Vous êtes salarié, régulièrement envoyé en mission loin de votre domicile ? Vous devez dormir à l’hôtel ou louer un logement temporaire ? Il est alors normal que votre entreprise vous indemnise. Mais attention : toutes les entreprises n’appliquent pas correctement les règles. En 2025, la Cour de cassation est venue rappeler un principe essentiel : c’est le salarié qui doit être protégé, même si l’employeur avance les frais. Explications.
Êtes-vous réellement en « grand déplacement » ?
Ce que dit la loi
La notion de « grand déplacement » n’est pas une simple appréciation personnelle : elle est encadrée par des textes précis. Pour bénéficier d’indemnités spécifiques, deux conditions doivent être remplies :
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Vous ne pouvez pas rentrer chez vous chaque jour, en raison de la distance ou du temps de trajet (en général plus de 50 km ou plus de 90 minutes),
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Vous engagez des frais supplémentaires (logement, repas, transports…).
Ces situations doivent être temporaires, dans le cadre d’une mission ou d’un chantier, et ne pas relever d’une mobilité définitive (mutation, transfert, etc.).
Ce à quoi vous avez droit
Si ces conditions sont remplies, vous pouvez bénéficier :
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D’une indemnité de repas (environ 20 € par jour selon les barèmes),
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D’une indemnité de logement, pouvant aller jusqu’à 48 € par nuit en 2025 pour un déplacement en métropole.
Ces montants peuvent être versés au réel (sur présentation de justificatifs) ou au forfait, sans justificatif, mais dans la limite des plafonds définis par l'arrêté du 20 décembre 2002.
Quand l’employeur avance les frais… mais vous les payez quand même
L’affaire qui a changé les choses
En avril 2025, la Cour de cassation a rendu une décision très importante (Cass. 2e civ., 10 avr. 2025, n° 23-10.593). Dans cette affaire, des salariés en mission étaient logés dans des appartements loués directement par leur entreprise. Sur leur fiche de paie, une retenue était opérée pour rembourser le coût du logement. En parallèle, l’entreprise leur versait une indemnité de grand déplacement.
L’URSSAF a considéré que ces salariés ne supportaient aucun frais, puisque l’employeur réglait tout. Résultat : elle a redressé l’entreprise.
Mais la Cour de cassation a donné tort à l’URSSAF.
Ce qu’il faut retenir
La Cour a affirmé clairement :
« Il importe peu que la dépense ait été avancée par l’employeur, dès lors qu’elle est effectivement supportée par le salarié. »
Autrement dit : même si votre employeur paie l’hôtel ou l’appartement, si ce montant est ensuite retenu sur votre salaire, c’est bien vous qui en supportez le coût.
Et cela ouvre droit à exonération pour l’employeur, mais surtout, à indemnisation complète pour vous.
Vos frais ne se limitent pas au loyer
Le juge rappelle également un point essentiel : les frais ne se limitent pas au prix de la nuitée.
Lorsque vous êtes loin de chez vous, vous devez aussi :
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acheter des produits d’entretien ou du petit équipement,
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payer des frais de téléphonie ou d’internet supplémentaires,
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parfois conserver un logement principal (double loyer),
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faire face à des frais de garde, de transport ou de stationnement…
Toutes ces dépenses sont spécifiques à votre situation professionnelle et doivent être prises en compte dans votre indemnisation.
Que faire si votre employeur ne vous indemnise pas correctement ?
Vérifiez les éléments suivants
Voici une liste de points à contrôler :
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Avez-vous un ordre de mission ou une preuve du déplacement ?
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Votre lieu de mission est-il à plus de 50 km ou plus de 90 minutes de votre domicile ?
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Recevez-vous une indemnité logement et repas ?
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Votre employeur retient-il une somme sur votre salaire pour un hébergement qu’il a lui-même organisé ?
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Cette retenue est-elle supérieure au plafond de 48 € / nuit (ou autre barème applicable) ?
Si vous répondez oui à ces questions, vous êtes concerné par le régime du grand déplacement.
Ce que vous pouvez réclamer
Si votre employeur ne vous verse pas l’indemnité complète, ou compense une avance de frais sans respecter les plafonds, vous pouvez exiger :
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Le paiement rétroactif des indemnités dues,
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Le remboursement des sommes trop retenues,
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La régularisation de votre fiche de paie.
Vous pouvez le faire à l’amiable, ou saisir le conseil de prud’hommes si nécessaire.
Quelques conseils pratiques pour vous protéger
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Gardez une trace écrite de chaque déplacement (ordre de mission, email, attestation, tickets…).
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Demandez un justificatif des retenues sur salaire liées à un hébergement.
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Comparez les montants versés avec les barèmes en vigueur (consultables sur le site de l’URSSAF ou auprès d’un avocat).
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Ne signez jamais une renonciation à ces indemnités sans avoir pris conseil.
En cas de litige, faites-vous accompagner
Un différend sur les indemnités de grand déplacement peut avoir des conséquences importantes : perte de salaire, baisse de revenu net, impact sur vos droits sociaux. Il est donc essentiel de vous faire accompagner si votre employeur refuse d’appliquer les règles.
Vous pouvez :
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Vous adresser à l’inspection du travail,
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Mobiliser les représentants du personnel (CSE),
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Ou entamer une procédure prud’homale.
En résumé : vos droits en mission
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L’indemnité de grand déplacement vous est due si vous travaillez loin de votre domicile sans pouvoir rentrer chaque jour.
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Même si l’entreprise paie le logement, elle ne peut pas vous en refacturer une partie sans compenser par une indemnité équivalente.
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Vous devez être pleinement remboursé de tous les frais engagés (directs ou indirects).
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En cas de doute, vous pouvez contester les retenues ou l’absence d’indemnité.