Détention provisoire : LE droit et MA pratique

Publié le 18/05/2025 Vu 294 fois 0
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Voici quelques éléments concrets pour appréhender la problématique de la détention provisoire...

Voici quelques éléments concrets pour appréhender la problématique de la détention provisoire...

Détention provisoire : LE droit et MA pratique

Il va de soi que les propos tenus sur ce blog n'engagent que moi.

Si la présentation juridique rapide des règles relatives à la détention provisoire se veut objective, la seconde partie intitulée "ma pratique" ne fait état que de ma façon de procéder en tant qu'universitaire puis avocat bercé par cette problématique depuis de longues années.

I) LE droit de la détention provisoire

Quelques mots du droit antérieur avant d’évoquer le droit positif.

A) La détention c'était mieux avant ? Vraiment ?

Chers lecteurs, ne fuyez pas, simplement quelques mots de l'histoire de la détention provisoire autrefois appelée – sous le Code d’instruction criminelle, puis longtemps sous l’empire du Code de procédure pénale – détention préventive.

Ce n'est que par la loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens que la détention préventive en détention provisoire et ce, afin de respecter la présomption d'innocence et à la rendre effectivement exceptionnelle.

En effet, le terme "détention préventive" laissait entendre que la personne incarcérée était déjà coupable. Ainsi, s’il existait une détention préventive, c’est donc qu’elle devait précéder une détention définitive.

La loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 entendait confier le droit de mettre en détention provisoire à une collégialité de magistrats. Toutefois, la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 est revenue sur cette réforme.

Enfin, la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 a confié le contentieux de la détention au juge des libertés et de la détention, juridiction nouvellement instituée (articles 137-1 CPP).

De la sorte, le placement en détention provisoire résulte d’une décision du juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d’instruction. Deux juges sont donc depuis nécessaires pour placer en détention.

B) Le droit positif de la détention provisoire

Je ne détaillerais pas ici les méandres et la complexité de la procédure, je me bornerai à en évoquer rapidement les motifs et la durée.

1) Les motifs

Selon l’article 137 du Code de procédure pénale :

"Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre.

Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique.

A titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d'atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire."

La détention provisoire est donc infiniment exceptionnelle...du moins en droit...

Pour que la personne mise en examen puisse être placée en détention provisoire, il est nécessaire que la peine encourue soit une peine criminelle ou une peine correctionnelle supérieure ou égale à trois ans ou encore que la personne se soit soustraite volontairement aux obligations du contrôle judiciaire ou d'une assignation à résidence avec surveillance électronique.

Les justifications figurent à l’article 144 du Code de procédure pénale :

"La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique :

1° Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;

2° Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

3° Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;

4° Protéger la personne mise en examen ;

5° Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;

6° Mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ;

7° Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire. Toutefois, le présent alinéa n'est pas applicable en matière correctionnelle."

La jurisprudence a interprété strictement ses dispositions et impose aux juridictions de caractériser l’absolue nécessité de la détention provisoire (Crim., 26 février 2008, Bull., n° 50).

La loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention a ajouté un alinéa à l'article 144-1 du Code de procédure pénale :

"Sans préjudice des dispositions de l'article 803-8 garantissant le droit de la personne d'être détenue dans des conditions respectant sa dignité, le juge d'instruction ou, s'il est saisi, le juge des libertés et de la détention doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire, selon les modalités prévues à l'article 147, dès que les conditions prévues à l'article 144 et au présent article ne sont plus remplies. "

2) La durée

Une exigence de délai raisonnable est formulée en cas de détention provisoire de la personne mise en examen par l’article 144-1 alinéa 1er du Code de procédure pénale ainsi que par l’article 5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Il est à noter que le caractère raisonnable du délai s’apprécie suivant les circonstances de la cause (CEDH, Wemhoff c. RFA, 27 juin 1968, série A n° 7).

Ainsi, des motifs constants pour ordonner la prolongation de la détention ou rejeter les demandes de mise en liberté pendant plus de quatre ans ne sauraient justifier le maintien en détention provisoire (CEDH, Dumont-Maliverg c. France, 31 mai 2005, requêtes no 57547/00 et n° 68591/01).

L’engorgement des juridictions ne sauraient pas non plus justifier un maintien en détention provisoire (Crim., 2 septembre 2009, D. 15 octobre 2008, n° 35, p. 2348).

Des délais plus précis sont prévus sont prévus en fonction notamment de la gravité des faits aux articles 145-1 et 145-2 du Code de procédure pénale.

II) MA pratique de la détention provisoire

Pour éviter toute polémique inutile, disons-le clairement, non je n'ai jamais été en détention provisoire, lorsque j'évoque ma pratique il s'agit de ma pratique en tant qu'universitaire, mais aussi en tant qu'avocat.

A) A l'université

J'étais ce que l'on appelle un "universitaire engagé". Longtemps, mes séminaires de procédure pénale en Master 2 droit de la matière pénale dirigé par mon collègue et ami Franck LUDWICZAK étaient organisés autour de cette thématique.

Plus encore, j'ai participé au certificat de l'Université catholique de Lyon "droits debout". J'ai longtemps été en charge de la thématique sur le travail en prison...

Enfin, je participais à tout colloque, table-ronde ou conférence sur cette thématique.

L'idée était simple : sensibiliser les futurs praticiens sur l'univers carcéral en général et sur la détention provisoire en particulier...

B) Au tribunal

Enfin, me direz-vous...on y arrive...

Il n'est pas rare qu'au tribunal j'assiste à des audiences des Juges des libertés et de la détention parce que l'on a toujours à apprendre d'autrui.

Il est très utile de voir des confrères plaider et de voir l'effet de leurs plaidoiries sur leurs clients et le juge.

Il est tout aussi utile d'entendre les réquisitions du procureur de la République.

Le placement en détention est un moment essentiel. Parfois, le client ne connaît pas encore la prison, il faut essayer de lui éviter le choc carcéral. Pour ce faire et parfois en urgence, il est nécessaire de contacter l'entourage et de proposer une alternative crédible à l'emprisonnement qui serait susceptible de remplir tous les objectifs détaillés par le procureur dans son réquisitoire.

En cas de placement en détention, je m’efforce de rester avec le client quelques instants pour discuter avec lui des options envisageables. Il existe des voies de recours. Un détenu a des droits, il est indispensable qu’il comprenne lesquels. La procédure pénale a de nombreux délais, il ne sera pas oublié. Il n’est pas peu fréquent que je viendrais le voir prochainement en détention.

Il n'est parfois pas possible d'empêcher le placement en détention ou encore d'obtenir immédiatement la remise en liberté du client.

Dans ce cas, chaque audience, chaque débat doit tendre à réduire à peau de chagrin les motifs du placement qui, comme indiqué dans le I, doivent être évolués avec le temps.

Une solide connaissance du dossier est indispensable. Ainsi, si une détention est justifiée par l'idée de conserver les preuves ou indices, d'empêcher une concertation frauduleuse et/ou une pression sur les victimes, il est assez facile de relever que les principaux actes d'instruction ont déjà été effectués et n'imposent plus la détention.

Par ailleurs, je porte une attention toute particulière aux audiences ou débats intervenant alors que le renvoi en jugement est acquis et devrait intervenir prochainement. Dans ce cas, j'essaie de convaincre que la personne poursuivie doit comparaître libre.

Ainsi, il sera possible de démontrer, en cas de culpabilité, qu'elle a changé, qu'elle est prête à se réinsérer... . Là encore, la crédibilité du projet est essentielle. Il ne faut pas resservir les mêmes justificatifs que lors des précédents débats relatifs à la détention. Il faut trouver un lieu d’hébergement, loin de faits et un emploi ou une formation incarnant un projet solide préparé en amont. Il est également nécessaire que le discours du client change notamment s’il a été agressif ou imprécis précédemment.

Ce débat est d’autant plus utile que si la personne détenue comparaît libre, la juridiction de jugement pourra avoir tendance à hésite grandement avant de la renvoyer en prison surtout si sa réinsertion est en cours et qu’elle exprime – si elle est coupable – des regrets sincères et offre de réparer les préjudices liés à l’infraction commise.

Enfin, comment parfois ne pas évoquer le taux de densité carcérale 133% de façon globale, ce qui marque de fortes disparités. Je préfère ne pas évoquer la prison de Nanterre tant celle-ci est surpeuplée. Ce chiffre doit alerter, car une telle surpopulation crée nécessairement des problèmes de sécurité et de salubrité.

Le traitement réservé à nos détenus est indigne de la France...

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A propos de l'auteur
Blog de Mikaël Benillouche

Ce blog est destiné à recenser les actualités juridiques en pénal inhérentes à ma profession d'avocat

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