La protection du consommateur souscripteur d’un crédit affecté au contrat principal

Publié le 21/10/2011 Vu 8 159 fois 1
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Par Julien Truc-Hermel. Le législateur a entendu protéger juridiquement le consommateur, en mettant en place un régime d’interdépendance entre le contrat principal et le contrat de crédit qu'il conclut. C’est ce régime spécifique qu’il convient d’étudier dans le cadre des développements à venir, suivant deux axes principaux. Il sera d’abord envisagé le cas où le sort du contrat principal dépend de celui du contrat de crédit (I), puis le cas dans lequel le sort du contrat de crédit dépend à cette fois-ci de celui du contrat principal (II).

Par Julien Truc-Hermel. Le législateur a entendu protéger juridiquement le consommateur, en mettant en place

La protection du consommateur souscripteur d’un crédit affecté au contrat principal

Par Julien Truc-Hermel, web-consultant en droit des particuliers pour Jurispilote. Retrouvez cet article et toutes nos publications sur le site www.jurispilote.fr

Bien des situations de la vie quotidienne conduisent un consommateur à acquérir un bien meuble ou immeuble dont le financement sera assuré par un emprunt bancaire. Ainsi, la signature d’une vente immobilière devant le notaire sera en général retardée jusqu’à l’obtention par l’acquéreur, du prêt destiné à financer l’opération. De même, il n’est pas rare qu’un particulier décidé à faire l’acquisition d’un véhicule s’assure préalablement de l’obtention d’un prêt bancaire afin de pouvoir mobiliser les sommes prêtées lors de la vente.

Cette corrélation qui existe entre d’une part, le contrat principal liant le consommateur au vendeur ou au prestataire de service, et d’autre part le contrat de crédit liant ce même consommateur à l’établissement de crédit ; naît de la finalité commune à ces deux contrats : acquérir un bien et se donner en même temps les moyens de financer l’achat. Or, cette situation peut s’avérer risquée pour le consommateur, soit parce qu’il s’est déjà engagé envers le vendeur à payer le prix avant d’apprendre que son prêt ne lui sera pas accordé, soit parce qu’il a préventivement souscrit un prêt alors que le contrat principal ne sera finalement pas conclu.

Dans les deux cas, il risque de rester engagé envers un créancier – le vendeur ou la banque - alors que l’opération économique n’a plus aucun intérêt pour lui. Conscient de cette réalité économique, le législateur a entendu protéger juridiquement le consommateur, en mettant en place un régime d’interdépendance entre le contrat principal et le contrat de crédit. C’est ce régime spécifique qu’il convient d’étudier dans le cadre des développements à venir, suivant deux axes principaux. Il sera d’abord envisagé le cas où le sort du contrat principal dépend de celui du contrat de crédit (I), puis le cas dans lequel le sort du contrat de crédit dépend à cette fois-ci de celui du contrat principal (II).

I) Le contrat principal sous la dépendance du contrat de crédit

Il s’agit ici de voir dans quelle mesure la disparition du contrat de crédit peut entraîner celle du contrat principal. Il convient pour cela d’opérer une distinction de régime, suivant que l’on est en présence d’un crédit à la consommation (A) ou d’un crédit immobilier (B).

A)   Les effets de la disparition du crédit à la consommation sur le contrat principal

Lorsqu’un contrat principal portant sur un bien meuble mentionne que le prix sera payé au moyen d’un prêt à la consommation, l’article L. 311-36 al. 1er du Code de la consommation dispose :

« Le contrat de vente ou de prestation de services est résolu de plein droit, sans indemnité :

1° Si le prêteur n'a pas, dans un délai de sept jours à compter de l'acceptation du contrat de crédit par l'emprunteur, informé le vendeur de l'attribution du crédit ;

2° Ou si l'emprunteur a, dans ce même délai de sept jours, exercé son droit de rétractation. »

Dès lors, deux circonstances permettent au consommateur de se libérer du contrat principal.

Soit le vendeur n’a pas reçu sous sept jours l’information de la banque lui confirmant l’attribution du crédit au consommateur.

Soit le consommateur a exercé envers la banque sons droit de rétractation, faisant ainsi disparaitre le contrat de crédit.

Dans ces deux cas, la loi prévoit que le contrat principal est résolu de plein droit, c’est-à-dire qu’il est anéanti rétroactivement sans qu’il soit besoin de faire constater cet anéantissement en justice. Le vendeur devra alors restituer au consommateur le prix de vente, et le consommateur devra pour sa part restituer le bien.

Le texte édicte néanmoins deux tempéraments :

« Toutefois, lorsque l'emprunteur, par une demande expresse, sollicite la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services, l'exercice du droit de rétractation du contrat de crédit n'emporte résolution de plein droit du contrat de vente ou de prestation de services que s'il intervient dans un délai de trois jours à compter de l'acceptation du contrat de crédit par l'emprunteur.

Le contrat n'est pas résolu si, avant l'expiration des délais mentionnés au présent article, l'acquéreur paie comptant. »

Cette subordination du contrat principal au prêt qui lui affecté se vérifie également en matière de crédit immobilier, bien que le régime de ce prêt diffère quelque peu.

B)    Les effets de la disparition du crédit immobilier sur le contrat principal

L’article L. 312-16 du Code de la consommation dispose en son premier alinéa :

« Lorsque l'acte mentionné à l'article L. 312-15 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les sections 1 à 3 et la section 5 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne pourra être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement. »

Il ressort de cet article que le contrat de vente immobilière doit mentionner si le bien est financé par un prêt immobilier. Lorsque c’est le cas, ce contrat principal est conclu sous la condition suspensive de l’obtention du prêt stipulé. Cela signifie que l’existence du contrat principal dépend de l’obtention du prêt.

L’alinéa 2 du texte précise ainsi que :

« Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa du présent article n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. A compter du quinzième jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié. »

Il faut donc envisager deux hypothèses :

Soit le prêt est accordé au consommateur/ acquéreur dans le délai prévu au contrat principal – sous réserve de la conformité à l’article susvisé de la durée de validité de la condition suspensive - et dans ce cas le contrat de vente déjà conclu est rétroactivement consolidé. Il est réputé existé et valable depuis sa signature. On dit que la condition se réalise.

Soit la condition défaille, c'est-à-dire que le prêt n’est pas accordé ou en tout cas pas dans le délai, et le contrat de vente se trouve alors résolu, donc rétroactivement anéanti. Il est réputé ne jamais avoir existé.

Le consommateur qui se trouve dépourvu de moyen de financement peut ainsi se dégager du contrat principal qu’il n’est pas en mesure d’honorer.

Ainsi, lorsque l’existence du contrat principal est subordonnée à l’obtention d’un prêt, certains évènements affectant le crédit se répercutent sur le contrat principal. La réciproque se vérifie lorsque le prêt est subordonné à la conclusion du contrat auquel il est affecté.

II) Le contrat de crédit sous la dépendance du contrat principal

C’est ici le contrat principal de vente qui va disparaître. Il faut alors envisager dans quelle mesure cet évènement va impacter le contrat de crédit. A nouveau, la distinction opérée entre crédit à la consommation (A) et crédit immobilier (B), structurera les développements.

A)   Les effets de la disparition du contrat principal sur le crédit à la consommation

Lorsqu’un crédit à la consommation est conclu préalablement au contrat principal auquel il est affecté, l’article L. 311-32 al. 1 du Code de la consommation prévoit le régime suivant :

« En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. »

Ce texte nous livre deux enseignements.

D’abord, lorsque le contrat principal fait l’objet d’un contentieux devant les tribunaux, le contrat de crédit servant à le financer pourra être suspendu jusqu’au terme de l’instance, alors même qu’il a été conclu avant le contrat principal. Il s’agit là d’une illustration éloquente de l’interdépendance des deux contrats, car l’établissement de crédit ne pourra faire valoir le caractère antérieur et autonome du contrat de prêt.

Ce lien d’affectation du prêt au contrat principal emporte ensuite résolution ou annulation pure et simple du prêt lorsque le contrat principal en vue duquel ce prêt a été conclu se trouve finalement résolu ou annulé par le juge.

Encore faut-il avoir averti le prêteur du litige portant sur le contrat principal, afin de pouvoir lui opposer l’interdépendance des deux contrats. C’est pourquoi l’alinéa 2 du texte précise :

« Les dispositions de l'alinéa précédent ne seront applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur. »

L’opposabilité à la banque de l’annulation du contrat principal ne sera donc possible que si le consommateur prend le soin de formuler une demande d’intervention forcée de l’établissement de crédit devant le juge saisi du litige relatif au contrat principal. Il s’agit d’une demande incidente régie par le Code de Procédure Civile et formulée en pratique par l’avocat du consommateur, qui n’appelle pas davantage de précisions dans le cadre de cette étude.

Il reste désormais à éclaircir le régime applicable en cas de crédit immobilier.

B)    Les effets de la disparition du contrat principal sur le crédit immobilier

L’article L. 312-12 du Code de la consommation régit cette hypothèse juridique :

« L'offre [de crédit] est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé.

Les parties peuvent convenir d'un délai plus long que celui défini à l'alinéa précédent. »

Aux termes de cette disposition, on comprend que le prêt immobilier consenti par la banque au consommateur pour financer l’acquisition de son bien est affecté d’une condition résolutoire.

L’évènement est la non conclusion de la vente dans le délai stipulé au contrat. Le texte précise ici que le délai légal de 4 mois est supplétif de volonté, les parties peuvent donc prévoir un délai plus long au contrat de crédit.

Dès lors, deux hypothèses sont à nouveau envisageables.

Soit la condition défaille, c'est-à-dire que la non conclusion du contrat de vente n’intervient pas : en clair, la vente est signée conformément aux prévisions du consommateur et de la banque. En telle hypothèse, le prêt conclu et valable dès l’origine se trouve rétroactivement consolidé : il a force obligatoire dès sa conclusion.

Soit la condition se réalise, c'est-à-dire que la non conclusion du contrat de vente survient : en clair, la vente n’est pas conclue et le prêt a été obtenu par le consommateur pour rien. Dans ce cas, la non conclusion de la vente emporte résolution du contrat de crédit. Le banquier restitue au consommateur le remboursement de l’emprunt et des intérêts et le consommateur restitue les fonds prêtés par la banque.

Ici encore, le consommateur pourra se délier d’un contrat de crédit qui s’avère sans objet pour lui.

Il faut noter que la jurisprudence ne limite plus cette protection du consommateur au seul cas de la non conclusion de la vente. La Cour de cassation a en effet entendu élargir la résolution du prêt aux cas où le contrat de vente serait bel et bien conclu mais résolu ou annulé judiciairement après sa conclusion.

Pour conclure, il convient de souligner à nouveau le caractère pragmatique de ces mesures de protection, qui mettent le droit en adéquation avec la réalité économique des besoins du consommateur.

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1 Publié par Visiteur
29/07/2013 14:19

Tient, je pensais que ça dépendait des pays et que la machine n'allait pas dans les deux sens. Pour avoir parler avoir un courtier en crédit hypothécaire http://www.le-credit-hypothecaire.fr/ je sais qu'en France la voie "classique" c'est de trouver le vendeur puis les financements, aux Etats-Unis c'est l'inverse. C'est d'ailleurs ennuyeux dans la mesure où tous veulent les formulaires les plus précis.

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