La femme comorienne : Cadre de vie et sécurité en danger

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La femme comorienne : Cadre de vie  et sécurité en danger

Principes généraux

 

Souvent méconnue et  marginalisée dans son intégration qui est la sienne, la femme comorienne reste le plus beau meuble au sein d’une famille traditionnellement incomparable mais aussi une esclave enchaînée dans ce foyer.

Traditionnellement, la femme comorienne est consacrée en tant que l’honneur et la respectabilité de la famille traditionnellement inspirée de la religion musulmane. Dans une société constituée sur cette base, on luttera donc pour obtenir un maximum d’honneur et de reconnaissances publiques, qui formeront ensuite des biens héréditaires. Cette réflexion va dans le sens des analyses d’Ibn Khaldoun, où il rapporte que l’honneur était un facteur central autour duquel des dynasties ont bâti leur pouvoir. La femme étant écopée  ce mérite, elle doit donc assumer, rassurer et  prouver ainsi la pureté des valeurs traditionnelles du foyer.

Dès sa naissance, la fille comorienne suscite l’attention de tout son entourage aussi bien masculin que féminin (père, mère, frères et oncles). Elle doit répondre aux attentes de sa famille et aux exigences d’une société dont le moindre dérapage peut compromettre son avenir. Elle doit faire la preuve qu’elle sera une bonne épouse, une bonne mère. Ce poids familial et cette pression sociale auraient comme objectif inavoué la satisfaction d’une frange de la population, les hommes. De ce fait, sa situation socio-familiale fait d’elle un « bien précieux » qu’il faut à tout prix préserver.

Si la tradition constitue pour celui qui la professe l'un des éléments fondamentaux de sa conception de la vie, le respect et la garantie de celle-ci  sont considérés comme essentiels et occupent un rôle indispensable dans le cadre du corpus familial visant à permettre une vie digne pour chaque famille. L’équation était et demeure aujourd’hui une tournure purement traditionnelle si  on ose le dire. Dès son bas âge, la femme comorienne est sensée suivre la conduite traditionnelle voire de ses parents. Parfois ces derniers ne font que rimer tous les jours avec ou sans une voix farouche, les biens et le bonheur de la femme en respectant sa tradition et réitèrent les retombées en faisant signe de respect et d’honneur à ses parents. Dans ce contexte, fait savoir que la femme n’est plus indépendante de sa propre liberté autant que celle-ci reste toujours limité sur les seules exigences et les recommandations de la famille en particulier celles de ses parents voir leurs conjoins.

Si cette tendance marque des soucis encrés  dans les  familles  comoriennes, elles ne sont pas les seules à s’inquiéter.  La religion musulmane est  d'accord sur un fait de base: la femme est une  créature de Dieu, le Créateur de l'univers entier. Toutefois, les divergences apparaissent peu après la création du premier homme, Adam, et de la première femme, Eve. Dieu leur a interdit à tous deux de manger des fruits de l'arbre interdit. Le serpent incita Eve à en manger et Eve à son tour incita Adam à manger avec elle. Quand Dieu reprocha à Adam ce qu'il avait fait, il en attribua toute la faute à Eve "La femme que tu as mis ici avec moi : elle m'a donné du fruit de l'arbre et je l'ai mangé."  Par conséquence, Dieu dit a Eve: "J'augmenterai beaucoup tes souffrances en grossesse; tu enfanteras dans la peine. Ton désir sera pour ton mari et il commandera sur toi." Et il dit à Adam : "Puisque tu as écouté ta femme et mangé de l'arbre ... Cette terre est maudite par ta cause ; tu mangeras chaque jour de ta vie par le fruit de ton dur labeur...". Dans cette perspective, on voit  que le Coran a institué la parité originelle de la femme et de l'homme et tout ce qui s'ensuit en termes de droits et d'obligations. L'homme et la femme ne peuvent se distinguer que par les bonnes actions qu'ils accomplissent. La femme, selon le Coran, n'est pas un accessoire que l'homme utiliserait selon son bon vouloir mais un être doté d'une personnalité et d'une identité propres.

Aux Comores, la fille comorienne serait victime de « trop d’amour » de la part de l’homme comorien, pensent certains. Cet « excès d’amour » est véhiculé par le système traditionnel caractérisé notamment par ce fameux « grand mariage ». Un système coutumier en mal de réforme et qui en aurait pourtant bien besoin. Ce « grand mariage »  élaboré par un système d’inspiration féodale, place la femme dans une situation des plus critiques. On lui impose un système endogamique qui décide tout à sa place jusqu’au choix de son conjoint, souvent fait par le père, le frère ou l’oncle. Ce qui constitue une violence absolue exercée à ces femmes.

La violence exercée aux femmes : faits et réalités

L’expression de la violence exercée à l’endroit des femmes dans la société comorienne reste un phénomène très mal perçu et donc peu connu par la population qui, en dépit de données très limitées et informations documentées, reconnait au moins l’existence de trois types de violence que subissent la plupart des femmes et des filles. C’est le cas des mariages forcés et précoces, des abus et harcèlements sexuels et de violence domestique.

1. Les mariages forcés

Le phénomène des mariages forcé qui est une des formes de violence à l’égard des filles est une des causes de leur déscolarisation et de la précarité de la santé des femmes en général. C’est ce que confirment les données de l’enquête sur les « femmes membres des associations et groupements  de développement aux Comores » réalisée en 1998 à la Grande Comores et à Mohéli et en 1999 à Anjouan. Respectivement, les projets  COI/95/PO2/UPP et COI/98/PO2/PDG ont montré que parmi les femmes mariées interrogées, 63,9% à la Grande Comore,  41% à Mohéli et 54% à Anjouan  ont contracté un mariage dont le choix du mari a été imposé.

2. Le caractère précoce du mariage

Concernent le caractère précoce du mariage, l’enquête démographique  et de santé (EDSC) de 1996 a montré  qu’il existe une tendance  nette au vieillissement de l’âge au premier mariage, mais que cet âge demeure encore précoce : l’âge médian au premier mariage pour les femmes âgées  de 25-49 ans au moment de l’enquête est de 18,5 ans.

3. La dissolution du mariage par la répudiation

A ces deux dimensions de la violence exercée dans le cadre du mariage, s’ajoute la dissolution  du mariage  par la répudiation qui reste un droit exclusivement réservé aux hommes et perçu par certaines femmes comme une atteinte à leur sécurité  physique et morale.

4. Les abus et harcèlement sexuels

Les abus et harcèlements  sexuels  à l’endroit des femmes existent  même si le phénomène est moins documenté. En effet, les résultats de l’enquête  sur « La scolarisation  des filles aux Comores », menée par le ministère de l’éducation nationale et de la recherche scientifique  en 1997 auprès  des établissements d’enseignement primaire ont montré que des jeunes filles ont subi des abus et harcèlements sexuels par leurs enseignants, leurs camarades  garçons ou les deux. L’âge modal  des ces filles était de 12 ans.

5. La violence domestique

Comme les deux types de violence, la violence domestique  existe bel et bien  et semble n’épargnait aucun milieu ou groupe social, à en croire les déclarations de certaines femmes  et les cas de violence vécus aux yeux de tous dans les quartiers populaires. C’est ce qui était arrivé à Madame Nassima, native de Mohéli, le 12 juillet 2009 Nassimia. Ce jour-là, pour une banale querelle de ménage, son mari l’a violemment battue. Elle s’en est sortie avec des éraflures sur le visage et six points de souture à la clé. Nassimia a juré de ne plus revenir dans le foyer conjugal et a trouvé refuge à Fomboni, chez une amie.

A Mohéli, les violences contre les femmes sont devenues un sérieux problème de société. « La plupart des femmes n’osent pas en parler de peur d’être répudiées avec plus de trois enfants à élever. Elles préfèrent donc subir », déclare une femme de Mohéli  Hidaya Salim, directrice régionale de la Promotion du genre à Mohéli. « Silence, on me tue »!  Au-delà de cette crainte d’être répudiées, on évoque surtout cette pudeur bien comorienne qui retient certaines femmes de faire étalage de leurs soucis conjugaux sur la place publique.  Ces réticences sont davantage nourries par cette méfiance de plus en plus forte de la population vis-à-vis de la justice. « Pourquoi vais-je dénoncer mon époux à la gendarmerie alors que rien ne me garantit que cela va pouvoir changer quelque chose » se demande cette femme.

Les rares femmes qui ont décidé de porter une affaire d’ordre privé devant le tribunal le regrettent profondément. Non seulement elles n’ont pas obtenu gain de cause, mais leurs époux ont, dans le meilleur des cas, quitté le foyer conjugal, s’estimant blessés dans leur amour-propre.

Conclusion

Pour régler  tous ces problèmes, l’existence de trois sources de droit (coutumier, islamique et moderne) aux Comores qui aurait pu être considérée comme un atout  dans la mesure qu’elles renferment  chacune respectivement  des dispositions  relatives à la protection  des femmes contre  ces formes de violence  et ce d’autant plus que des sanctions  sont prévues  contre ceux qui  les auront violées, est une source de divergence.

Donc,  dans la confusion de la loi comorienne, il serait nécessaire  de mener des campagnes de sensibilisation  pour pousser les femmes victimes  à dénoncer auprès de la justice  les auteurs, ce qui permettrait de constituer  une première base de données pour ce phénomène.

En plus de ces campagnes, l’amélioration  des conditions  de vie et de la promotion  de la femme, les autorités comoriennes devraient concrétiser leur volonté politique  à prendre en compte l’égalité  de genre  dans la mise en œuvre  des programmes de développement.

 

par ISSA SAID

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