Cryptomonnaies : une menace pour les institutions financières ?

Publié le 23/03/2021 Vu 3 351 fois 0
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Les institutions financières du monde s’inquiètent du succès croissant des cryptomonnaies. Ces institutions financières tentent de les réguler ou de créer leurs propres cryptomonnaies numériques nationales.

Les institutions financières du monde s’inquiètent du succès croissant des cryptomonnaies. Ces institut

Cryptomonnaies : une menace pour les institutions financières ?

 

Les institutions financières du monde s’inquiètent du succès croissant des cryptomonnaies.

Ces institutions financières tentent de les réguler ou de créer leurs propres cryptomonnaies numériques nationales.

Pour la première fois depuis sa création en 2008, le Bitcoin a franchi la barre des 60 000 dollars, le 13 Mars 2021. Le plan de relance américain de 1 900 milliards de dollars adopté par l’administration Biden serait à l’origine de cette nouvelle hausse comme le révèle l’AFP. [1]

Il existe des centaines de monnaies numériques (Ether, Ripple, LiteCoin, etc.). La plus célèbre d'entre elles, le Bitcoin, est devenue la principale cryptomonnaie en plein essor tant auprès des particuliers que des grands investisseurs privés. A titre d’illustration, le fondateur du réseau social Twitter Jack DORSEY et l’icône du Rap américain et milliardaire Jay Z ont décidé de s’associer afin de créer une fondation qui aura pour but de faire du Bitcoin la devise d’internet. 

La Blockchain est à l’origine de la création de ces actifs numériques consacrés par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, dont le régime est précisé aujourd’hui dans le Code des marchés financiers.

Il existe deux catégories de monnaies numériques.

La première est constituée par les monnaies du type Bitcoin qui peuvent être privées voir publiques si elles émanent de banques centrales.

L’article L. 54-10-1 du CMF en donne la définition suivante : « c’est toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».

La seconde catégorie est constituée de jetons qui s’apparentent à des instruments financiers et qui peuvent parfois recevoir cette qualification.

L’article L. 552-2 du CMF en donne la définition suivante : « Constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ».

La crise de confiance actuelle touche en particulier le secteur bancaire et il n’est guère étonnant que le Bitcoin et l’ether, qui sont des cryptomonnaies reposant sur la technologie Blockchain, donnent lieu à de véritables systèmes monétaires indépendants et parallèles par rapport aux systèmes monétaires étatiques et bancaires.

En outre, les cryptomonnaies ne sont plus des objets de simple spéculation mais deviennent de plus en plus de véritables monnaies et de placement de long terme.

Cette situation semble inquiéter les hautes sphères financières telles que les banques centrales et les multinationales.

L’ancienne Présidente de la Banque Centrale Américaine (FED) Janet YELLEN a déclaré dans une interview publiée par le New York Time le 23 Février que la cryptomonnaie Bitcoin était « un actif hautement spéculatif » et qu’elle s’inquiétait « des pertes potentielles que les investisseurs pourraient subir ». [2]

Elle poursuit dans le Business Insider en disant « qu’elle ne pensait pas que le Bitcoin soit largement utilisé comme mécanisme de transaction dans la mesure où il est souvent utilisé pour le financement illicite. C’est une façon extrêmement inefficace de mener des transactions et la quantité d’énergie consommée pour traiter ces transactions est stupéfiante ».

Alors que les cryptomonnaies sont en plein essor et que même leurs détracteurs reconnaissent de nombreux avantages, le débat porte sur la régulation de ces monnaies virtuelles qui ont un défaut de structures organisatrices.

 

I)                  La régulation des cryptomonnaies : une menace sur la liberté et l’indépendance des cryptomonnaies ?

Dans le quotidien Suisse Le Temps, l’économiste Français Benoît COEURE expliquait qu’il « ne fallait pas brider l’innovation et qu’il n’était donc pas question d’interdire ces initiatives, mais il faudrait les réguler pour qu’elles soient robustes en cas de crise financière, qu’elles protègent les données personnelles et qu’elles ne permettent pas le blanchiment ». [3] 

Comme d’autres banquiers centraux ces derniers temps, la Présidente de la Banque Centrale Européenne, Christine LAGARDE, appelle à un encadrement du Bitcoin. La cryptomonnaie est un « actif spéculatif, qui a servi à des affaires bizarres et certaines activités de blanchiment d’argent totalement répréhensibles », a-t-elle déclaré lors d’une conférence organisée par l’agence Reuters. « Il doit y avoir une réglementation. Il faut l’appliquer et s’accorder sur ce point au niveau mondial car, s’il y a une échappatoire, celle-ci sera utilisée », a poursuivi la gardienne de l’euro. [4]

Comme le relève le Président de l’ARCEP, « dans un marché en transition et à forte innovation comme l’est l’économie numérique, une régulation mal conçue risque de brider l’innovation et, in fine, d’avantager les acteurs en place, au lieu de les contrôler »

Le Code monétaire et financier indique que la seule monnaie ayant cours légal en France est l’Euro (C. mon. fin., art. L.111-1). En conséquence, les crypto-monnaies ne sauraient être imposées en paiement et il est possible de les refuser sans violer l’article R.162-2 du Code monétaire et financier.

Le Bitcoin est utilisé pour acheter des biens et des services auprès des professionnels qui l’acceptent.

L’une des caractéristiques marquantes du Bitcoin est qu’il permet de réaliser des transactions de manière anonyme. Avec une monnaie classique, les transactions doivent passer par une banque qui connaît le nom et les coordonnées de ses clients ainsi que des personnes et organismes avec lesquels ils réalisent des transactions. Le Bitcoin fonctionne au contraire selon un système décentralisé et grâce à des clefs de chiffrage (principe de la blockchain) qui ne nécessitent aucune identification.

Quoi qu’il en soit, il est donc impossible aujourd’hui d’en réguler l’émission. C’est en cela que le Bitcoin pose aujourd’hui un défi aux législateurs et autres autorités de régulation, ne serait-ce qu’au niveau de la lutte contre le blanchiment d’argent ou sur le plan fiscal.

Le champ de la réglementation bancaire et financière étant largement défini par son objet (argent et instruments financiers), les crypto-monnaies et les activités dont elles sont le support en auraient naturellement été justiciables si ces qualifications avaient pu leur être appliquées. Tel n’est cependant pas le cas. La catégorie des instruments financiers, tout d’abord, regroupe des actifs qui, tous, se rattachent aux droits personnels lato sensu : titres de capital, titres de créance et contrats financiers (C. mon. fin., art. L. 211-1). Or, comme on l’a relevé à propos du Bitcoin, celui-ci ne correspond à aucune de ces notions puisqu’il est généré automatiquement par un programme informatique et ne confère de droit contre personne en particulier.

En outre, l’absence de régulation permet aux différentes parties au contrat d’accepter ou de refuser d’être rémunéré par le Bitcoin. En effet, le Bitcoin n’étant pas une monnaie comme les autres monnaies réglementées telles que l’euro ou le dollar, une partie au contrat ne peut pas exiger de l’autre partie qu’elle accepte le paiement par Bitcoin. Cette absence de régulation de cette crypto-monnaie pourrait être un danger sérieux pour les relations contractuelles.

La Banque de France énonce également les différents dangers liés à l’utilisation du Bitcoin : une valeur virtuelle, car elle n’est adossée à aucune activité réelle, une forte volatilité, des délais de transactions importants et le risque juridique lié à son statut de monnaie non régulée se traduisant notamment par le fait qu’elle n’est assortie d’aucune garantie légale de remboursement à tout moment et à la valeur nominale.

Enfin, la Banque de France rappelle qu’aucune autorité ne veille à la sécurisation des coffres forts électroniques et que les porteurs n’ont donc aucun recours en cas de vol par des pirates informatiques.

Elle souligne également le caractère aléatoire de la convertibilité des Bitcoins en monnaie ayant cours légal car reposant sur le principe de l’offre et la demande – et donc le risque de paralysie et d’effondrement du système en cas d’absence ou d’insuffisance d’acquéreurs pour racheter les Bitcoins contre devises.

Quoi qu’il en soit, il est donc impossible aujourd’hui d’en réguler l’émission. C’est en cela que le Bitcoin pose aujourd’hui un défi aux législateurs et autres autorités de régulation, ne serait-ce qu’au niveau de la lutte contre le blanchiment d’argent ou sur le plan fiscal.

L’utilisation de cette innovation permet par ailleurs de ne pas identifier les différentes parties à la transaction. C’est un vrai danger pour les États qui ont fait de la lutte contre le terrorisme un véritable enjeu de défense nationale.

Toutefois, la plateforme californienne Coinbase ou l'Electronic Frontier Foundation, une association de défense des libertés sur internet a exprimé son mécontentement sur les projets de régulation de ces cryptomonnaies : « Ces développements sont une atteinte à la liberté de conduire des transactions en ligne de manière privée et une tentative d'étendre la portée de la surveillance financière des institutions bancaires aux cryptomonnaies. Les enregistrements financiers qu'il faudra désormais révéler contiennent quantité d'informations sensibles sur la vie des personnes, leurs croyances et affiliations ».[5]

 

II)               Vers une riposte des institutions financières par la création de monnaies virtuelles concurrentes

Sur le plateau de l’émission Quotidien, l’animateur Yann Barthès a invité l’homme d’affaires français Xavier NIEL à l’émission pour communiquer ses conseils en matière de création de richesse tout en expliquant ceci : « Ce qui m’a fait réussir, c’est de profiter des nouvelles opportunités rapidement sans hésiter. Et maintenant, le principal gagne-monnaie c’est le nouveau programme crypto-monnaie appelé Bitcoin Trader. C’est la seule grande opportunité que je n’ai jamais vu dans vie entière pour faire une petite fortune rapide. J’invite tout le monde à le consulter avant que les banques ne le ferment ».

Cette situation amène les institutions financières nationales à mettre en place des projets de création de monnaies virtuelles en guise de riposte. 

Une cryptomonnaie est une forme de monnaie virtuelle et numérique qui n’a pas besoin d’exister physiquement pour avoir de la valeur. Les cryptomonnaies sont devenues de plus en plus populaires grâce aux plateformes d’échanges décentralisées de pair-à-pair qui se sont développées.

Le 30 Janvier 2021, le parlement Indien a par exemple ouvert la voie à une régulation des cryptomonnaies, qui pourraient aller jusqu’à une interdiction des cryptomonnaies dites « privées » comme le révèle Crytnaute. Une décision qui serait prise en parallèle de l’instauration d’une monnaie électronique nationale, adossée et gérée par la Banque Centrale d’Inde.

A l’instar de l’Inde, de nombreux pays travaillent sur le lancement de monnaies digitales publiques. La Présidente de la Banque Centrale Européenne Christine LAGARDE a évoqué le projet d’un euro numérique, qui pourrait voir le jour d’ici 2 à 4 ans. Cet E-euro serait émis par la BCE, s’échangerait à, la parité de 1 contre 1 avec l’Euro et viendrait compléter voire se substituer au cash comme l’explique Le Figaro.  

Une crypto monnaie publique, régulée par une Banque Centrale, adossée à une devise, est bien sûr plus sûre qu’une crypto monnaie privée. D’ailleurs, la digitalisation de la monnaie de la Banque Centrale permettra, dans les pays où le cash est en déclin, de garantir l’accès des citoyens à la monnaie de Banque Centrale. « Disposer d’une Monnaie Digitale de Banque Centrale permettrait alors de préserver la confiance dans le système financier qui résulte en partie de la possibilité d’échanger ses avoirs contre de la monnaie légale » explique le gouverneur de la Banque de France.

En Russie, la Banque Centrale a annoncé en octobre 2020 qu’elle évaluait la possibilité de créer une version numérique du Rouble. Elvira NABIOULLINA a déclaré qu’un plan plus détaillé serait dévoilé d’ici l’été 2021.

Aux Etats-Unis, le Président de la Fed Jerome POWELL avait déclaré en 2019 que son pays ne ressentait pas l’envie ou le besoin d’être le premier dans ce domaine. Il disait ceci : « Nous avons déjà l’avantage d’être les premiers car le dollar américain est la monnaie de réserve » avant d’expliquer qu’E-dollar prendrait des années plutôt que des mois.

La Chine s’est quant à elle lancée dès 2014 dans la création d’une cryptomonnaie nationale. Un projet qui serait très bien avancé comme le révèle LES Echos tout en menaçant depuis 2018 d’interdire le Bitcoin sur son territoire. Le directeur de la Banque Centrale Chinoise Mu CHANGCHUN a déclaré que ce stablecoin chinois devrait servir à terme à remplacer le Yuan, permettant ainsi une surveillance accrue des utilisateurs de cette monnaie. [6]

Pour finir, il faut dire que les cryptomonnaies constituent un enjeu majeur pour le système financier auquel sont confrontés les pouvoirs publics, les banques centrales, les autorités de régulation, les établissements de crédit et les citoyens. L'engouement qu'elles suscitent n'a pas vocation à s'estomper.

Toutefois, force est constater que la régulation est la proposition majoritaire. On constate que la majorité des autorités ont mis en garde et proposent des modalités d’encadrement pour protéger le marché et les investisseurs.

  

Sources :

[1] https://francais.rt.com/international/84683-Bitcoin-va-record-record-franchit-barre-60000-dollarss

[2] https://www.nytimes.com/2021/02/23/business/dealbook/janet-yellen-dealbook.html

[3]https://www.letemps.ch/economie/benoit-coeure-banques-centrales-ont-pris-cryptomonnaies-haut

[4]https://www.lefigaro.fr/conjoncture/christine-lagarde-appelle-a-reguler-le-speculatif-Bitcoin-20210113#:~:text=La%20Présidente%20de%20la%20Banque,veut%20encadrer%20la%20monnaie%20numérique.&text=journée%20de%20lundi.-,Sur%20l%27ensemble%20de%20l%27année%202020%2C%20le%20cours,d%27investissement%20et%20des%20entreprises.

[5]https://www.eff.org/fr/deeplinks/2020/12/us-government-targeting-cryptocurrency-expand-reach-its-financial-surveillance

[6] https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/pekin-serait-pret-a-lancer-sa-cryptomonnaie-made-in-china-1123872

 

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