Blog de Le Bouard Avocats Versailles

Spécialiste Droit du Travail, Droit des Sociétés, Droit Commercial, Droit Médical

Clause bad leaver : points de vigilance pour le dirigeant-actionnaire

Publié le 23/06/2025 Vu 72 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Arrêt Versailles 10-12-2024 : clause bad leaver activée, faute grave du dirigeant, actions rachetées bas prix. Conseils pour patrons.

Arrêt Versailles 10-12-2024 : clause bad leaver activée, faute grave du dirigeant, actions rachetées bas pr

Clause bad leaver : points de vigilance pour le dirigeant-actionnaire

L’affaire en bref

En décembre 2024, la cour d’appel de Versailles a validé la mise à l’écart d’un directeur général de SAS qui, sans autorisation préalable, s’était octroyé 10 400 € d’indemnité de congés. Résultat : licenciement pour faute grave, révocation instantanée du mandat social, perte d’une indemnité conventionnelle de 100 000 € et application d’une clause bad leaver l’obligeant à céder 5 % du capital au prix historique. L’arrêt illustre la puissance coercitive d’un pacte d’associés bien rédigé – mais aussi les risques pour un dirigeant qui minimise les procédures internes.

Le pacte d’associés : véritable baromètre de confiance

Dans une SAS, l’article L. 227-5 du Code de commerce laisse aux statuts et au pacte la liberté d’organiser la gouvernance. Un pacte peut ainsi :

  • exiger qu’un comité stratégique approuve toute rémunération supplémentaire significative ;

  • priver le dirigeant de son indemnité de mandat en cas de faute grave ;

  • prévoir une clause bad leaver imposant la cession forcée des titres à un prix plancher.

Pour l’investisseur, ces clauses encadrent le risque d’agence ; pour le dirigeant-actionnaire, elles constituent un terrain miné dès qu’il s’écarte de la procédure.

Rémunération, comité stratégique et faute grave

La chambre sociale définit la faute grave comme celle qui rend « impossible le maintien du salarié » ; le pacte commenté transpose mot pour mot ce standard dans la sphère corporate. En versant un avantage de 10 % de sa rémunération fixe sans l’aval requis, le dirigeant a :

  1. violé son obligation contractuelle de loyauté (article 1103 C. civ.) ;

  2. rompu la confiance des associés, critère décisif de la faute grave ;

  3. justifié la mise à pied immédiate et la révocation ad nutum.

L’argument selon lequel l’assemblée générale avait approuvé les comptes n’a pas convaincu : l’approbation des comptes n’efface pas l’inexécution d’un pacte.

Bad leaver : quand la sanction dépasse le licenciement

La clause prévoyait un prix de cession égal à la moyenne des coûts d’acquisition des actions si la faute grave était retenue. Le dirigeant estimait ses titres à 50 € pièce, valorisation issue d’une levée de fonds postérieure ; la cour refuse :

  • le prix contractuel est intangible tant qu’il n’est pas manifestement dérisoire ;

  • à défaut d’avoir sollicité l’expertise contradictoire prévue dans les trente jours, l’associé perd son levier de revalorisation.

Sur un patrimoine latent d’environ 800 000 €, la décote représente près de 600 000 € : la clause bad leaver peut donc supprimer l’essentiel de la plus-value.

Bonnes pratiques pour protéger votre position

Dirigeants : avant de signer ou de lever un tour, consacrez du temps à ces points :

  • Définir la faute grave : listez les comportements visés (primes non validées, concurrence, divulgation d’informations).

  • Encadrer l’option d’achat : imposez une expertise automatique si le prix s’écarte de plus de x % de la dernière valorisation.

  • Fixer un prix plancher indexé : par exemple 70 % de la dernière valeur de transaction ou de l’EBITDA multiplié par un coefficient secteur.

  • Soigner la forme : toute décision impactant votre sort doit être actée par un PV détaillé ; conservez emails et convocations.

  • Prévoir un protocole de sortie : calendrier de remise du matériel, clauses de communication interne, lettre de recommandation éventuelle.

Trois questions à se poser avant de parapher un pacte

  1. Puis-je activer une expertise indépendante en cas de litige sur le prix ?

  2. La qualification de « faute grave » est-elle objective ou laissée à l’appréciation unilatérale des majoritaires ?

  3. Le cumul contrat de travail / mandat social est-il articulé ? Une sanction unique ou un double effet (licenciement + révocation) ?

Un « oui » clair à ces trois questions réduit considérablement l’aléa.

La discipline contractuelle avant tout

L’arrêt Versailles rappelle qu’un écart de gouvernance, même anodin en apparence, peut pulvériser la valeur patrimoniale d’un dirigeant-associé. La clause bad leaver n’est pas une coquille théorique : appliquée à la lettre, elle se montre redoutablement efficace.

 

Investisseurs : sécurisez la rédaction, documentez chaque manquement et conservez la preuve du contradictoire.


Chefs d’entreprise : anticipez les conséquences d’un simple bonus non validé ; votre capital en dépend. Un pacte bien négocié et régulièrement respecté demeure le meilleur rempart contre une perte sèche de valorisation.

Retrouvez l'article complet ici.

 LE BOUARD AVOCATS
4 place Hoche,
78000, Versailles
 

https://www.avocats-lebouard.fr/

 

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.