité de plein droit du banquier en matière de faux ordre de paiement
Aux termes de l’article 1937 du Code Civil :
« Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui lui a confié, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir ».
Appliqué au dépôt bancaire, le régime de la responsabilité du banquier qui se défait des fonds su présentation d’un faux ordre de paiement repose sur la distinction entre l’ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et l’ordre de paiement falsifié.
S’agissant des chèques, la jurisprudence distingue le chèque faux revêtu d'une signature apocryphe du chèque falsifié authentiquement signé du titulaire du compte mais qui a subi des altérations diverses.
Pour les chèques faux, une jurisprudence constante décide qu'il n'est pas besoin de démontrer la faute de la banque, il suffit d'établir que le titre au vu duquel le paiement a été effectué n’est pas un chèque revêtu de la signature du titulaire du compte.
Ainsi,
« [...] même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque » (Com. 24 février 1987, n° 85-17360 ; Com 9 février 1993, n° 90-21792 ; Com. 2 octobre 2007, n° 05-21421).
Même solution s’agissant des ordres de virement, il n’appartient pas au client de démontrer la faute de la banque dès lors que l’ordre de paiement n’a pas été signé par lui ou une personne habilitée à faire fonctionner le compte.
La Cour de cassation a ainsi jugé que :
« aucun des ordres écrits relatifs aux virements litigieux n'étant signé des personnes ayant pouvoir de faire fonctionner les comptes des sociétés Ardico et Charco et qu'à supposer qu'aucune faute ne soit imputable à la Banque populaire du Nord dans l'exécution des virements litigieux, cette circonstance n'était pas de nature à la décharger de son obligation de ne restituer les fonds qu'aux déposants ou à leurs mandataires » (Com. 3 nov. 2004, n° 01-16.238).
Quant à la charge de la preuve de l’authenticité des ordres de paiement, la jurisprudence considère qu’e :
« il appartient au banquier, dépositaire des fonds que lui a confiés son client et qui, à ce titre, a l'obligation de ne les restituer qu'à celui qui les lui a confiés ou conformément aux indications de paiement de ce dernier, d'établir, en cas de contestation, qu'il a reçu du déposant l'ordre d'effectuer le paiement contesté » (Com. 2 octobre 2007, n°05-21421).
C’est donc à la banque d’établir qu’elle a reçu de son client l’ordre d’effectuer les paiements contestés.
Incidence de la faute du client
Pour contourner sa responsabilité de plein droit, la banque peut faire valoir une faute du client qui participe à la réalisation du dommage : imprudence dans la garde des chéquiers, défaut de pointage des relevés de compte, absence de surveillance d'un préposé...etc.
La jurisprudence apparaît néanmoins favorable à la victime, à tous le moins en matière d’ordres de paiement revêtus dès l’origine d’une fausse signature.
La responsabilité de plein droit du banquier ne tombe que s’il est démontré deux conditions cumulatives: (i) une faute du déposant ou de son préposé et (ii) l'absence de négligence de la banque.
Ce principe est fermement établi, la Cour de cassation ayant, à plusieurs reprises, jugé que :
« [...] si l'établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d'une faute du titulaire du compte, ou de l'un de ses préposés, le banquier n'est tenu envers lui que s'il a lui-même commis une négligence en ne décelant pas une signature apparemment différente de celle du titulaire du compte et ce, seulement pour la part de responsabilité en découlant » (Com. 10 oct. 2000, n° 98-10.831 ; 8 nov. 2005, n° 03-20.402)»
Ainsi à supposer que la client ou l’un de ses préposés ait commis une faute, la banque reste, en tout état de cause, pour partie responsable dès lors qu’elle a été négligente en ne décelant pas les anomalies apparentes qui entachaient les ordres de paiement.
« La banque, tenue de relever les anomalies apparentes d'un chèque qui lui est présenté, doit assumer les conséquences du risque qu'elle prend en s'en abstenant » (Com. 7 juillet 2009, F-P+B, n° 08-18.251).
Ainsi engage-t-elle sa responsabilité contractuelle en se dessaisissant des fonds sur présentation d’un ordre de paiement comportant des anomalies apparentes décelables par un employé de la banque normalement, nonobstant la négligence du client.