Inaptitude, reclassement et télétravail du salarié

Publié le 31/03/2023 Vu 1 229 fois 0
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Cass. Soc., 29 mars 2023, n° 21-15.472

Cass. Soc., 29 mars 2023, n° 21-15.472

Inaptitude, reclassement et télétravail du salarié

Dans un arrêt rendu le 29 mars 2023 (n° 21-15.472), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’obligation de reclassement mise à la charge de l’employeur en cas d’inaptitude du salarié, dans le cas où l’avis d’inaptitude préconise un poste en télétravail.

Une salariée engagée en qualité de secrétaire médicale, exerçant en dernier lieu les fonctions d’assistante coordinatrice d’équipe pluridisciplinaire, a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, à l’issue de deux examens médicaux.

L’avis d’inaptitude précisait qu’elle pourrait occuper un poste administratif, sans déplacement, à temps partiel, en télétravail à son domicile avec aménagement de poste approprié.

Malgré cet avis, prévoyant la possibilité du télétravail à domicile, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Elle a contesté son licenciement et la cour d’appel a condamné son employeur à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement.

L’employeur forme un pourvoi en cassation au motif notamment qu’il ne peut se voir imposer de reclasser le salarié sur un poste en télétravail que si le télétravail a été mis en place au sein de l'entreprise, ce qui n’était pas le cas en l’occurrence.

Était ainsi posée à la Cour de cassation la question de savoir si l’employeur, pour satisfaire à son obligation de reclassement d’un salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, doit proposer un poste en télétravail à domicile préconisé par l’avis d’inaptitude.

La Cour de cassation a jugé qu’en ne proposant pas le poste en télétravail à domicile préconisé par l’avis d’inaptitude, l’employeur n’avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement.

Pour parvenir à cette solution, les rappels des textes en vigueur sur la question du reclassement étaient nécessaires.

Tout d’abord, aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

L'article L. 1226-12 du même code dispose que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

Il appartient à l'employeur de proposer au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Dès lors, le fait de ne pas avoir proposé le poste en télétravail à domicile au salarié correspond à un manquement de l’employeur dans son obligation de reclassement, qu’il doit exécuter loyalement, cette exécution loyale n’étant que le corollaire du principe d’exécution de bonne foi du contrat de travail édicté à l’article L. 1222-1 du code du travail.

Enfin, la Cour de cassation a précisé que l’aménagement d’un poste en télétravail peut résulter d’un avenant au contrat de travail.

Une décision similaire avait déjà pu être rendue par la Cour de cassation dans un arrêt du 15 janvier 2014 (n° 11-28.898) : lorsque le médecin du travail préconise pour un salarié inapte à son poste de travail un aménagement de son emploi dans le cadre d'un travail à domicile, l'employeur doit l'étudier. A défaut, l'employeur ne respecte pas son obligation de reclassement, et le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse.

Jérémy DUCLOS
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail

https://www.duclos-avocat.com/ 

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