Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles selon le droit international

Publié le 23/07/2010 Vu 13 818 fois 6
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Le principe de souveraineté sur les ressources naturelles est un principe fondamental au seins des Etats souverains. Ce principe a été introduit dans les débats des Nations Unies à la suite de la demande des pays colonisés et des pays en développement de pouvoir bénéficier de l'exploitation de leurs ressources naturelles. Un long processus tenu au sein de l'ONU a fini par consacrer le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles. La souveraineté sur les ressources naturelles étant l'un des principaux corollaires du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, on peut légitimement penser que cette souveraineté est également un droit opposable erga omnes. Toutefois, même si ce principe est reconnu pour les États et par la jurisprudence internationale comme une norme incontournable du droit international, il n'est pas respecté par tous. En effet, des territoires restent soumis à la domination étrangère, et ce, malgré les répercussions de la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale de l'ONU sur la décolonisation qui affirme que tous peuples qui sont soumis à l'exploitation étrangère ont le droit de s'autodéterminer.

Le principe de souveraineté sur les ressources naturelles est un principe fondamental au seins des Etats souv

Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles selon le droit international

La théorie de la souveraineté sur les ressources naturelles occupe une place de premier plan sur la scène internationale, d'une part parce qu'elle est l'un des principaux corollaires du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et d'autre part, parce qu'elle est indéniablement l'outil indispensable de l'indépendance économique d'un État. Ces deux éléments font du principe de souveraineté sur les ressources naturelles un élément central des relations étatiques et assurent, autant que faire se peut, l'égalité souveraine entre les États.

Aujourd'hui, il semble acquis que les États ont le droit d'exploiter librement les ressources naturelles se situant sur leur territoire. On peut cependant douter parfois de la réalité de ce fait lorsque l'on constate, par exemple, la mainmise qu'ont les industries occidentales sur les ressources naturelles de certains pays d'Afrique ou d'Amérique Latine, notamment sur les mines ou les exploitations pétrolifères. Toutefois, il est d'avis général de constater que tous les États disposent désormais de la pleine souveraineté sur leurs ressources naturelles, et c'est un principe assez respecté dans l'ensemble. Mais il n'en a pas toujours été ainsi, notamment du temps de la colonisation, et c'est pourquoi il a fallu imposer peu à peu le principe de souveraineté sur les ressources naturelles au fur et à mesure que la décolonisation s'amorçait. Il faut souligner le travail de l'Organisation des Nations Unies qui a, pendant plusieurs années, tenté d'imposer le principe de souveraineté sur les ressources naturelles comme une véritable règle de droit et qui y est parvenue.

L’affirmation du principe de souveraineté des ressources naturelles

Le principe de souveraineté sur les ressources naturelles est né d'une lente gestation et d'un nombre important d'années de travail de l'Organisation des Nations Unies. Cette dernière a été le berceau du principe de souveraineté sur les ressources naturelles et la principale organisation au sein de laquelle il a été élaboré et mis en œuvre. L'ONU a adopté plus de quatre-vingt résolutions concernant ce principe, et celui-ci a été incorporé dans plusieurs textes internationaux comme nous le verrons.

Du fait des dimensions économiques que comportait la notion de souveraineté sur les ressources naturelles, la seule mention de ce droit était susceptible, aux yeux des États capitalistes, de bouleverser l'ordre économique international fondé sur des notions occidentales de coopération et d'interdépendance et de remettre en cause les principes juridiques qui maintenaient cet ordre en place.

Lorsqu'en 1945, la Charte des Nations Unies était signée par les cinquante États présents à la Conférence de San Francisco, le principe de souveraineté sur les ressources naturelles n'avait pas encore été formulé de manière claire. La décolonisation n'allait s'amorcer qu'un peu plus tard, le principe de souveraineté n'était donc pas d'actualité et surtout, était loin de séduire les puissances occidentales, largement bénéficiaires des ressources naturelles des territoires colonisés. Il apparaît cependant, dans le corps du texte de la Charte des Nations Unies, des notions d'égalité de droits. On sait que le principe de souveraineté sur les ressources naturelles est l'un des principaux corollaires du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Or, même si la Charte des Nations Unies ne fait pas directement référence au principe de souveraineté sur les ressources naturelles, elle énonce, dans son article 1, que « Les buts des Nations Unies sont les suivants : (...) Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes (...) ».

De cette simple formule, tout le concept moderne du droit à l'autodétermination s'est façonné et se façonne encore aujourd'hui. Ainsi, la Charte de l'ONU a donné une assise juridique au principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et en a fait une véritable règle générale du droit à vocation universelle.

Ce droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est repris par l'article 55 de la même Charte qui énonce : «les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes [...] ». Le principe de souveraineté sur les ressources naturelles étant l'un des principaux corollaires du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, on peut donc voir dans les dispositions de la Charte des Nations Unies que celle-ci protège de manière indirecte le principe de souveraineté sur les ressources naturelles.

Le débat sur le principe de souveraineté sur les ressources naturelles s'est poursuivi par la création en 1958, à travers la résolution 1314 (XIII) du 12 décembre 1958, de la Commission pour la souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Cette Commission était « chargée de procéder à une enquête approfondie sur la situation de cet élément fondamental [qu'est le « droit de souveraineté permanent sur leurs richesses et leurs ressources naturelles »] du droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes ». On peut relever dans le corps de cette résolution une innovation importante. C'est celle qui déclare que le « droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes comprend un droit de souveraineté permanent sur leurs richesses et leurs ressources naturelles ».

Les travaux de la Commission pour la souveraineté permanente sur les ressources naturelles aboutirent à la rédaction d'un projet de résolution qui fut adopté en 1962 à une très large majorité, moyennant quelques amendements mineurs (87 voix Pour, 2 Contre et 12 Abstentions). Cette résolution a été adoptée à une telle majorité qu'elle constitue « selon l'avis général,  une expression fidèle du droit international général dans ce domaine ».

Bien évidemment cette résolution traite en grande partie de l'aspect économique du principe de souveraineté sur les ressources naturelles et du problème des nationalisations et des éventuelles indemnisations. Toutefois, l'aspect économique étant inséparable de l'aspect juridique du principe, nous ne pouvons nous en affranchir et nous le considérerons comme partie intégrante de la souveraineté sur les ressources naturelles. La résolution 1803 (XVII) reprend ce qui avait déjà été dit dans la résolution 1314 (XIII) qui instaurait la Commission pour la souveraineté permanente sur les ressources naturelles et qui était passée relativement inaperçue au regard de ce qu'elle contenait.

La résolution 1803 (XVII) est de ce fait considérée comme le texte fondateur du droit de souveraineté sur les ressources naturelles et les textes qui vont suivre ne feront que renforcer cette règle de droit.

Les titulaires du droit de souveraineté des ressources naturelles

Les textes énonçant le droit de souveraineté sur les ressources naturelles sont principalement l'œuvre onusienne. En effet, l'ONU a activement participé à l'élaboration de ce droit et il est donc normal de déterminer qui sont tous les titulaires du droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles en étudiant le langage employé par l'ONU dans ses différents instruments.

A cet égard, il faut relever l'imprécision du langage employé par les Nations Unies concernant la souveraineté sur les ressources naturelles. Parfois l'Assemblée générale, principal organe ayant contribué à la formation du droit de souveraineté, emploie le terme « État » pour évoquer le titulaire de la souveraineté sur les ressources naturelles et parfois elle emploie le terme de « peuples » ou « nations ».

Ces expressions se rencontrent parfois successivement dans le même texte. Cependant le langage politique confond souvent les notions de peuple, de nation et d'État. Or, la souveraineté sur les ressources naturelles découle directement du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Ce droit à l'autodétermination est aujourd'hui reconnu comme un droit. En effet, tous les membres des Nations Unies reconnaissent aujourd'hui le droit des territoires coloniaux d'accéder à l'indépendance.

Même si les résolutions des Nations Unies parlent souvent d'États lorsqu'elles évoquent le droit de souveraineté sur les ressources naturelles, la plupart d'entre elles ne manquent toutefois pas de parler de peuples quant à la titularité de la souveraineté sur les ressources naturelles, ce qui évite ainsi toute confusion. La première d'entre elles est la résolution 626 (VII) du 21 décembre 1952 qui énonce que « le droit des peuples d'utiliser et d'exploiter librement leurs richesses et leurs ressources naturelles est inhérent à leur souveraineté ». Ici, l'Assemblée générale cite les peuples et non les États comme les titulaires du droit d'utiliser et d'exploiter librement les richesses et les ressources naturelles. Dans la résolution 1314 (XIII) du 12 décembre 1958 de l'Assemblée générale, il est dit expressément que le droit des peuples et des nations à disposer d'eux-mêmes comprend un droit de souveraineté permanente sur leurs richesses et leurs ressources naturelles.

En outre, les Pactes internationaux de 1966 relatifs aux Droits de l'Homme se réfèrent aux peuples et non aux États lorsqu'ils évoquent la souveraineté sur les ressources naturelles. La Déclaration universelle des droits des peuples, faite à Alger, le 4 juillet 1976 parle, elle aussi, de peuples, puisque son titre même fait référence aux peuples, et non aux États. Cette déclaration universelle est un texte composé de trente articles énonçant chacun les droits dont dispose les peuples.

On peut donc affirmer que le principe de souveraineté sur les ressources naturelles s'adresse aux peuples. Toutefois, l'emploi concomitant par les Nations Unies des termes « peuples » et « États » démontre que l'Organisation internationale ne veut oublier personne. En effet, on peut estimer que si l'Assemblée générale des Nations Unies emploie, d'une part le terme d'États, c'est pour rappeler l'égalité souveraine et l'indépendance de chaque État quant à l'exploitation de leurs ressources naturelles, et si, d'autre part, elle emploie le terme de peuples c'est pour désigner les peuples soumis à la domination étrangère, qui ne sont donc pas indépendants et souverains comme c'est le cas des peuples palestinien et sahraoui ou ceux qui sont indépendants mais avec une domination quasi coloniale, à l’image des Comores avec la domination française dans l’ile de Mayotte.

On voit bien que même s'il existe des règles censées protéger les territoires occupés et les territoires non autonomes des éventuelles exploitations de la part de puissances tierces et notamment de puissances occupantes, celles-ci ne suffisent pas à garantir et à préserver l'intégrité territoriale de ces territoires, et encore moins à leur assurer la souveraineté permanente sur leurs ressources naturelles. En effet, quand bien même le droit international énonce des règles censées offrir aux États la pleine et entière liberté d'exploitation de leur territoire, certains d'entre eux s'affranchissent de ces règles et empêchent certains autres de jouir de la plénitude de pouvoir que le droit international met à leur disposition. C'est pourquoi, cette attitude est dénoncée par la majeure partie des acteurs internationaux, que ce soit les Organisations internationales, et notamment l'ONU, mais également par un bon nombre d'États pour qui la violation du droit international est inacceptable.

 

par ISSA SAID

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1 Publié par Visiteur
16/03/2011 22:06

Bonjour Saïd,
Je m'appelle Jean Michel Kuela. Je suis une formation en droit international de l'environnement. Je traite un sujt relatif au principe de la souveraineté des Etas sur leurs ressources naturelles. Dans ma recherce bibliographique, je me suis rendu compte que les vocables "Etats", "peuples", "Nations" sont invariblement utilisés. Cela sème un peu la confusion dans l'analyse qu'on peut faire en tant qu'étudiant qui fait ses premiers pas dans ce domaine. Merci pour Ton écrit qui éclaire ma lanterne. Par ailleurs, j'aimerais votre commentaire sur l'évolution de ce principe de souveraineté avec l'avènement de nouveaux acteurs comme ceux de la société civile.
Bien cordialement

JMK (jmkuela@gmail.com)

2 Publié par Visiteur
03/06/2014 17:49

Bonsoir Mr,
je m'appelle Kékpao Essolizim, je suis au TOGO,je suis en semestre 6 de droit public général.j'ai apprécié le commentaire mais j'aimerais que vous releviez l'impact du contentieux sur l'évolution de la consécration de ce droit puisqu’à priori les états privilégie les solution négociée en violation du principe sus énoncé

3 Publié par Visiteur
03/06/2014 17:49

Bonsoir Mr,
je m'appelle Kékpao Essolizim, je suis au TOGO,je suis en semestre 6 de droit public général.j'ai apprécié le commentaire mais j'aimerais que vous releviez l'impact du contentieux sur l'évolution de la consécration de ce droit puisqu’à priori les états privilégie les solution négociée en violation du principe sus énoncé

4 Publié par Visiteur
03/06/2014 17:49

Bonsoir Mr,
je m'appelle Kékpao Essolizim, je suis au TOGO,je suis en semestre 6 de droit public général.j'ai apprécié le commentaire mais j'aimerais que vous releviez l'impact du contentieux sur l'évolution de la consécration de ce droit puisqu’à priori les états privilégie les solution négociée en violation du principe sus énoncé

5 Publié par Visiteur
09/04/2015 16:33

Bonjour. Je suis un étudiant en thèse à la FSJP de l'Université Cheikh Anta DIOP de Dakar. J'écris sur le principe de la souveraineté permanente des Etats sur leurs ressources naturelles et je suis à la recherche de documents qui pourraient m'aider à avancer d'avantage dans mes recherches. Cordialement.

6 Publié par Visiteur
15/02/2016 13:14

merci à vous pour cet article , vos éléments me sont vraiment indispensable vu que je travail sur ce thème. Je suis étudiante en deuxième année de maitrise en droit merci à vous . Cordialement et nous vous attendons pour d'autres publication.

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