La preuve du harcèlement moral des agents et fonctionnaires dans la fonction publique

Publié le 01/02/2016 Vu 183 825 fois 108
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Quel est le régime juridique de la preuve du harcèlement moral des agents et fonctionnaires dans la fonction publique ?

Quel est le régime juridique de la preuve du harcèlement moral des agents et fonctionnaires dans la fonction

La preuve du harcèlement moral des agents et fonctionnaires dans la fonction publique

Le harcèlement moral des agents dans la fonction publique est une réalité masquée pour plusieurs raisons.

Sauf rares exceptions, ce qui se passe dans la fonction publique entre fonctionnaires restent dans la fonction publique, à l'instar de l'armée appelée à juste titre "la grande muette". 

Les rapports d'enquête administrative orientés ou tronqués, réalisés en interne, ne servent en réalité qu'à l'administration pour tenter de se dédouaner, en réglant au passage des sommes exorbitantes auprès de prétendus experts objectifs. 

De plus, la loi du silence ou un "effet de meute" est souvent constaté, peu importe que le harcèlement moral provienne d'un supérieur hiérarchique ou de collègues de travail.

L'autre originalité du harcèlement moral des fonctionnaires est que les juges font preuve d'une réticence à sanctionner leurs auteurs et l'administration responsable du harcèlement moral. 

La quatrième originalité tient dans les conséquences pratique de ce type de faute. 

En effet, à la différence du harcèlement moral au travail subi par un salarié dans le secteur privé, le fonctionnaire victime dans la fonction publique sera systématiquement étiquetée comme procédurier, mis au placard et d'une certaine manière sanctionné pour avoir alerté des problèmes et souhaité faire respecter ses droits. 

Enfin, la dernière originalité du harcèlement moral des fonctionnaires et agents publics tient en ce qu'ils bénéficient en principe de la "protection fonctionnelle", alors que cette aide leur est quasi systématiquement refusée. 

La protection fonctionnelle consiste en l'assistance juridique, psychologique et financière des fonctionnaires et des agents victimes de préjudices dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions tels que des faits de violence, harcèlement moral ou sexuel, dénonciation calomnieuse, etc ....

Conscient de l'ensemble de ces difficultés, le législateur a entendu protéger les fonctionnaires et les agents victimes de harcèlement moral au travail en consacrant un régime de protection spéciale.

Ainsi, l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale dispose que :

« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». 

Il résulte de ce texte que le harcèlement moral au travail des agents et fonctionnaires dans la fonction publique suppose la réunion de plusieurs conditions cumulatives.

La première condition posée par le texte de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 est l’existence d’« agissements répétés de harcèlement moral »

A cet égard, il convient de relever l’imprécision du législateur, qui n’indique pas en quoi de tels « agissements » peuvent consister, de sorte qu'il n'existe pas de liste limitative d'actes ou de comportements constitutifs d'harcèlement moral mais au contraire une possibilité quasi infinie d'actes constitutifs de harcèlement moral. 

A titre d'exemple, il est jugé que le harcèlement moral est constitué en cas de :

  • diminution des tâches confiées,
  • privation de tout travail effectif, 
  • changement d’affectation injustifié, 
  • mesures visant à isoler l’agent, 
  • réflexions désobligeantes ou même injures, dénigrement, brimades,
  • pressions psychologiques diverses,
  • etc ...

Ces agissements doivent présenter un caractère répétitif. 

Ainsi, une succession d’agissements qui, envisagés isolément, ne présenterait pas nécessairement un caractère de gravité peut participer d’un processus de déstabilisation constitutif d’un harcèlement.

Par ailleurs, le harcèlement moral peut être vertical ou horizontal en ce que les agissements peuvent être le fait d’un supérieur hiérarchique ou provenir d’un ou plusieurs collègues, voire de personnes extérieures au service telles que des usagers. 

En outre, le harcèlement moral suppose une dégradation des conditions de travail de l’agent ou du fonctionnaire telles que :

  • la dégradation des moyens matériels nécessaires à l’exercice des fonctions,

  • la dégradation des locaux,

  • la diminution voire la privation des tâches confiées,

  • l’altération des relations entre la victime et sa hiérarchie,

Enfin, le harcèlement moral nécessite une atteinte particulière portée à l'agent ou le fonctionnaire victime du harcèlement à savoir : 

  • une atteinte aux droits, 

  • une atteinte à la santé mentale ou physique, 

  • une atteinte à la dignité, 

Par ailleurs, la preuve du harcèlement moral est allégée et facilitée pour le fonctionnaire ou l'agent qui en est victime qu'il doit doit rapportée la preuve non pas de l'existence d'un harcèlement moral mais simplement de l'existence de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement. 

Il appartient en pratique à l'auteur du harcèlement moral de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement. 

Il appartient donc à l'auteur du harcèlement moral de prouver qu'il n'est pas responsable.

Le juge apprécie au cas par cas les éléments de preuve des faits tendant à faire présumer l’existence du harcèlement moral (CE, section, 11 juillet 2011, N°321225).

En défense, l’administration devra présenter « une argumentation de nature à démontrer » que les agissements en cause n'établissent pas un harcèlement moral. 

L'avantage de la plainte pénale en la matière est que le juge pénal dispose d'une enquête réalisée par les enquêteurs de la police ou de la gendarmerie qui lui permettra de se forger sa conviction pour prendre sa décision de condamnation le cas échéant.

Le juge administratif peut aussi ordonner, si besoin, toute mesure d’instruction utile afin de lui permettre de juger. 

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris

01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1428 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par André68
20/02/2019 14:21

Bonjour,
En conflit avec mon Administration ( mairie ) suite à des faits de harcèlement, en arrêt pour accident de service reconnu et en lien direct avec le harcelement, ma collectivité m’a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle. Une procedure pour excès de pouvoir est en cours au TA. Maintenant, ma hiérarchie, mis en cause dans la procédure et dans mon AT, a emis un avis défavorable pour l’attribution de la médaille d’honneur communale Echelon vermeil. Il semblerait que j’en soit privé, alors que je n’ai aucun antécédents disciplinaires.
Puis je relier ce fait dans le cadre de la continuité du harcèlement?
Merci pour votre aide

2 Publié par Lili40
25/02/2019 12:08

Bonjour,
Je suis enseignante et en dépression suite aux agissement répétés d'une collègue depuis 3 ans.
J'ai sollicité la protection protectionnelle , je perçois mon salaire à taux plein car mon arrêt a été reconnu en accident professionnel. J'ai en parallèle porté plainte en gendarmerie. Cette personne est toujours en poste.
Suite à une médiation que j'ai refusée, une enquête administrative a été conduite il y a 3 mois. Je n'ai pas de nouvelles. Quelle sanction peut il en découler? Au minimum, je souhaiterais que cette personne soit déplacée et que je puisse reprendre mon poste actuel. Est-ce possible?
Qu'est ce qu'une plainte avec constitution de partie civile? Aurais-je intérêt à cela?
Merci d'avance pour vos conseils.

3 Publié par megane29
29/04/2019 14:06

Bonjour,

Fonctionnaire territorial, j'ai un handicap reconnu et j'ai souhaité un changement de service pour diverses raisons (mésentente avec mon responsable, soucis de santé et blocage dans ma carrière car j’étais lauréat du concours de technicien principal). J'ai été muté dans un autre service mais toujours dans ma direction, sur un poste avec plus de responsabilités mais comme ma DRH m'a intégré dans un parcours de réorientation je ne pouvais plus prétendre à évoluer professionnellement. Depuis, je n’apparais plus dans les avancements au grade de technicien alors que l'année dernière j'y étais. Je ne dors plus et ma vie de famille ces derniers mois s'est dégradé.

4 Publié par sabsark
12/06/2019 11:53

Bonjour,

Je suis fonctionnaire de police. J'ai déposé plainte contre mon chef de service il y a trois mois car il m'a viré sans motif du service que je dirigeais. Je suis en arrêt maladie depuis. J'ai immédiatement alerté d les supérieurs de mon chef de service. La décision vient de tomber, je réintègre enfin mon poste. Cette décision a été imposée à mon chef de service par son N+2 (car je n'ai commis aucune faute - enquête audit). Or, mon chef de service (le harceleur) m'a fait savoir par le représentant syndical que je ferai l'objet d'une enquête administrative dès mon retour.
Sachant qu'il y a une plainte au pénal en cours pour harcèlement moral, peut-il diligenter une enquête administrative à mon encontre (il n'a rien fait en 4 mois et ne m'a jamais fait part de problèmes avec mon travail)? N'est-ce pas la continuité de l'infraction?
D'avance merci.

5 Publié par fanch-ar-mein
15/06/2019 11:26

Bonjour Maitre ,
Je suis agent territorial , depuis janvier 2006 , 2006-2007 que du bonheur , que je croyais . ensuite arrivent les convocations informelles en mairie à 11 h30 , pour ètre sanctionné abusivement gràce au dénonciations calomnieuses de mon chef d ' atelier , supérieur hiérarchique . J' ai subi un harcèlement moral , privation portable de travail , privation de conduite de tracteur , placardisation , agression physique ,sanctions abusives , blàme , mise à pieds ...... Fin 2014 je refuse de participer à une réunion de travail avec mon agresseur et suis en Congé Maladie Longue Durée non professionnelle depuis bientot 5 ans .
J' ai engagé une procédure disciplinaire , TA de Rennes , CA de Nantes , cassation depuis peu de temps .
Je m ' apprète à déposer une plainte en pénal , en fait j ' ai subi un MOBBING , mais mon Conseil me dit que ce terme n ' est pas défendable , Que me conseillez - vous ?
Cordialement

6 Publié par Amoi71
14/07/2019 01:33

Bonjour Maître,
Je suis agent dans la même collectivité depuis 33 ans, avec d'excellentes relations, tant avec les élus qu'avec les administrés. Après de longues années au grade et au poste d'atsem, j'ai réussi le concours d'animateur cat.B et j'ai été intégrée dans le grade, avec de nouvelles missions. Tout se passait bien jusque là. Le 1er juin dernier, la secrétaire de Mairie a été mise en congé maladie. Pris de court, les élus m'ont demandé de la remplacer. Or cette demande m'a été faite dans le hall de la Mairie alors que j'encadrais un groupe d'élèves (j'ai un agrément de l'inspection académique pour conduire les élèves à la bibliothèque municipale dont je suis responsable). La 1ère adjointe m'a dit (je cite): " je vais m'occuper des enfants à la bibliothèque et toi, tu vas au secrétariat". J'ai refusé en invoquant le fait que j'avais la responsabilité des élèves et que je ne pouvais, en aucun cas, les laisser à quelqu'un d'autre. Le Maire qui était également présent s'est faché et ne me dit plus bonjour depuis. Et dernièrement, un élu est venu me voir pour savoir ce que je faisais...en doutant de mon efficacité. Ces attitudes m'angoissent, je suis en plein stress et je vais au travail "à reculons" alors que j'aime beaucoup ce que je fais. Comment dois-je réagir ? Avec mes remerciements. Cordialement.

7 Publié par LetoTyché
30/08/2019 12:32

Bonjour,

Je suis actuellement dans une collectivité territoriale dans laquelle je travaille sur des politiques de développement social. La direction dans laquelle je travaille est restreinte et la charge et la pression sont telles que mon N+1 a fait un burn out quelques mois après mon arrivée. Nous sommes directement rattachés au DGS qui selon ses mots " n'a pas la fibre sociale " Depuis des années il dénigre tient des propos désobligeants sur les publics en difficultés dont nous avons la charge par exemple " on n'a qu'à fusiller les gens du voyage " " les petits cassos des quartiers prioritaires " et dénigre complètement notre travail devant les autres directions " vous vous n'avez pas de travail ". Le tout soit-disant dans l'humour et de manière répétitive, et bien qu'il sache que cela nous touche. Nous ne sommes pas assez pour réaliser toutes les tâches que nous avons à faire mais il ne voit pas l'intérêt de renforts ou de postes supplémentaires prétextant que nous nous organisons mal et que nous prenons trop de congés. Il a également une attitude différenciée avec les directeurs et fait du favoritisme. Par exemple il vouvoie et sert la main à ma directrice (en place depuis plusieurs années) quand il tutoie et fait la bise à tous les autres (malgré des arrivées récentes). Ma directrice a fait un burn out quelques mois après mon arrivée. Elle a été arrêtée pendant plusieurs mois. Le DGS m'a demandé sur des dossiers que je ne connaissais pas de l'appeler pendant son arrêt, ce que j'ai refusé. Au retour de celle-ci, aucun entretien n'était prévu et c'est moi qui suis allée le voie pour savoir s'il faisait un point avec elle (ce qu'il a alors organisé). Il lui a demandé lors de cet entretien si elle était " prête à changer ". Malgré cet événement, il n'a pas changé d'attitude et l'ensemble de la direction n'en peut plus. D'autant que certains collègues d'autres directions passent du temps à nous "espionner" et à casser du sucre sur notre dos auprès de lui afin de se faire valoir. Je suis à un stade ou je ne supporte plus de travailler dans cette collectivité et je suis désemparée face à ce que subit ma direction et particulièrement ma directrice. Est-ce bien du harcèlement moral et que puis-je faire ?
Merci d'avance.

Cordialement,

8 Publié par Paule972
02/03/2022 23:12

Bonjour,

Je suis fonctionnaire de police nationale et j'exerçais dans un service de nuit pendant plus de 7 ans...
Je suis la plus ancienne dans mon service...après le chef de groupe.. Je précise être d'origine martiniquaise...
Après avoir été en arrêt maladie durant 3 mois pour burn out..anxio dépressive... je suis revenue dans mon service... et après 3 jours, le chef de mon groupe m'a annoncé sans aucun motif que je quittais mon service de nuit pour intégrer un service en journée...juste le temps de ma situation d'interdiction de voie publique...soit 3 mois.... Après 3 mois la hiérarchie a refusé de me réintégrer dans mon service...
Depuis je le subis comme une injustice... alors que je n'ai commis aucune faute et que mes notations restaient correctes.... Pour information, suite multiples convocations programmées par la hiérarchie pour que je passe voir leurs médecins chefs..je doute sérieusement du respect du secret médical...
J'en ai parlé à un représentant syndical qui sait que c'est pas normal mais ne fait rien pour autant..
Le chef de service qui a pris cette décision est connu pour avoir fait du mal dans d'autres services sur le département...
Que me conseillez-vous?
Quel recours j'ai?
Merci,
Cordialement

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1428 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles