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Combien de fois un employeur peut‑il refuser une rupture conventionnelle ? Le mode d’emploi côté salarié

Publié le 21/07/2025 Vu 93 fois 0
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Rupture conventionnelle : l’employeur peut refuser plusieurs fois, mais devoir de bonne foi et recours salarié encadrent ce droit.

Rupture conventionnelle : l’employeur peut refuser plusieurs fois, mais devoir de bonne foi et recours sal

Combien de fois un employeur peut‑il refuser une rupture conventionnelle ? Le mode d’emploi côté salarié

Depuis la loi du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle a séduit près de cinq millions de salariés. Pour autant, beaucoup découvrent qu’elle demeure un acte volontaire des deux parties ; rien n’oblige l’employeur à signer. Lorsque celui‑ci oppose un, deux, puis trois refus, la question surgit : existe‑t‑il un plafond légal ? À défaut, quels leviers demeurent à la main du salarié ? Ce guide, rédigé dans une perspective résolument protectrice du salarié, détaille les sources – Code du travail et jurisprudence – et livre une stratégie pas à pas, depuis le premier « non » jusqu’aux recours judiciaires.

Comprendre le cadre juridique

Le libre consentement, socle de la convention

Les articles L 1237‑11 à L 1237‑16 rappellent qu’une rupture conventionnelle repose sur un « accord commun ». Toute contrainte ou manœuvre dolosive vicie la convention ; inversement, l’absence de signature maintient le contrat. Par conséquent, aucune règle n’interdit les refus répétés d'une rupture conventionnelle. La Cour de cassation l’a confirmé le 23 mai 2013 (n° 12‑13.865).

L’obligation de bonne foi borne la liberté

L’article L 1222‑1 impose à chaque partie d’exécuter le contrat de bonne foi. La chambre sociale, dans un arrêt du 19 mai 2021 (n° 19‑20.526), souligne que le refus devient fautif lorsqu’il répond à un motif illicite : discrimination, représailles syndicales ou volonté de nuire. Ainsi, le salarié ne pourra pas forcer la signature, mais il peut vérifier si les refus sont loyaux.

Cartographier ses options après un premier refus

Viser l’information complète

Un refus oral, non motivé, ne clôt pas la discussion. Le salarié peut :

  • Demander un écrit précisant les raisons économiques ou organisationnelles.

  • Faire appuyer sa demande par le CSE ou un délégué syndical ; la présence d’un tiers instaure un devoir d’explication.

  • Proposer une nouvelle indemnité ou un calendrier de passation plus long, chiffres à l’appui (coût d’un remplacement, économies de licenciement).

Préparer un dossier technique

Constituer dès ce stade un dossier chronologique :

Pièce Intérêt
Courriels de demande et de refus Prouvent la multiplicité des démarches
Simulations d’indemnité Objectivent la proposition
Bilan de compétences, devis de formation CPF Attestent d’un projet sérieux
PV d’entretien, fiche CSE Matérialisent la recherche de solution
 

Ce dossier deviendra décisif si la procédure se judiciarise.

Explorer les voies amiables

La médiation : espace de négociation sous contrôle

Inspirée de l’article L2231‑1, la médiation interne ou confiée à un médiateur agréé offre un cadre structuré : échanges confidentiels, suspension des délais, tiers neutre. Elle évite l’escalade et préserve l’image de l’entreprise.

Mobiliser les représentants du personnel

Le CSE, en vertu de l’article L2312‑59, est fondé à accompagner toute demande visant les conditions de rupture. Un entretien tripartite permet souvent de rouvrir la discussion et de clarifier les malentendus sur la charge de travail ou la clause de non‑concurrence.

Actionner les leviers administratifs et judiciaires

Saisir l’inspection du travail

Dès qu’un critère prohibé transparaît (grossesse, état de santé, activité syndicale), le salarié peut alerter l’agent de contrôle (art. L8112‑1). L’inspecteur, tenu au secret professionnel, interrogera l’employeur et consignera ses observations ; un procès‑verbal pénal reste rare mais dissuasif.

Prise d’acte ou résiliation judiciaire : deux voies, deux temporalités

Voie Effet Risque
Prise d’acte Rupture immédiate, effets d’un licenciement sans cause si le juge valide Suspension des revenus jusqu’au jugement
Résiliation judiciaire Salarié reste en poste, indemnités si prononcé Procédure longue ; risque de climat délétère
 

Dans l’un et l’autre cas, la charge de la preuve incombe au salarié : il doit établir que les refus répétés constituent un manquement grave de l’employeur (harcèlement, discrimination, loyauté bafouée).

Cartographie des alternatives pragmatiques

Démission sécurisée

Depuis 2019, le salarié démissionnaire peut ouvrir ses droits aux ARE s’il porte un projet de reconversion validé par Transitions Pro (art. L5422‑1). Le dispositif exige : un dossier complet, l’accord de la commission et un délai de carence. À privilégier pour un changement radical de carrière.

Licenciement négocié

Provoquer un licenciement disciplinaire est périlleux ; mieux vaut explorer le licenciement pour motif économique si un service ferme ou si le poste disparaît. Le salarié reçoit alors l’indemnité légale ou conventionnelle plus le CSP. L’initiative appartient toutefois à l’employeur.

Mobilité volontaire sécurisée et RCC

  • Mobilité volontaire sécurisée (art. L1222‑12) : suspension du contrat, test d’un nouveau poste, possibilité de retour.

  • Rupture conventionnelle collective (art. L1237‑19) : accord majoritaire, volontariat, indemnité au moins égale au licenciement. Outil efficace en entreprises de taille intermédiaire.

Questions fréquentes (FAQ)

L’employeur doit‑il motiver son refus ?
La loi ne l’oblige pas, mais la bonne foi impose un motif cohérent. Un refus muet, répété, peut être requalifié en abus.

Peut‑on redemander une rupture conventionnelle après un refus ?
Oui. Le salarié peut reformuler sa demande autant de fois qu’il le souhaite, en adaptant ses arguments.

Refus multiple : à partir de quand parler d’abus ?
Trois refus sans justification objective, dans un contexte de pression ou de discrimination avérée, ouvrent la voie à la qualification d’abus.

Le salarié peut‑il provoquer un licenciement à la place ?
Provoquer une faute grave expose à la privation d’indemnités. Mieux vaut un dialogue formalisé ou, à défaut, la résiliation judiciaire.

Combien de demandes successives sont raisonnables ?
En pratique, deux demandes espacées de quelques mois suffisent à démontrer la bonne foi. Au‑delà, il convient d’envisager la médiation ou la voie prud’homale.

Le refus prive‑t‑il du droit au chômage ?
Non. Le contrat subsiste ; les droits ARE ne naîtront qu’en cas de licenciement non fautif, de démission sécurisée ou de signature d’une rupture conventionnelle ultérieure.

Conclusion : bâtir une stratégie documentée et sereine

 

Le salarié qui se heurte à un refus de rupture conventionnelle doit conjuguer méthode et persévérance : exiger un motif, chiffrer sa proposition, consigner chaque échange. À défaut d’accord, les voies amiables puis judiciaires s’offrent à lui, sous la garantie d’un encadrement juridique clair. Dans cet exercice, l’accompagnement d’un conseil spécialisé s’avère souvent déterminant ; il sécurise la procédure et, surtout, restaure l’équilibre des forces de la négociation.

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