L'interdiction du voile intégrale : Une dérive du droit international

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L'interdiction du voile intégrale : Une dérive du droit international

Depuis quelques années, le port du voile dans les lieux publics (école, transports en commun, les administrations, marchés…) est sujet à une polémique  en France.

En effet, le port de la burqa est encore aujourd’hui au cœur d’un débat politique en France et qui, manifestement, divise mais aussi agite la société. Le problème qui se pose est de savoir si, le port du voile intégral doit être ou non autorisé, voire réprimandé en France ?

Vêtement traditionnel des femmes musulmanes de certaines contrées (par interprétation des prescriptions du Coran), la burqua représente un voile qui est fixé sur la tête et par-dessus lequel, est porté un hijab couvrant la tête et, avec une fente permettant de voir.

Pour certains, le port du voile est un symbole de liberté, alors que pour d’autres, il s’agit tout simplement d’un signe d’asservissement.

En France, le port du voile suscite de plus en plus d’interrogations, surtout que non seulement il y existe une forte communauté de musulmans qui tient à faire respecter sa culture religieuse même au-delà de ses frontières d’origine, mais aussi, étant une société laïque, les signes ostentatoires ne sont pas  en théorie admis dans les lieux publics en France, surtout au sein des établissements scolaires.

Rappelons que, c’est dans cette optique que, la Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 (encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics) a été promulguée par le gouvernement Raffarin (UMP).

Malgré les controverses, la Cour européenne des droits de l'homme elle, a jugé (dans un arrêt rendu le 4 décembre 2008) que la Loi française sur les signes religieux dans les écoles publiques n'est pas contraire à la liberté religieuse et au droit à l'instruction.

Une violation du droit international

En vertu du droit international relatif aux droits humains, toute personne a droit à la liberté d’expression et à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ; ces libertés s’étendent à la manière dont les gens choisissent de se vêtir. Les États ne peuvent donc pas obliger de façon globale les femmes à s’habiller ou à ne pas s’habiller d’une certaine façon, et ils doivent protéger les femmes contre les contraintes imposées dans ce domaine par des tiers. Ni l’État ni des acteurs non étatiques ne doivent forcer les femmes à porter un foulard ou un voile, et il n’est pas non plus correct que la législation leur interdise de le porter.

Aux termes du droit international relatif aux droits humains, l’exercice des droits à la liberté d’expression et à manifester ses convictions religieuses peut subir certaines restrictions, mais uniquement lorsque ces restrictions répondent à trois conditions rigoureuses : elles doivent être prescrites par la loi ; elles doivent remplir un but précis, légitime et autorisé par le droit international ; enfin, il doit être possible de prouver qu’elles sont nécessaires et proportionnées à la réalisation du but visé.

Les buts légitimes admissibles consistent à garantir le respect des droits d’autrui ou à protéger certains intérêts publics (sécurité nationale, sécurité publique, ordre, santé, ou moralité publics). En outre, si une restriction de ce type paraît nécessaire pour atteindre un de ces buts, il doit être possible de le prouver ; en d’autres termes, comme l’a affirmé la Cour européenne des droits de l’homme, elle doit répondre à un « besoin social impérieux » ; elle doit être aussi peu importune que possible tout en réalisant l’objectif légitime attendu ; enfin, le degré d’intervention spécifique dans chaque cas particulier doit être proportionné à l’objectif visé. De surcroît, de telles restrictions ne sauraient être imposées pour des motifs discriminatoires ou appliquées de manière discriminatoire, et elles ne doivent pas porter atteinte au droit concerné. Le port de symboles ou de vêtements à caractère religieux, tout comme les restrictions à leur égard, peuvent avoir différentes conséquences sur l’exercice de toute une série de droits humains. Pour cette raison, si l’on cherche à évaluer la légitimité de telle ou telle restriction, on doit toujours examiner la question avec soin, au cas par cas, en se référant à des faits démontrables et non à des présomptions ou à des spéculations.

On ne pense pas qu’une interdiction générale du port du voile intégral dans l’espace public soit nécessaire ou proportionnée en vue d’un objectif légitime.

Certaines restrictions clairement définies du port du voile intégral pour des motifs liés à la sécurité publique peuvent être légitimes. C’est le cas, par exemple, de l’impératif de montrer son visage dans certains lieux où il est possible de prouver qu’il existe un risque important. De manière similaire, il sera également légitime d’imposer aux personnes de se dévoiler lorsqu’il leur est demandé de le faire en cas de contrôle d’identité nécessaire. Toutefois, en l’absence d’un lien démontrable entre le port du voile intégral et la mise en danger de la sécurité publique, il est impossible d’invoquer de façon globale l’argument de la sécurité publique pour justifier la restriction de la liberté d’expression et de religion qu’entraînerait une interdiction complète du port du voile intégral dans l’espace public.

Certes, la protection de la moralité publique est un objectif qui légitime certaines restrictions de la liberté d’expression ou de manifestation de la religion ou des convictions, mais cela n’autorise pas à imposer des restrictions du port du voile au motif qu’une partie de la population trouve cette pratique répréhensible. La Cour européenne des droits de l’homme a répété à maintes reprises que le droit à la liberté d’expression s’applique aussi à des formes d’expression « qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population ».

Lorsque la violence ou les menaces sont employées pour contraindre les femmes à se vêtir de telle ou telle manière, il est souhaitable que l’État intervienne dans chaque cas individuel, en s’appuyant soit sur les juridictions pénales soit sur celles dont relèvent les affaires familiales. La réponse de l’État à de tels actes ou à toute autre forme de pression ne devrait pas être d’instaurer une interdiction généralisée qui toucherait de façon massive toutes celles qui portent le voile intégral et les empêcherait de bénéficier de toute une série de services permettant la jouissance des droits sociaux et économiques. En fait, une interdiction absolue et générale risque d’être contre-productive, car une mesure destinée à protéger les femmes contre le harcèlement et l’oppression pourrait entraîner un isolement encore plus grand.

Pour autant que les normes sociales ou religieuses qui prescrivent des codes vestimentaires reflètent une discrimination envers les femmes, il en découle pour l’État une obligation positive de prendre des mesures afin d’empêcher cette discrimination. Mais ces mesures doivent avoir pour but essentiel de combattre la discrimination elle-même ainsi que ses causes sous-jacentes, et pas seulement ses symptômes. Elles ne doivent pas déboucher sur des restrictions imposées à des femmes qui exercent librement leur droit à la liberté d’expression.

Une atteinte à la dignité de la femme?

Dans le cadre de la loi sur l'interdiction du port voile intégral, la religion est utilisée, une fois de plus, pour asservir, elle est utilisée a contrario, il ne s'agit plus de s'y soumettre mais de la combattre. Le processus est le même : l'utilisation de la religion pour obscurcir la pensée.

Parce qu'il y a peu d'arguments pour justifier l'interdiction du voile intégral et qu'il y en a beaucoup pour le tolérer, le discours devient incohérent et dangereux. Quand la hargne se cache sous l'aspect de la raison, il y a lieu de craindre pour l'avenir d'un peuple... 

La dignité de la femme passe par la dignité de l'homme, le respect des travailleurs et travailleuses, un salaire juste, une équitable répartition des richesses. La dignité de la femme passe par  le respect de l'autre, sa manière de croire et de penser, de s'habiller, de porter une croix, une kippa, un voile, une perruque. Il appartient à l'Islam de régler ce problème de voile intégral et non à des profanes ignorants de textes qu'ils disent ne pas mépriser tout en les méprisant.

Cette loi contre l'interdiction du port du voile intégral marquera pour longtemps l'histoire de la France et de l'Europe, elle sera son déshonneur. On en reparlera longtemps, comme on parle encore aujourd'hui du port d'une certaine étoile jaune.

Rien à voir me direz-vous. Au contraire : "le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde" nous a dit Brecht. Il appartient aux peuples de faire que cette bête ne se réveille pas. Hélas, il est peut-être déjà trop tard.

 

Par ISSA SAID

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1 Publié par plebriquir
16/09/2010 08:33

Cher Issa,
Merci pour votre article sympathique, envisageant l'aspect moral et philosophique du projet de loi. J'ai de mon côté écrit un article hier, que je vous invite à lire (et commenter!) montrant les incohérences juridiques... Cordialement

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