Contradiction jurisprudentielle de La Cour Internationale de Justice et les juridictions spéciales

Publié le 12/08/2010 Vu 6 952 fois 1
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La jurisprudence internationale, limité par le faible nombre de décisions jurisprudentielles et bridé par la souveraineté des États, s'était néanmoins imposé comme moyen de combler les silences de la coutume et des traités sur un certain nombre de questions juridiques. Mais Il se trouve depuis une décennie confronté à une situation complètement nouvelle, caractérisée par une explosion du contentieux international impliquant les États, notamment les juridictions internationales spécialisées.

La jurisprudence internationale, limité par le faible nombre de décisions jurisprudentielles et bridé par

Contradiction jurisprudentielle de La Cour Internationale de Justice et les juridictions spéciales

Introduction

La justice internationale constitue un facteur clé dans les relations internationales modernes. Elle ouvre un large éventail d’instance à vocation juridictionnelle ou arbitrale, universelle ou régionale, générale ou spécialisée. Cette tendance de juridictionnalisation du droit international au cours des dernières décennies, témoigne la volonté internationale d’éradiquer l’insécurité en préservant la paix dans le monde.

Il a fallu attendre la conférence de la Haye (1907) pour que les Etats envisagent la création d’une cour internationale sous l’appellation d’une Cour des Prises, qui ne verra jamais le jour faute de ratification de son traité constitutif. Mais l’avènement de  l’éclatement des deux guerres mondiales, pousse la volonté internationale, à concrétiser volontairement à la création des juridictions internationales. La première de ce genre, est la Cour permanente de Justice internationale (CPJI) qui a été créée le 16 décembre 1920. A la fin de  la seconde guerre mondiale, la CPJI est substituée par la Cour Internationale de Justice (CIJ).

A partir de la seconde moitié du 20ème siècle, d’autres juridictions internationales verront le jour revêtant  diverses vocations. A cet effet, il convient de s’interroger la tendance et l’impact de juridictionnalisation du droit international et des relations internationales du fait de la prolifération des juridictions internationales.

Le phénomène de la  juridictionnalisation  du droit international

Si les tribunaux d’arbitrage constituent une pratique bien enracinée dans l’histoire des relations internationales, la création des tribunaux judiciaires ne remonte guère au delà du début du 20ème siècle. Cependant la création de la Cou Internationale de Justice (CIJ) en 1945, héritière de la Cour Permanente de Justice Internationale (CPIJ) de 1920, a coïncidé avec le déclenchement d’un processus de développement de nouvelles instances juridictionnelles ayant des vocations diverses.

La CIJ est seule organe judiciaire de caractère véritablement universel dont la compétence est générale. Mais à coté de la CIJ, d’autres juridictions ont vu le jour, revêtant des vocations diverses, notamment : universelle, permanente mais spéciale (tribunal international du droit de la mer crée par la convention des nations unies sur le droit de la mer de 1982, cour pénale internationale), universelle, mais spéciale ad hoc (tribunal pénal international  de l’ex-Yougoslavie, tribunal pénal international du Rouanda,…) ou  régionale mais étendue (Cour de justice des communautés européennes,…)

Ces mécanismes juridictionnels ou quasi juridictionnels se sont multipliés, et l’importance du contentieux s’est accrue d’une manière considérable.

La multiplication de ces instances judiciaires internationales accentue la dimension jurisprudentielle du droit international et constitue un signe de son efficacité et de sa crédibilité dans la mesure où l’élaboration des normes juridiques va de pair avec la création de moyen institutionnels aptes à en déterminer le contenu et à en assure l’application pratique. Par ailleurs, la création des tribunaux pénaux internationaux modifie profondément l’ordre juridique pénal en mettant fin à l’exclusivité de la compétence étatique pour juger les individus et crée donc une faille importante dans le « paravent de la souveraineté » qui a trop souvent servi de prétexte à l’impunité des gouvernants.

Le phénomène de prolifération des juridictions internationales répond pour partie aux transformations des rapports internationaux et il traduit, d’un coté, une confiance accrue de la part des Etats dans la justice internationale et, d’un autre coté, l’ouverture progressive de cette justice internationale à des entités non souveraines (particuliers, entreprises, ONG,…).

Un plus large éventail d’instances juridictionnelles au niveau international peut signifier qu’un plus grand nombre de différend feront l’objet d’un règlement judiciaire international, ce qui amortit les crises et les différends qui, s’ils n’étaient pas réglés, pourraient mener à une rupture de la paix et de la sécurité internationales.

Toutefois le rôle des relations internationales dévolues parfois à la justice internationales ne doit pas être exagéré. La justice internationale ne peut pas juguler la violence qui sévit dans le monde moderne en l’absence de volonté politique de réformer le système international et de démocratiser les relations et les organisations internationales.

C’est une utopie que de vouloir confier au juge la résolution des problèmes nationaux et internationaux. Ce n’est pas le règlement judiciaire international qui engendre d’emblée la paix, c’est au contraire la paix qui stimule le règlement judiciaire des différends. Dans des périodes de forte tension internationale, les Etats évitent de s’adresser aux juridictions, tandis que, les périodes de détente internationale, ils sont davantage enclins à régler leurs différends par la voie judiciaire.

L’incohérence  et la contrariété de la jurisprudence internationale

Loin d’être  le double emploi avec celle des juridictions déjà existantes, la création de nouvelles juridictions internationales est bénéfique pour le droit international. Le phénomène serait d’autant plus salutaire si les interprétations  faites du droit international étaient concordantes.

Mais c’est loin d’être toujours le cas et la prolifération des juridictions internationales est grosse d’au moins deux préoccupations: l’interférence des compétences et les contrariétés des jugements.

La compétence à vocation universelle de la CIJ conduit nécessairement à des chevauchements avec les compétences des tribunaux spécialisés plus enclins à privilégier les règles des branches spécifiques du droit international au détriment de ses principes généraux. C’est ainsi, par exemple, le tribunal sur le droit de la mer peut, en vertu des articles 287 et 288 de la convention de Montego Bay, se voit conférer la compétence pour connaitre des litiges relatifs à l’application de ladite convention. Or que la CIJ est également compétente en ce domaine et c’est d’ailleurs devant elle que les Etats ont traditionnellement porté leurs différends de nature maritime.

La multiplication des instances juridictionnelles internationales et leur spécialisation croissante, au lieu d’être un facteur d’enrichissement du droit international en représente une source d’anarchie, une menace de fragmentation de l’ordre juridique et une cause d’incohérence jurisprudentielle, la même règle de droit pouvant, dans des procès différents, faire l’objet d’interprétations divergentes sous prétexte de spécificités thématiques ou de réalités strictement régionales. En l’absence d’une cour suprême d’appel vis-à-vis des autres organes judiciaires internationaux qui veillerait à l’homogénéité de la jurisprudence, les décisions judiciaires s’exposent toujours aux conflits de compétences et aux contradictions. Or tout en prenant en compte les besoins spécifiques ou régionaux, le droit international doit conserver son unité et son approche d’ensemble.

Aujourd’hui les risques de contrariété de jurisprudence entre les cours et les tribunaux en exercice ne constituent plus une simple hypothèse comme l’avait souligné  Monsieur Gilgert Guillaume, dans son discours lors da la sixième commission de l’Assemblé Générale de l’ONU, le 31 octobre 2001. Ainsi par exemple, le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), en statuant au fond dans l’affaire Tdic, avait écarté la jurisprudence dégagée par la CIJ. La Cour avait estimé que le Nicaragua et les Etats Unis ne pouvaient être tenus pour responsable des activités des contrats au Nicaragua que dans la mesure où ils en avaient eu le « contrôle effectif ». Le TPIY, après avoir critiqué la solution retenue par la CIJ, a adopté pour ce qui est de l’action de la Yougoslavie en Bosnie-Herzégovine un critère moins strict et a substitué au concept de « contrôle effectif » à celui de « contrôle général, élargissant ainsi les conditions dans lesquelles la responsabilité des Etats peut être engagée du fait de leurs activités en territoire étranger. Alors, le TPIY a rejeté le critère du contrôle effectif, retenu par la CIJ et a adopté un critère moins rigide du lien d’attribution en estimant que, s’agissant de groupes organisé des combattants, il suffisait de démontrer que ces groupes dans leur ensemble étaient sous le contrôle général d’un Etat étranger pour engager la responsabilité de cet Etat pour les activités du groupe, que chacun des actes soit ou non spécifiquement imposé, décidé ou commandé par les Etats en question.

Pour sa part, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), dans l’affaire Loizidou c. Turquie, s’est écartée de la position de la CIJ sur la question des réserves  territoriales aux déclarations de juridictions obligatoire. Alors que la CIJ, a eu comme jurisprudence constante selon laquelle de telles réserves sont licites et doivent être appliquées, la CEDH a adopté, une solution différente.

Pour surmonter les risques d’interférence de compétence d’incohérence jurisprudentielle diverses voies sont suggérées, notamment il faut confier à la CIJ le soin de connaitre en appel ou en cassation des jugements rendus par tous les autres tribunaux. Encourager les diverses juridictions à demander dans certaines affaires des avis consultatifs à la CIJ par l’intermédiaire du conseil de sécurité ou de la l’Assemblée générale.

 

Conclusion

La maitrise du droit international général, la capacité d’occuper des hautes responsables dans les juridictions nationales, la représentativité géographique dictent le choix des juges internationaux. Mais, deux tendances se dégagent : la spécialisation de plus en plus accentuée et le début de féminisation factuelle,  mais surtout statuaire de la magistrature internationale.

Le pouvoir normatif du juge est une question profondément et durablement controversée en doctrine. La prolifération des juridictions internationales favorise le caractère stable et pacifique des relations internationales et renforce, de prime abord, le droit international qui les régit. Mais elle est exposée à des risques d’incohérence jurisprudentielle en l’absence d’une cour suprême mondiale.

L’architecture judiciaire internationale actuelle n’est pas définitivement stabilisée. Elle évoluera dans l’avenir en réponse aux réalités du système international.

 

Par ISSA SAID

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1 Publié par Visiteur
30/03/2011 21:39

C'est article qui ne se heurte pas à des reproches.le juge internationale existe parce que les États souverains le veulent, leurs volonté dimensionnalise la jurisprudence de la Cour. c'est tout le contraste

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