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Plus-values pro : les recettes exceptionnelles sont-elles exclues ?

Publié le 10/06/2025 Vu 122 fois 0
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La CAA de Paris requalifie certaines ventes d'actifs comme recettes ordinaires : un tournant pour l'exonération des plus-values professionnelles.

La CAA de Paris requalifie certaines ventes d'actifs comme recettes ordinaires : un tournant pour l'exonérati

Plus-values pro : les recettes exceptionnelles sont-elles exclues ?

Recettes exceptionnelles et exonération des plus-values professionnelles : une frontière plus floue qu’il n’y paraît

Une problématique aux conséquences fiscales significatives

L’exonération des plus-values professionnelles prévue à l’article 151 septies du Code général des impôts est un dispositif précieux pour les entreprises individuelles et sociétés de personnes. Mais son champ d’application dépend du montant des recettes annuelles de l’entreprise — un seuil qui fait l’objet d’interprétations divergentes, notamment concernant les recettes dites « exceptionnelles ».

Un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris, rendu le 28 mars 2025 (n° 23PA05320), rebat les cartes en s’écartant de la doctrine administrative traditionnelle pour adopter une lecture fondée sur la réalité économique de l’entreprise. Décryptage.

Les conditions de l’exonération des plus-values professionnelles

L’article 151 septies du CGI conditionne l’exonération des plus-values à deux critères cumulatifs :

  • L’exercice d’une activité professionnelle depuis au moins cinq ans ;

  • Le respect d’un plafond de recettes annuelles : 250 000 euros pour une exonération totale, 350 000 euros pour une exonération partielle.

Ce plafond s’apprécie sur la base du chiffre d’affaires global. Mais le texte ne précise pas si les recettes exceptionnelles — par exemple les ventes d’immobilisations — doivent y être incluses.

Doctrine administrative : exclusion des recettes non récurrentes

La doctrine fiscale, au BOFiP (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-20, §390), pose que certaines recettes, notamment issues de la cession d’éléments d’actif, doivent être exclues du calcul du seuil. Cette position, cohérente avec une approche strictement comptable, permettait aux contribuables d’écarter du total les produits « hors exploitation ».

En pratique, cette doctrine a servi de fondement à de nombreuses demandes d’exonération. Toutefois, elle n’a pas force de loi. La jurisprudence récente est venue en démontrer les limites.

L’arrêt du 28 mars 2025 : la fin d’un dogme ?

Dans l’affaire jugée par la CAA de Paris, une société de travaux agricoles avait réalisé, de manière régulière, des ventes de matériel agricole. Ces ventes, comptabilisées en produits exceptionnels, avaient été incluses par l’administration dans le calcul des recettes annuelles, portant le total au-delà du seuil d’exonération.

Les contribuables contestaient cette inclusion, arguant du caractère exceptionnel de ces produits, conformément à la doctrine administrative. Mais la cour n’a pas suivi cette argumentation.

Une requalification fondée sur la nature économique

La cour a constaté que les ventes de matériel constituaient une pratique habituelle et structurante pour l’entreprise. Elles répondaient à un besoin constant de renouvellement de l’équipement, afin de garantir la qualité des prestations agricoles. Ces cessions faisaient donc partie intégrante du cycle d’exploitation.

Dès lors, elles devaient être regardées non comme des produits exceptionnels, mais comme des recettes tirées de l’activité normale et courante de l’entreprise — au sens de l’article 512-2 du plan comptable général.

Vers une nouvelle définition des recettes « professionnelles » ?

Cette décision consacre une approche fondée non sur la qualification comptable, mais sur le contenu économique des opérations. Elle marque une rupture importante dans la lecture de l’article 151 septies, en rendant inopérante la distinction classique entre produits d’exploitation et produits exceptionnels, dès lors que ces derniers participent à la logique économique du modèle de l’entreprise.

Cela signifie que toute recette, même ponctuelle, peut être intégrée au seuil si elle est jugée récurrente ou stratégique pour l’équilibre de l’activité.

Quelle place pour la doctrine fiscale aujourd’hui ?

Malgré cette relecture, les contribuables conservent un droit à l’application de la doctrine administrative, en vertu de l’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales. La cour l’a d’ailleurs expressément reconnu dans sa décision : tant que la doctrine reste publiée et non rapportée, elle demeure opposable à l’administration.

Dans cette affaire, c’est sur ce fondement que les requérants ont finalement obtenu gain de cause, et non sur une interprétation stricte de la loi fiscale.

Recommandations pour les entreprises et professionnels du chiffre

La question de l’inclusion des recettes exceptionnelles doit désormais être appréhendée sous un double prisme — légal et stratégique.

Voici quelques bonnes pratiques à adopter :

  • Identifier les recettes récurrentes : Même si elles sont comptablement exceptionnelles, elles peuvent relever d’une activité ordinaire.

  • Documenter le cycle d’exploitation : Justifier la récurrence ou la nécessité économique des opérations de cession.

  • Choisir la stratégie déclarative : Se référer à la doctrine si elle est plus favorable, ou anticiper une analyse économique en cas de contrôle.

  • Envisager un rescrit fiscal : Pour sécuriser la qualification d’une opération délicate avant toute déclaration.

Une jurisprudence à fort impact pratique

L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris ouvre une nouvelle ère d’interprétation de l’article 151 septies du CGI. Il impose de considérer les recettes sous l’angle de la réalité économique, bien au-delà des classifications comptables. Une évolution à suivre de près, tant pour les contribuables que pour leurs conseils, dans un contexte où chaque euro de recettes peut faire basculer le droit à l’exonération.

 

 

 
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