Responsabilité pénale des Ministres devant la Cour de Justice de la République, l’ « affaire du COVID-19 » : les dés sont-ils pipés?

Publié le Modifié le 29/04/2020 Vu 3 670 fois 1
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Plusieurs plaintes ont été déposées dès le mois de mars 2020, devant la Cour de Justice de la République contre des Ministres concernant la gestion du COVID 19. Quel est leur bien fondé?

Plusieurs plaintes ont été déposées dès le mois de mars 2020, devant la Cour de Justice de la République

Responsabilité pénale des Ministres devant la Cour de Justice de la République, l’ « affaire du COVID-19 » : les dés sont-ils pipés?

I-  Rappel du contexte sanitaire, social et politique

Une épidémie de pneumonies d'allure virale d'étiologie inconnue a émergé dans la ville de Wuhan (province de Hubei, Chine) en décembre 2019. 

Le 9 janvier 2020, la découverte d’un nouveau coronavirus (d’abord appelé 2019-nCoV puis officiellement SARS-CoV-2, différent des virus SARS-CoV, responsable de l'épidémie de SRAS en 2003 et MERS-CoV, responsable d’une épidémie évoluant depuis 2012 au Moyen-Orient) a été annoncée officiellement par les autorités sanitaires chinoises et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). 

Ce nouveau virus est l'agent responsable de cette nouvelle maladie infectieuse respiratoire appelée Covid-19 (pour Corona VIrus Disease).

Après une flambée épidémique en Chine en janvier-février 2020, la situation épidémique a évolué au niveau mondial depuis le week-end du 22-23 février 2020. Avec l’intensification des foyers en Corée du Sud, au Japon, et à Singapour, et l’apparition de nouveaux foyers en Iran et en Italie. 

Dans ces pays, on assiste alors à une diffusion communautaire, sans lien identifié avec des cas importés de Chine.

Fin février 2020, deux mois après son apparition en Chine, l’épidémie semble y avoir atteint un pic. 

Le 9 mars 2020, les autorités chinoises annoncent la réouverture de lieux publics et la fermeture d’hôpitaux de campagne, alors que le nombre de nouveaux cas est en forte diminution dans le pays.

Le 10 mars 2020, tous les pays de l'Union européenne sont désormais touchés par le Covid-19.

Le 11 mars 2020, l’OMS annonce que le Covid-19 peut être qualifié de pandémie, la première déclenchée par un coronavirus.

Le 14 mars 2020, à minuit, la France entre en "stade 3" d'épidémie active sur le territoire. 

Pour ralentir la diffusion sur le territoire et réduire les risques de tension sur le système hospitalier pour la prise en charge des formes les plus graves, les mesures de distanciation sociale sont renforcées, avec la fermeture de tous les lieux de regroupements non indispensables (cafés, restaurants, cinémas, discothèques...). Les magasins alimentaires, pharmacies, banques, bureaux de tabac, stations-essence restent ouverts et achalandés.

Le 16 mars 2020, le Président de la République Française a décidé de prendre des mesures pour réduire à leur plus strict minimum les contacts et les déplacements. 

Un dispositif de confinement est mis en place sur l’ensemble du territoire à compter du mardi 17 mars à 12h00, pour quinze jours minimum. Les déplacements sont interdits sauf dans certains cas.

Le 16 mars 2020, l’OMS dénombre presqu’autant de cas en Chine qu’hors de Chine : 165 515 cas confirmés dans le monde, dont 81 077 en Chine et 86 438 hors de Chine (dans 143 pays différents). Et 3 218 décès en Chine et 3 388 hors de Chine. 

Cette pneumonie est une maladie infectieuse causée par un virus appartenant à la famille des coronavirus, pour le moment identifié sous le nom de SARS-CoV-2. Le réservoir de virus est probablement animal. 

Même si le SARS-CoV-2 est très proche d’un virus détecté chez une chauve-souris, l’animal à l’origine de la transmission à l’homme n'a pas encore été identifié avec certitude. 

Plusieurs publications suggèrent que le pangolin, petit mammifère consommé dans le sud de la Chine, pourrait être impliqué comme hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme.

Concernant les mesures prises au niveau mondial, on observe que chaque pays touché par ce virus conserve sa souveraineté afin de prendre les mesures estimées utiles afin de faire face à sa propagation.

Les pays touchés par ce virus sont nombreux et ont pris des mesures très variées, à des moments différents, notamment concernant le confinement et la fermeture des frontières.

Différents pays semblent avoir été pris de court et pris des décisions sous la panique, alors que d’autres semblent gérer cette crise avec des moyens plus modernes et plus efficaces.

Quoiqu’il en soit, force est de constater qu’il n’existe aucune cohésion ou coordination au niveau mondial ou même au niveau de l’Union européenne.

De nombreux pays se sont préparés, depuis les années 50, à des attaques armées, à une guerre nucléaire, mais rien ne semble prévu en matière de pandémie.

Il existe des alliances militaires (OTAN, ONU…), mais pas d’unité scientifique équivalente et opérationnelle.

Si la situation pandémique présente un caractère tragique en Italie, en Espagne et en France, on ne peut que constater des situations très différentes en Corée, en Allemagne, en Israël ou à Hong Kong…

Les mesures prises sont très différentes et divisent les communautés politiques et scientifiques (confinement, mesures de protections personnelles, dépistages, traitements…).

Les résultats sont tout aussi différents, à la fois quant au mode de vie de la population pendant la crise et quant aux nombres de décès.

En France, malgré la présence d’une élite scientifique mondialement reconnue en matière de maladies infectieuses et malgré les leçons de la pandémie du virus H1N1 de 2010, le gouvernement a fait l’objet de nombreuses et vives critiques quant aux mesures prises et celles qui ne l’ont pas été ou auraient du l’être, dans la gestion de la pandémie.

Plusieurs plaintes ont ainsi été déposées dès le mois de mars 2020, devant la Cour de Justice de la République.

Il convient de se pencher dans un premier temps sur les plaintes déposées (II) et les procédures devant la Cour de Justice de la République (III).

Il convient ensuite de s’interroger sur les mesures ou abstentions du Gouvernement (IV) qui pourraient éventuellement caractériser les infractions pénales reprochées dans les plaintes (V).

 

II- Plaintes déposées contre des membres du Gouvernement

Plusieurs plaintes, émanant de particuliers ou d'associations et de collectifs ont été déposées contre des membres du pouvoir exécutif devant la Cour de Justice de la République. 

Certains élus réclament aussi l'ouverture de commissions d'enquêtes parlementaires.

Ces plaintes visent soit le Premier Ministre et l’ex-Ministre de la Santé, Madame Agnès Buzyn, soit le Premier Ministre et l’actuel Ministre de la Santé, Monsieur Olivier Véran. 

Les infractions reprochées sont les suivantes : "mise en danger de la vie d’autrui", "non-assistance à personne en danger" ou encore "homicide involontaire". 

Trois médecins, représentants du collectif de soignants C19, ont affirmé leur intention de déposer plainte contre Édouard Philippe et Agnès Buzyn. 

Ils les accusent en substance de s'être "abstenus" de prendre à temps des mesures pour endiguer l'épidémie de Covid-19.

Le collectif Inter Urgences, a de son côté annoncé qu’il porterait plainte contre X après la crise, pour "mettre en lumière" les "responsabilités de chacun". 

Ce collectif, à l'origine d'une grève d'ampleur dans les urgences démarrée il y a un an, a déclaré : "Le gouvernement peut continuer à déployer massivement ses éléments de langage, nous n'oublierons pas les soignants épuisés, contaminés, décédés."

 

Plaintes de détenus pour « non-assistance à personne en danger » :

Trente-et-un détenus du sud de la France ont également déposé plainte contre Édouard Philippe et Nicole Belloubet, Ministre de la Justice, pour "non-assistance à personne en danger". Ils estiment ne pas être assez bien protégés contre le Covid-19. Depuis l'annonce de la suspension des parloirs, une trentaine d'établissements pénitentiaires a été touché par des incidents.

Le syndicat de Magistrats « Unité Magistrats FO » a également déposé plainte et a dénoncé le fait que « La Ministre de la Justice après avoir refusé, dans un premier temps, catégoriquement de fournir aux magistrats les masques nécessaires à leur sécurité envisage désormais de les en doter mais à une date indéterminée, et dans une quantité inconnue. Seuls les gels hydroalcooliques devraient être prochainement à disposition en juridiction. Si nous ne pouvons que nous réjouir d’avoir été entendus, au moins en partie, nous mesurons le caractère insuffisant de ces fournitures. Chacun sait que le toucher n’est pas la première source de contamination. Le niveau d’exposition des magistrats qui assurent l’exécution des PCA demeure ainsi extrêmement élevé. »

UNITÉ MAGISTRATS FO a également entendu rappeler au Ministère de la Justice « ses obligations, en sa qualité d’employeur, à l’égard de ses agents. A ce titre, il se doit non seulement d’assurer leur sécurité au travail mais aussi d’engager toutes les actions de prévention nécessaires. C’est dans cette dernière catégorie qu’entrent les actions de dépistages du COVID 19 réclamées, à maintes reprises, par UNITÉ MAGISTRATS à l’égard des personnels en activité et auxquelles la Ministre de la Justice oppose une simple fin de non-recevoir.

L’augmentation exponentielle du nombre de fonctionnaires contaminés au Ministère de la Justice qui est passé en une semaine de 1250 à 1821, démontre l’inefficacité du dispositif de protection ministériel. »

La Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac) a également remis en cause la gestion de la crise liée au Covid-19 et a saisi la justice. L’association a déposé plainte contre X auprès du procureur de la République de Paris, Rémy Heitz. Deux infractions sont visées : la mise en danger de la vie d’autrui et la non-assistance à personne en danger. 

Confinement oblige, la Cour de Justice de la République, seule instance compétente afin de juger des membres du Gouvernement, a fermé provisoirement ses portes, cependant, les plaintes ont été reçues et seront examinées par la Commission des requêtes qui se prononcera sur la recevabilité de ces plaintes. 

 

III- Procédure devant la Cour de Justice de la République : une juridiction contestée

Créée par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, la Cour de justice de la République (CJR) est mentionnée aux articles 68-1 et 68-2 dans le titre X de la Constitution (De la responsabilité pénale des membres du gouvernement).

La Cour est seule compétente pour juger les membres du gouvernement (Premier Ministre, Ministres, Ministres délégués, secrétaires d’État) pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis. 

Les infractions n’ayant aucun lien avec la conduite de la politique de la nation sont du ressort des juridictions pénales de droit commun.

La composition et le fonctionnement de la Cour ont été fixés par la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

La Cour est composée de quinze juges : douze parlementaires (six élus par l’Assemblée nationale et six élus par le Sénat) et de trois magistrats du siège à la Cour de cassation. 

Un de ces trois magistrats la préside.

La Cour peut être saisie par toute personne, française ou étrangère, qui s’estime lésée par un crime ou un délit imputé à un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions.

 

La procédure de saisine comprend trois étapes :

1° La commission des requêtes, composée de sept magistrats issus de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes, décide de l’engagement des poursuites. 

Ce filtre est mis en place afin que ce droit offert aux particuliers ne devienne pas une arme politique contre l’action gouvernementale. 

La personne qui se déclare victime saisit la commission des requêtes. 

Cette dernière décide de la transmission de la plainte au procureur général près la Cour de cassation afin de saisir la Cour de justice de la République. 

Elle peut, à l’inverse, prononcer le classement de la procédure.

 

2° Si la plainte est déclarée recevable, la commission d’instruction, composée de trois magistrats de la Cour de cassation, procède aux auditions des personnes se déclarant victimes et des personnes incriminées. 

Elle décide ou non du renvoi de ces dernières devant la CJR.

 

3° La formation de jugement, composée de trois magistrats et de douze parlementaires, se prononce à la majorité absolue et à bulletin secret sur la culpabilité du prévenu puis, en cas de culpabilité, sur l’application de la peine infligée. 

 

Son arrêt peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, en cas de rejet de ses décisions, la Cour doit être recomposée avant de rejuger l’affaire.

 

Sept Ministres jugés devant la CJR depuis sa création :

En 1999, dans l’affaire du sang contaminé, la CJR a relaxé Laurent Fabius, Premier Ministre à l’époque des faits, et Georgina Dufoix, Ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale. 

Elle a condamné "pour manquement à une obligation de sécurité ou de prudence", tout en le dispensant de peine, Edmond Hervé, secrétaire d’État à la Santé.

En 2000, elle a relaxé Ségolène Royal, Ministre de la Famille, poursuivie en diffamation par des enseignants qu’elle avait accusés de couvrir des actes de bizutage.

En 2004, la Cour a condamné, après une instruction de dix ans, Michel Gillibert, secrétaire d’État aux Handicapés entre 1988 et 1993, "coupable d’escroquerie au préjudice de l’État", à trois ans d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende ainsi qu’à cinq ans d’interdiction des droits de vote et d’éligibilité.

En avril 2010, la Cour a condamné Charles Pasqua, Ministre de l’Intérieur à l’époque des faits, à un an de prison avec sursis pour complicité d’abus de biens sociaux et de recel dans l’affaire des détournements de fonds au préjudice de la Sofremi, société d’exportation de matériel de police dépendant du ministère. 

Il a été blanchi dans les affaires du casino d’Annemasse où il était poursuivi pour corruption passive, et celle de GEC-Alsthom dans laquelle il comparaissait pour complicité et recel d’abus de biens sociaux.

En mai 2011, le Procureur général de la Cour de cassation, ayant relevé "de nombreux motifs de suspecter la régularité, voire la légalité du règlement arbitral litigieux pouvant caractériser le délit d’abus d’autorité" a demandé une enquête visant Christine Lagarde, ancienne Ministre de l’Économie, pour "abus d’autorité" dans l’arbitrage favorable à Bernard Tapie. 

Le 19 décembre 2016, elle a été reconnue coupable de "négligence", mais dispensée de peine.

En juin 2018, l’ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, soupçonné d’avoir transmis des informations confidentielles au député des Hauts-de-Seine Thierry Solère sur une enquête pénale le concernant, a été mis en examen pour "violation du secret professionnel". 

Le 30 septembre 2019, la CJR a condamné Jean-Jacques Urvoas à un mois de prison avec sursis et à une amende de 5000 euros.

 

Les défauts de la procédure devant la CJR :

"Il n’y aura pas de point d’achoppement sur cette question dans la réforme constitutionnelle car c’est une juridiction qui souffrait de plusieurs défauts", estime Didier MAUS, professeur à l’université Paul Cézanne Aix-Marseille et spécialiste de droit constitutionnel.

 

1)    Premier défaut : le manque d’objectivité, la CJR a donné l’impression d’être favorable aux Ministres qu’elle jugeait :

 

Composée de douze parlementaires – six députés et six sénateurs – et de trois juges de la Cour de cassation, elle renvoie l’image de politiques jugés par d’autres politiques.

Il s’agit donc, dans sa conception même, d’une juridiction de compromis masquant des intentions contradictoires, rapprochant des logiques contraires, et s’efforçant de concilier justice et politique.

Aux termes de l’article 68-2 de la Constitution, la formation de jugement de la CJR est échevinale : elle comprend trois magistrats du siège à la Cour de cassation et 12 parlementaires. 

L’influence du comité Vedel est ici clairement perceptible, puisque celui-ci préconisait la création d’une juridiction dont la composition évoquerait « celle des cours d'assises, mais avec la particularité de comprendre huit "jurés" parlementaires, siégeant aux côtés de trois magistrats issus de la Cour de cassation, dont l'un présiderait la juridiction ».

Ce maintien de la présence des parlementaires à côté des magistrats professionnels traduit probablement « l’idée selon laquelle la responsabilité pénale des Ministres est le prolongement du contrôle politique que le Parlement exerce sur l’Exécutif ». 

Il aboutit surtout à un système foncièrement insatisfaisant, qui pose le principe de la responsabilité pénale des Ministres tout en le faisant sanctionner par une juridiction spéciale.

Si chaque affaire est différente, toujours est-il que, depuis sa création, les membres de gouvernements jugés ont été condamnés à des peines très légères, et pour la plupart, soit relaxés soit dispensés de peine. 

Ce fut notamment le cas de l’ancienne Ministre de l’Économie, Christine Lagarde, condamnée en décembre 2016 dans l’affaire Tapie pour "négligence" mais dispensée de peine. 

Une décision alors vivement critiquée.

 

2)    Autre défaut critiqué : une commission de filtrage pour éviter l’avalanche de plaintes :

 

Au total, près de 1 500 plaintes ont été déposées par des particuliers depuis sa création, dont 40 ont fait l’objet d’une transmission au Ministère public. 

Sur cette quarantaine de dossier, la commission d’instruction a ouvert 16 informations pour sept renvois devant la formation de jugement.

L’existence de cette commission d’instruction ouvre la voie à deux séries de critiques :

La première tient à sa propension, dès lors qu’elle est saisie, à refaire intégralement les instructions qui, dans certains cas, ont déjà été menées à bien par le juge d’instruction ordinaire.

 

La seconde série de critiques est plus technique :

Elle découle d’une particularité propre à la commission d’instruction qui réside dans la possibilité qui lui est offerte de statuer sur la régularité de ses propres actes d’information.

D’autre part, les procédures devant la CJR conduisaient à découper les dossiers avec un volet ministériel d’un côté et un volet non ministériel de l’autre.

Il en résulte parfois une situation où deux juridictions distinctes sont amenées à juger pénalement des mêmes faits, la première se consacrant aux faits reprochés au Ministre, l’autre à ceux commis par les coauteurs ou complices, au risque d’aboutir à des décisions contradictoires.

Dans l’affaire Tapie, Christine Lagarde était jugée devant la CJR quand son directeur de cabinet à Bercy, Stéphane Richard, était, lui, jugé devant le Tribunal correctionnel. 

Cette exception délibérée au principe de l'indivisibilité des poursuites n’est pas sans poser de sérieux problèmes.

 

3)    Enfin, dernière critique et non des moindres : la Cour de justice de la République ne permet pas aux victimes de se constituer partie civile :

 

L’article 13 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République dispose qu’aucune constitution de partie civile n’est recevable devant cette juridiction et que l’action en réparation des crimes et délits ressortissant à sa compétence doit être portée devant les juridictions de droit commun. 

La Cour de cassation a jugé que ce texte, qui déroge au Code de procédure pénale, n’est pas contraire à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la mesure où il réserve aux parties le droit de porter l’action en réparation de leurs dommages devant la juridiction de droit commun (Ass. Plén. 21 juin 1999, Bull. n° 139 ; 12 juillet 2000, Bull. n° 258).

Ce défaut est de taille puisque la victime n’a ainsi aucune part active au procès et ne peut demander réparation de ses préjudices, contrairement aux juridictions pénales ordinaires.

En cas de condamnation devant la CJR, la victime doit alors saisir une autre juridiction de droit commun.

L’exclusion des parties civiles et de leurs préjudices justifierait à elle seule la réforme de cette juridiction dont la procédure d’exception relève d’une logique très contestable et défavorable aux victimes qui sont pourtant les plaignantes et à l’origine de la procédure.

 

Projet de suppression de la CJR :

Décriée et jugée peu conforme aux principes de séparation des pouvoirs, la Cour de justice de la République (CJR) devrait être supprimée dans le cadre de la réforme constitutionnelle voulue par le Président Emmanuel MACRON.

Le texte du projet de loi a été déposé à l’Assemblée Nationale le 29 août 2019.

Créée en 1993 après l’affaire du sang contaminé, sa suppression est perçue comme une avancée démocratique et fait consensus au sein de la classe politique.

Les Ministres seront ainsi jugés par une juridiction judiciaire de droit commun : la Cour d’appel de Paris. 

Deviendront-ils pour autant des justiciables comme les autres ? 

Loin de là, puisque, d’une part, une commission des requêtes sera chargée de filtrer les plaintes avant qu’une commission d’instruction ne les examine pour juger de leur recevabilité.

Une telle procédure permet d’éviter une avalanche de plaintes de gens mécontents de l’action d’un Ministre et qui voudraient se servir de la justice pour des raisons politiques.

Si ce motif semble sensé sur le principe, il reste encore dérogatoire au droit commun, alors que le Procureur de la République, le Juge d’instruction et la Chambre de l’instruction, reçoivent déjà par le Code de procédure pénale, le rôle de filtre quant à la recevabilité des plaintes et leur bien fondé.

D’autre part, le projet d’article 68-1 de la Constitution est pour le moins critiquable, en ce que la responsabilité pénale des Ministres serait réduite par rapport au droit commun.

Ainsi, l’article 68-1 de la Constitution, tel qu’issu de ce projet, précise que leur responsabilité ne peut être mise en cause "à raison de leur inaction que si le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable".

Il paraît donc ici évident que cette responsabilité limitée par la Constitution viendra en contradiction avec certaines infractions pénales telles que la non assistance à personne en danger, caractérisée par l’abstention volontaire ou l’homicide involontaire caractérisé notamment par la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence...  

Il est encore une fois dérogé au droit commun.

Bien que jugés selon le droit commun, devant une juridiction de droit commun, ce projet limite considérablement le domaine d’application des infractions pénales qui pourraient être reprochées à des Ministres dans le cadre de leurs fonctions, et permet ainsi à des dispositions dérogatoires au droit commun, pourtant critiquées, de revivre sous une autre forme.

 

IV-  Exemples de fautes reprochées au Gouvernement

Le débat strictement politique est évidemment exclu dans le cadre de cet article, cependant, dans le cadre de l’analyse des plaintes déposées, on se posera légitimement la question de savoir si les actions, ou inactions reprochées au Gouvernement, peuvent éventuellement caractériser les infractions reprochées. 

Il convient donc d’examiner les faits qui pourraient caractériser les infractions ci-après détaillées (V) et engager la responsabilité pénale des Ministres visés par les plaintes.

 

-       Le plan pandémie :

Il semble légitime de supposer ou du moins, restons modestes, de se demander si la France, disposant de moyens militaires et stratégiques de premier ordre, dispose de moyens équivalents afin de faire face à une pandémie, le Président MACRON ayant rappelé qu’il s’agissait d’une guerre.

La France a en effet déjà eu l’occasion de subir des pandémies : entre 1968 et 1970, la grippe de Hong Kong ou entre 2009 et 2010, la grippe A H1N1.

Le Gouvernement a alors élaboré un « plan national de prévention et de lutte pandémie grippale », dont le dernier exemplaire a été mis à jour en 2011, suite à la grippe A H1N1.

La préface de ce plan, qui pourrait aujourd’hui être ressentie avec beaucoup de cynisme, indique que :

« Le Gouvernement, tirant les enseignements de la gestion de l’épisode pandémique de 2009 et des différents retours d’expériences et évaluations qui ont été conduits, a procédé à une réforme en profondeur du plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale ».

Ce plan décrit la stratégie de réponse de l’Etat, en privilégiant la flexibilité et l’adaptation aux caractéristiques de la pandémie.

Il intègre une phase de préparation afin que chacun, dans son secteur de responsabilité, puisse être prêt, le jour venu, à faire face à la crise. »

Le plan prévoyait des mesures permanentes de préparation incluant notamment un stock de masques et d’équipements, outre les mesures destinées aux voyageurs internationaux.

Cette phase de préparation permanente du plan ressemble aujourd’hui à des troupes armées laissées à l’abandon, sans équipement et sans entraînement.

Ce plan, supposé tirer les leçons de la pandémie H1N1, contenant pas moins de 78 pages de mesures, est, tel l’enfer, pavé de bonnes intentions.

Les bonnes résolutions politiques et scientifiques, bien que n’ayant évidemment pas de valeur légale et contraignante, ont vite été oubliées et n’ont pas permis d’éviter la catastrophe.

 

Le dépistage personnel restreint et le manque d’équipements de protection personnelle :

Il est avéré que les pays ayant le mieux géré la propagation du virus ont adopté très rapidement le port de masques de protection.

En Corée, au Japon, en Chine, à Hong Kong, notamment, la reprise d’activités professionnelles et de la vie courante a été permise grâce au port de masques ainsi qu’à des dépistages massifs.

En France, face à une grande insuffisance de masques, le ministère de la santé a privilégié logiquement leur attribution aux professionnels de la santé, qui restent malgré tout nombreux à ne pas en avoir suffisamment.

Tel est le cas également des dépistages, dont la population est à ce jour encore privée, hors cas des malades à risque et des professionnels de santé. 

La France n’a eu d’autre choix, dépourvue de ces moyens, que de plonger le pays dans l’obscurité et la population dans la détresse psychologique et économique, par un confinement généralisé.

Différentes personnalités scientifiques, telles que le Professeur Didier RAOULT, de l’IHU de Marseille, et expert en maladies infectieuses, ont vivement critiqué ce confinement généralisé, en adoptant localement une politique de dépistage sans restriction et de traitement systématique.

Plusieurs pays ont également décidé d’utiliser la technologie des données cellulaires afin d’enrayer la pandémie et permettre, avec des contrôles importants, des dépistages et des masques, d’éviter un confinement généralisé (Inde, Israël, Autriche, Allemagne, Belgique, Hong Kong…).

Alors que le Ministre de la Santé, Olivier Véran, a promis 250 millions de masques, la France comptait avant près d'un milliard de masques de protections dans ses stocks, et au 21 mars 2020, l’Etat n’en n’avait que 5 millions en stock.  

De plus, le Ministre n’a jamais annoncé le nombre de masques FFP2 commandés. Or, ce sont ces seuls masques qui protègent leurs porteurs, qui manquent le plus cruellement au personnel soignant. Selon une source anonyme à la Direction générale de la santé citée par France Info, il n’y en aurait que 74 millions dans le milliard annoncé le 28 mars 2020.

En 2010, devant la Commission parlementaire, la Ministre de la Santé de l'époque, Roselyne BACHELOT, est vivement critiquée pour sa gestion de la crise sanitaire, accusée d'avoir surévalué le danger. 

Alors que Michel Issindou député PS de l'Isère, lui a reproché notamment de faire du "gaspillage" de l'argent public, elle a répondu : 

"Les masques sont un stock de précaution. Excusez-moi si ce mot devient un gros mot ici. Un stock de précaution à toute sorte de pandémie. Et ce n'est pas, évidemment, au moment où une pandémie surviendra qu'il s'agira de constituer les stocks"

Un avertissement qui n’a manifestement pas été pris au sérieux car en 2020, les stocks de masques sont au plus bas et les besoins au plus haut.

La France est alors contrainte de se tourner vers la Chine afin d’en commander, laissant la population sans protection et exposée à un grand risque de contamination.

L’exécutif a en effet été contraint de passer ses commandes chinoises à quatre gros fournisseurs : Segetex EIF, Aden Service, Fosun et BYD. 

Cette liste figure dans des instructions écrites diffusées par le gouvernement et les préfets à l’attention des entreprises et des collectivités locales, pour leur demander d’éviter « si possible » de se fournir en masques auprès de ces « quatre fournisseurs privilégiés de l’État ».

La Police, les Militaires, les professionnels de santé, ne disposent pas du tout de masques pour certains, ou en quantités insuffisantes pour d’autres et sont particulièrement exposés et victimes de cette pénurie dans l’exercice quotidien de leurs fonctions.

 

La fermeture tardive des frontières et l’anticipation de la propagation du virus :

Il est également légitime de se demander si les mesures prises par le Gouvernement ne l’ont pas été trop tardivement quant à la fermeture des frontières ?

La propagation du virus aurait-elle du être anticipée, ou l’a-t-elle été, mais sans mesures adéquates et concomitantes ?

Il convient de rappeler que dès début janvier 2020, le virus était identifié en Chine.

Or, les mouvements de touristes chinois et leurs intensités sont connus des autorités françaises.

Ce n’est que le 17 mars 2020 que les frontières de l’Union européennes sont fermées aux non ressortissants.

Le Gouvernement aurait-il pensé que le virus, tel le nuage radioactif de Tchernobyl, s’arrêterait à la frontière ?

Cette mesure a donc été critiquée, à juste titre, puisque la fermeture des frontières n’a d’intérêt que lorsque la menace est encore lointaine.

La menace infectieuse était pourtant bien connue depuis début janvier 2020.

La mesure, pourtant prévue par le « plan pandémie », a donc été plus politique et symbolique que médicale.

 

-  Une division politique et scientifique critiquable quant aux traitements : des conflits d’intérêts personnels et institutionnels ?

Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), contactée par l'AFP le 22 mars 2020, il existe en France "deux spécialités à base de chloroquine (qui) sont commercialisées : Nivaquine exploitée par Sanofi, et Savarine par ALLIANCE PHARMA LTD. 

Une autre molécule apparentée à la chloroquine est également commercialisée par Sanofi sous le nom Plaquenil (hydroxychloroquine)".

Par arrêté ministériel du 13 février 2020, publié au Journal Officiel le 15 février 2020, sous la signature et autorité de Madame Agnès BUZYN, l'hydroxychloroquine, qui fait partie de quatre traitements expérimentaux contre le nouveau coronavirus, n'a pas été interdite, mais son obtention à été soumise à une ordonnance préalable d'un médecin.

Pourquoi cette soudaine « précaution » ? Interrogée par l'AFP le 23 mars 2020, la Direction générale de la santé (DGS) explique que "la chloroquine, et plus particulièrement l’hydroxychloroquine, peuvent donner de nombreux effets indésirables graves, notamment des risques de toxicité oculaire, jusqu’à la cécité". Ces effets indésirables sont effectivement renseignés sur la notice du médicament, disponible en ligne. Leur fréquence est cependant variable, comme le mentionne la fiche.

L’usage de ce médicament, en vente libre depuis environ 50 ans et dont les effets secondaires sont connus, a donc été soudainement remis en question et son usage considérablement restreint.

L’épidémie est alors déjà existante en Chine.

Le 16 février 2020, soit le lendemain de la publication au Journal Officiel de son arrêté ministériel, alors que l’épidémie se répand en France et en Europe, Madame Agnès BUZYN, démissionne de son poste de Ministre de la santé, afin de se consacrer à sa candidature à la Mairie de Paris.

Les notions d’engagement moral et de patriotisme chez ce Ministre prêtent particulièrement à caution.

Il est d’ailleurs particulièrement choquant de constater que les membres du Gouvernement sont habilités à se démettre de leurs fonctions aussi rapidement et simplement, dans une situation de crise aussi grave.

Si un militaire ne peut refuser le combat en temps de guerre, il devrait en être de même pour les membres du Gouvernement, sauf à être démis de leurs fonctions pour motifs graves et sérieux.

Le décret n°2020-293, du 25 mars 2020, publié au JO le 26 mars 2020, apporte des précisions quant aux prescriptions médicales autorisées et restreintes dans le cadre spécifique de soins au COVID 19.

 

Ce décret précise notamment : 

« La spécialité pharmaceutique PLAQUENIL © et les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin. »

Différentes personnalités scientifiques, telles que le Professeur Didier RAOULT, de l’IHU de Marseille, et expert en maladies infectieuses, soutenu notamment par le Docteur Philippe DOUSTE BLAZY, affirment l’efficacité de ce médicament pour le traitement des malades atteints du COVID 19, permettant, en amont, de diminuer considérablement la charge virale et ainsi d’éviter des complications irréversibles.

Ces personnalités s’étonnent de la soudaine découverte d’effets secondaires et de la défiance du gouvernement envers ce médicament connu et utilisé à l’échelle mondiale depuis près de 50 ans.

De nombreux pays l’utilisent déjà et le produisent en grandes quantités (Chine, Israël, Etats-Unis, Corée, Maroc, Suisse, Allemagne…).

Malgré ces faits, le Gouvernement n’a pas approuvé l’usage de ce traitement, dont l’utilisation reste réglementée et restreinte, sans toutefois proposer de solution alternative et laissant ainsi les décès s’accroître.

Les motifs de la restriction soudaine de l’usage de ce médicament restent obscures et interrogent au regard du nombre de décès liés à ce virus.

Ce médicament est pourtant très peu coûteux et a démontré son efficacité et ses effets secondaires pendant de nombreuses années.

On peut d’ailleurs s’interroger légitimement sur le fait que la restriction du PLAQUENIL, spécifiquement visé dans le décret, ne serait pas liée à des conflits d’intérêts personnels et économiques, laissant place à des traitements plus coûteux… ?

Les conflits personnels et institutionnels interrogent en effet davantage sur la légitimité de la défiance du gouvernement et de certains scientifiques.

Il convient en effet de rappeler que Agnès Buzyn est mariée avec l’ex-directeur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Yves Lévy.

Yves Lévy est un médecin reconnu, spécialiste dans le domaine du VIH. 

En 2014, il a pris la tête de l’Inserm. 

Cette institution est placée sous la cotutelle des ministères de la santé et de la recherche.

Lorsque sa femme, Agnès Buzyn, a été nommée Ministre de la santé en mai 2017, des soupçons de conflits d’intérêts ont émergé. 

Dès la prise de fonctions de cette dernière, un décret avait été pris pour retirer au ministère de la santé la cotutelle de l’Inserm. 

Mais la situation a continué à créer l’embarras, poussant M. Lévy à retirer en 2018 sa candidature pour un second mandat.

Entre le Professeur Didier Raoult et Monsieur Yves Lévy, il y a bien eu un différend.

L’infectiologue marseillais a été l’un des premiers à dénoncer un possible conflit d’intérêts entre l’Inserm et le ministère de la santé. 

Il s’est aussi montré très critique envers l’institution, comme l’explique le journaliste Hervé Vaudoit, auteur de L’IHU Méditerranée Infection. 

Le défi de la recherche et de la médecine intégrées (éd. Michel Lafon, 2018) : « Avec des articles (…) pour déplorer que l’Inserm ait, depuis trente ans, fait sortir la recherche médicale des hôpitaux universitaires, il pouvait difficilement espérer le soutien indéfectible d’Yves Lévy. »

Le conflit s’est cristallisé autour des statuts et labels de l’IHU de Marseille. 

Ces instituts hospitalo-universitaires bénéficiaient, depuis leur création en 2010, d’un statut de fondation de coopération scientifique, qui leur accordait une large autonomie et liberté de recherche. 

Or, Yves Lévy plaidait pour l’abandon de ce statut, selon le journaliste Hervé Vaudoit. 

Quand Madame Buzyn a annoncé vouloir changer ce statut en septembre 2017, l’annonce a provoqué la colère de M. Raoult, qui s’en est ému dans la presse.

Autre motif de conflit, en 2018, l’Inserm et le CNRS ont retiré leur label aux unités de recherche de l’IHU de Marseille. 

Les conflits personnels et institutionnels existent.

Etant également précisé que l’Inserm est en charge de la coordination des essais européens de grande envergure afin de trouver un traitement contre le COVID 19.

Or, force est de constater qu’en pleine crise du COVID 19, l’IHU de Marseille, dirigé par le Professeur RAOULT, n’a cessé de mettre en avant auprès de l’opinion publique et du Gouvernement, l’efficacité d’un traitement à base d'hydroxychloroquine ainsi que la parfaite maîtrise de ses effets secondaires.

Force est également de constater que le Gouvernement est resté plus que défiant envers cette proposition, sans pour autant proposer de solution alternative, si ce n’est soutenir les actions de l’Inserm et laisser les décès s’accroître.

Ces mesures ne sont pas non plus sans incidence sur les cours des actions des laboratoires pharmaceutiques puisque le laboratoire SANOFI (fabriquant du Plaquenil), a enregistré une nette baisse du cours de ses actions (-13,40%), entre janvier et avril 2020, alors que le laboratoire concurrent, GILEAD SCIENCES, a enregistré une nette hausse (17,44%).

Si en l’état des éléments factuels révélés publiquement on ne peut tirer aucune conclusion, on est en revanche légitimement en droit de se poser la question de l’existence de conflits d’intérêts économiques et de la nécessité d’une enquête afin d’approfondir ces éléments.

 

-       Maintien du premier tour des élections municipales :

Enfin, la décision de maintenir le premier tour des élections municipales, le dimanche 15 mars 2020, a été vivement critiquée.

En effet, cette élection a été maintenue en pleine crise sanitaire, et le lendemain, le lundi 16 mars 2020, le Président de la République annonçait les mesures de confinement.

Il apparaît que maintenir un tel événement dans des conditions où les électeurs (20.679.465 votants) et scrutateurs se sont retrouvés regroupés en grand nombre a manifestement créé des risques considérables et déraisonnables pour leur santé.

Le Gouvernement a maintenu ces élections en parfaite connaissance de cause puisque les mesures de confinement ont été décidées concomitamment.

 

V- Des plaintes prématurées ou des infractions difficiles à caractériser : un lien causal fragile 

Il est humain et compréhensible que les souffrances engendrées par une telle crise poussent à tout prix à vouloir trouver des responsables et les faire comparaître devant des Juges.

Il est cependant légitime de se demander si les émotions ne prennent pas le dessus sur la raison et sur le droit et si les plaintes n’ont pas été déposées avec une certaine précipitation.

En effet, d’une part, la crise du COVID 19 est loin d’être terminée et il eut été peut être plus avisé d’attendre de dresser un bilan plus précis et le résultat d’enquêtes parlementaires, notamment, avant de dresser un tableau très incomplet et imprécis des manquements reprochés aux membres du Gouvernement.

Même si des enquêtes seront menées, il appartient en effet au plaignant de caractériser les infractions pénales strictement en rapport avec les faits reprochés.

Cette tâche est loin d’être aisée s’agissant de membres du Gouvernement ayant agit dans le cadre de leurs fonctions.

D’autre part, même si la tentation est grande de construire un pont juridique virtuel reliant les fautes reprochées au Gouvernement aux nombreux décès et aux souffrances de la population française, il ne faut néanmoins pas oublier le droit et que la loi pénale est d’interprétation stricte :

L’émotion et le droit ne font pas toujours bon ménage !

 

1)    Homicide involontaire

Article 221-6 du Code pénal :

·       Modifié par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 185

« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. 

En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende. »

 

L’article 221-6 du Code pénal énumère plusieurs comportements fautifs :

·       La maladresse

·       L’imprudence

·       L’inattention

·       La négligence

·       Le manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement

La faute simple suffit à constituer le délit d’homicide involontaire.

 

On dit qu’il y a une causalité indirecte :

lorsque la faute a créé ou contribué à la situation qui a permis la réalisation du dommage ;

 - ou lorsque l’auteur n’a pas pris les mesures permettant d’éviter la réalisation du dommage.

Lorsque le lien entre la faute et le dommage réalisé est indirect, la responsabilité pénale de la personne physique sera engagée seulement s’il est démontré que cette personne a commis une faute qualifiée. 

 

L’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal distingue deux fautes qualifiées :

·       Une faute délibérée : la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

·       Une faute caractérisée : l’exposition d’autrui à un risque d’une particulière gravité que l’auteur ne pouvait ignorer.

Ainsi, afin d’appliquer cette infraction aux membres du Gouvernement, il faudrait démontrer, à minima, une causalité indirecte, par exemple en prouvant que les mesures permettant d’éviter la propagation du virus et les décès n’ont pas été prises.

 

S’il semble envisageable de démontrer une telle abstention au regard des fautes précédemment évoquées, il faudrait dans ce cas démontrer une faute qualifiée.

Il faudrait donc démontrer soit une faute délibérée, à savoir la violation d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi, ce qui semble illusoire dans la mesure où on ne saurait à quelle obligation légale se référer dans ce type de situation.

Soit démontrer, à minima, une faute caractérisée, à savoir l’exposition à des risques d’une particulière gravité que les Ministres ne pouvaient ignorer.

Sachant que la faute ne peut être appréciée à postériori, mais au moment où elle est commise, on ne pourrait raisonnablement expliquer, à postériori, que les Ministres auraient du avoir connaissance des risques pris par leurs décisions.

Il faudrait démontrer qu’au moment de la prise de décision ou d’abstention (d’application d’un traitement, de commande de masques en temps utile, de fermeture des frontières en temps utile…), les Ministres poursuivis ne pouvaient ignorer exposer la population à un risque d’une particulière gravité.

La démonstration de cet élément de conscience (« ne pouvait ignorer ») d’exposer autrui à un risque d’une particulière gravité semble ici très délicate.

La décision de maintenir le premier tour des élections municipales semble cependant caractériser davantage l’infraction, cette décision ayant été prise concomitamment aux mesures de confinement, ce qui permet d’affirmer que les Ministres ne pouvaient ignorer exposer les participants à l’élection à un risque d’une particulière gravité.

 

2)    Mise en danger de la vie d’autrui 

Article 223-7 du Code pénal :

·       Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002

« Quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »

Si la mise en danger de la vie d’autrui fait partie de la catégorie des infractions non intentionnelles, cela signifie seulement que l’auteur n’a pas volontairement mis la vie de la personne concernée en danger.


En revanche, pour qualifier l’infractionil faut démontrer la volonté intentionnelle de l’auteur d’enfreindre une obligation particulière

Ainsi, lors de ses agissements, l’auteur sait qu’il met en danger l’autre personne, mais il ne souhaite pas pour autant et de manière consciente la mettre en danger. 

Donc, la seule violation d’une obligation particulière ne permet pas de caractériser le délit prévu par l’article 223-1 du code pénal. 

Il faut également démontrer que la violation de cette obligation a été délibérée de la part de son auteur. 

Or, dans une crise sanitaire unique et malgré un « plan pandémie », sans valeur légale ni contraignante, caractériser la violation délibérée d’une obligation semble délicat.

Il pourrait cependant être soutenu que les engagements du Gouvernement exprimés dans ce plan auraient du être respectés et que la France avait l’obligation, notamment, de se doter, comme il l’avait été envisagé en 2010/2011, d’un stock de masques suffisant afin de faire face un ce type de crise.

Si le caractère délibéré des décisions prises à ce sujet ne pose pas de problème, il convient de démontrer concomitamment la conscience de violer une obligation particulière et de mettre en danger autrui.

Il faut en effet démontrer la conscience des Ministres poursuivis à la fois d’enfreindre une obligation particulière et de mettre en danger autrui.

La décision de maintenir le premier tour des élections municipales semble cependant caractériser davantage l’infraction, cette décision ayant été prise concomitamment aux mesures de confinement, ce qui permet d’envisager sérieusement la conscience de violer une obligation particulière de sécurité mise en place par le Gouvernement lui-même et de mettre en danger la vie de plus 20 millions d’électeurs.

Enfin, on sanctionne la personne car elle a exposé l’autre à un risque immédiat de mort, de blessures d’où résulte une mutilation permanente.

Une simple transgression à la règle ne suffit pas à engager la responsabilité de son auteur. 

L’exposition à un tel risque semble pouvoir être soutenue avec sérieux.

En outre, il convient de préciser que si cette infraction pourrait être recevable devant la CJR, le projet du nouvel article 68-1 de la constitution écartant la responsabilité des Ministres à raison de leur inaction, rendrait très probablement cette infraction de droit commun inapplicable devant une juridiction de droit commun en ce qu’elle sanctionne une abstention volontaire de prendre ou de provoquer des mesures.

 

3)    Non assistance à personne en danger

Article 223-6 du Code pénal :

·       Modifié par LOI n°2018-703 du 3 août 2018 - art. 5

« Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le crime ou le délit contre l'intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans. »

Cet article prévoit donc deux infractions : l’absence d’obstacle à un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle et la non-assistance à personne en péril.

En l’espèce, la deuxième infraction nous intéresse.

Le délit de non-assistance à personne en péril est un délit formel, qui implique l’indifférence du résultat (Haute cour de justice, 5 février 1993).

Il est de jurisprudence constante que le péril doit être grave, imminent et constant.

La gravité du péril doit être appréciée au moment où la personne qui peut intervenir à connaissance de celui-ci.

Ainsi, ne sont pas pris en compte les éléments ultérieurs qui démontrent que le péril était moins grave qu’imaginé ou qu’au contraire, il était si grave que l’intervention était forcément inefficace.

On ne pourrait donc démontrer, à postériori, que le péril s’est révélé si grave que les mesures prises en amont ont été forcément inefficaces.

Le délit est constitué dès lors que la personne qui pouvait porter secours ne pouvait se méprendre sur la gravité du péril et s’est volontairement abstenue d’intervenir.

Le délit est également constitué lorsque l’action prise se révèle insuffisante, au regard des moyens dont dispose l’auteur de l’infraction.

S’il semble envisageable de démontrer des abstentions volontaires ou des actions insuffisantes des Ministres, il est difficile de démontrer la conscience de la gravité réelle du péril, sans faire appel à des éléments ultérieurs.

Il faut également prendre en compte les moyens dont disposait le Gouvernement au moment de sa connaissance du péril. 

Or, il semble établi que les moyens d’action étaient plus que réduits.

Ici encore, la décision de maintenir le premier tour des élections municipales semble caractériser davantage l’infraction, étant rappelé encore que cette décision ayant été prise concomitamment aux mesures de confinement, ce qui démontre la conscience de la gravité réelle du péril qui aurait parfaitement pu être évité.

D’autre part, il convient de préciser que si cette infraction pourrait être recevable devant la CJR, le projet du nouvel article 68-1 de la constitution écartant la responsabilité des Ministres à raison de leur inaction, rendrait très probablement cette infraction de droit commun inapplicable devant une juridiction de droit commun.

Telles sont les infractions pénales relevées et qui pourraient être reprochées aux Ministres visés par les plaintes.

Leur application au niveau ministériel et dans le cadre de la gestion d’une crise sanitaire telle que celle du COVID-19, notamment quant au lien causal, semble très délicate.

Des enquêtes seront donc certainement ouvertes et permettront, peut-être, d’obtenir les éléments utiles à la manifestation de la Vérité.

Cependant, en l’état des éléments factuels révélés publiquement, on peut penser que les infractions peuvent être caractérisées quant aux fautes et éléments matériels, ainsi que concernant les dommages subis.

La question de l’élément de conscience requise afin de caractériser les infractions, de violer une obligation particulière, d’exposer autrui à un risque d’une particulière gravité ou encore de mettre en danger autrui, est plus difficile, s’agissant d’un élément plus abstrait, intellectuel et psychologique.

La décision de maintien du premier tour des élections municipales démontre de manière plus évidente cet élément de conscience de la gravité du péril et de mettre en danger la santé et la vie de plus de 20 millions d’électeurs, alors que le confinement et la fermeture des lieux publics étaient décidés concomitamment.

Savoir si au final des responsabilités seront engagées et des sanctions seront prononcées est une autre question…à laquelle la jurisprudence de la Cour de Justice de la République apporte quelques éléments de réponse.

 

 

Benjamin MARKOWICZ

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1 Publié par Giot
28/04/2020 15:00

Cher maître et ami , je viens de consulter se document et ne peut que constater que dans tout les cas ceux qui sont aux manettes font et feront « la pluie et le beau temps » avec nos institutions républicaines et nous devrons nous poser la question... a quand se changement pour une vraie justice pour tous !

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A propos de l'auteur
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Maître Benjamin MARKOWICZ est Avocat inscrit au Barreau de PARIS.

Diplômé de l'Université de PARIS XII d'un double Master en droit des Affaires et en droit européen des affaires.

Il a prêté serment en 2006 et créé son Cabinet en 2012.

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