COPROPRIÉTÉ : ACHETEZ VOTRE BIEN EN CONNAISSANCE DE CAUSE !

Publié le 17/02/2021 Vu 3 335 fois 0
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Dans le cadre d’une vente d’un bien en copropriété, le syndic adresse au notaire un document appelé « état daté » permettant à l’acquéreur de connaitre les charges qu’il devra supporter après son acquisition.

Dans le cadre d’une vente d’un bien en copropriété, le syndic adresse au notaire un document appelé «

COPROPRIÉTÉ : ACHETEZ VOTRE BIEN EN CONNAISSANCE DE CAUSE !

I)  Cadre juridique de l’état daté

Dans le cadre d’une vente d’un lot de copropriétaire, le syndic adresse au notaire chargé de recevoir l'acte authentique un document appelé « état daté » et comportant trois parties, décrites à l’article 5 du décret du 17 mars 1967.

Ce document est destiné à permettre à l’acquéreur de prendre la mesure des charges qu’il aura à supporter après son acquisition, et le cas échéant de conclure à cet égard des accords avec le vendeur.

L’article 5 du décret de 1967  prévoit que l’état daté comporte les 3 parties suivantes :

- la première fait état des sommes restant dues par le vendeur au syndicat des copropriétaires ;

-  la deuxième mentionne les sommes dues par le syndicat au vendeur ;

-  la troisième partie indique les sommes qui devraient incomber au nouveau copropriétaire (telles que des provisions qui ne seront exigibles qu’après la vente). Le dernier alinéa de l’article 5 précise que le syndic mentionne également, dans une annexe à cette troisième partie, « l’objet et de l’état des procédures en cours dans lesquelles le syndicat est partie »

La Cour de cassation considère que la liste de l’article 5 précité présente un caractère limitatif, de sorte que le syndic n’est pas tenu de remplir une mission d’information plus étendue que celle prévue par ces dispositions (Cass. 3e civ., 12 mars 2014, n° 13-11.042).

Le coût de l’état daté est à la charge du copropriétaire vendeur. Il ne peut excéder 380 € TTC (décret n° 2020-153 du 21 février 2020).

II)   L’étendue du devoir d’information du syndic

En 2010, la cour d’appel de Versailles a considéré fautive l’omission par le syndic, dans l’état daté, d’une procédure en cours (CA Versailles, 4e ch., 11 janv. 2010, n° 09/01500).

En 2017, la cour d’appel de Rennes étend cette obligation d'information et considère que le syndic commet également une faute si la mention de la procédure est incomplète (CA Rennes, 4e ch., 2 nov. 2017, n° 14/04798). La Cour de cassation valide cette analyse et rejette donc le pourvoi (Cass. 3e civ., 20 juin 2019, n° 18-10516).

Dans cette affaire, les acquéreurs de lots de copropriété s’étaient vus remettre un état daté mentionnant l’existence d’une procédure en cours ayant pour objet la mise aux normes du parking souterrain mais n’avaient pas été informés que la procédure portait également sur des non-conformités des ventilations des couloirs de l’immeuble.

 

III) La condamnation des syndics en cas d’informations absentes ou tronquées sur les procédures en cours

En droit, la responsabilité du syndic exige la preuve d’une faute et d’un préjudice en lien direct et certain avec cette faute.

S’il est constant qu’un syndic, en s’abstenant de fournir des renseignements par rapport à un procès, commet une faute, comment évaluer le préjudice subi par l’acquéreur ?

Les juges considèrent que la faute ne cause à ce dernier que la perte d’une chance de ne pas acheter le bien ou de l'acheter dans des conditions plus favorables,. Cette notion va donc modérer le montant de la condamnation du syndic.

Deux arrêts de cour d’appel peuvent être commentés ici à titre d’illustrations :

-  dans l’arrêt précité de la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 4e ch., 11 janv. 2010, n° 09/01500), la copropriétaire lésée estimait réclamait la condamnation in solidum de la venderesse et du syndic à lui payer la quote-part de charges, chiffrée à 1.862 €, résultant pour elle d'un arrêt rendu après l'acquisition de son bien ; elle faisait en effet valoir qu’elle n’avait pas été informée, au moment de la signature de l’acte de vente, de la procédure en cours. Toutefois, la cour relève que la faute du syndic n’a causé à la copropriétaire que la perte d’une chance de ne pas acheter le bien ou de l’acheter à d’autres conditions, telles un moindre prix ou la mise à la charge de la venderesse des frais du procès. La cour précise « qu’il existait néanmoins divers aléas tenant en particulier au sort qui aurait pu être réservé aux conditions de négociations, elles-mêmes liées à l’aléa de la procédure judiciaire ». En conséquence, les juges évaluent la chance perdue à la somme de 500 €, au lieu des 1.862 € réclamés ;

- de même, dans une affaire similaire, la cour d’appel d’Aix-en-Provence accorde 2 000 € à titre de dommages et intérêts, au lieu des 3 238 € réclamés par le copropriétaire au titre de la quote-part de charges correspondant à la condamnation du syndicat des copropriétaires (CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 13 juin 2019, n° 17/19716). Les juges estiment que le préjudice ne peut être évalué à  3238 €, « ces frais résultant de sa qualité de copropriétaire ». Ils considèrent ainsi qu’il « sera fait une juste évaluation du préjudice résultant de la perte de chance en accordant à Mme Z une indemnité de 2 000 € ».

Ces mêmes raisonnements sont adoptés par la Cour de cassation.

Ainsi, cette dernière confirme, en 2015, que le préjudice de l’acquéreur est constitué de la perte d’une chance de contracter à d’autres conditions, et non du coût des charges induites par les travaux rendus nécessaires par le dommage faisant l’objet de la procédure judiciaire omise (Cass. 3e civ., 27 janv. 2015, n° 13-26.705). Autrement dit, la jurisprudence retient que le défaut d’information du syndic occasionne à l’acquéreur un préjudice limité à la perte d’une chance d’acheter le bien à un prix moindre.

Enfin, et de façon similaire, la Cour de cassation considère, dans l’arrêt précité de 2019, que l’information incomplète n’a pas permis aux acquéreurs d’acheter en toute connaissance de cause et à des conditions plus avantageuses (Cass. 3e civ., 20 juin 2019, n° 18-10516). Autrement dit, l’information obérée a joué un rôle essentiel dans l’appréciation du prix et sur le consentement des acquéreurs pour acquérir leurs lots dans une résidence affectée d’un vice de construction dans le parking commun. Pour ce motif, la cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de cour d’appel qui avait condamné le syndic à payer au total plus de 100 000 € de dommages et intérêts aux copropriétaires acquéreurs.


On comprend donc tout l'intérêt du syndic à fournir aux nouveaux acquéreurs un état daté aussi précis et complet que possible...

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Jean-Philippe MARIANI et Bruno LEHNISCH

Jean-Philippe MARIANI est avocat depuis 34 ans.

Il est Président de la Commission "Droit immobilier" du barreau des Hauts-de-Seine, 3e barreau le plus important en France après Paris et Lyon.

Formé au règlement amiable des différends, Me Mariani exerce également comme Médiateur.

Enfin, Me MARIANI est ancien Secrétaire de la Conférence (concours de plaidoirie) et ancien Membre du Conseil de l’Ordre des Hauts de Seine.


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Il publie des articles avec Bruno LEHNISCH, cadre juridique.

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