La génèse de l'Office mineurs

Publié le 07/09/2023 Vu 2 484 fois 0
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Le décret n° 2023-829 du 29 août 2023 porte création de l'Office mineurs comme cela avait été annoncé par le Ministre de l'intérieur il y a quelques mois suite au meurtre de la jeune Lola

Le décret n° 2023-829 du 29 août 2023 porte création de l'Office mineurs comme cela avait été annoncé p

La génèse de l'Office mineurs

S'il est un constat partagé par tous, c'est bien celui du constat ou plutôt de l'intuition - en raison de l'absence de statistiques en ce sens - de la hausse des infractions d'atteinte aux mineurs.

Le droit positif n'a pas tardé à répondre à ce phénomène et ce, suite à un fait-divers particulièrement odieux.  

Si cette origine porte les stigmates d'une constante et alarmante dictature du fait-divers ainsi que d'un texte de réaction adopté durant une période particulièrement troublée, il n'en demeure pas moins qu'il constitue une avancée indéniable dans la sauvegarde des droits des mineurs. 

 

1) La genèse de l'OFMIN

 

Le corps sans vie de Lola, une jeune fille âgée de douze ans est découvert le 14 octobre 2022 dans une malle à proximité de l'immeuble où elle réside avec sa famille.

 

La principale suspecte dans l'affaire est mise en examen pour meurtre sur mineur de quinze ans accompagné de tortures ou actes de barbarie et pour viol sur mineur et placée en détention provisoire le 17 octobre 2022.

L'affaire a provoqué une vive émotion en France. L'affaire a ensuite fait l'objet d'une nauséabonde récupération politique de la part de l'extrême droite. 

En effet, non seulement la personne mise en examen est étrangère mais elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'a pas été exécutée. Dès lors, les propositions les plus démagogues et xénophobes ont été formulées. Une véritable surenchère a eu lieu. 

On pouvait entendre sur les plateaux de télévision des élus, des éditorialistes ou même des journalistes appeler de façon irresponsable à une justice expéditrice voire même un rétablissement de la peine de mort ou d'une peine d'emprisonnement à vie guère compatible avec les droits fondamentaux et les engagements internationaux de la France. 

 

Pour rappel, la peine de mort a été abolie par la France par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort. Cette abolition est rappelée par les Protocoles additionnels n° 6 et n° 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. Enfin, sa valeur constitutionnelle résulte de la loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 relative à l'interdiction de la peine de mort insère un nouvel article 66-1 dans la Constitution aux termes duquel : « nul ne peut être condamné à la peine de mort ».

Les parents de la victime demandent que le meurtre de leur fille ne soit pas exploité à des fins politiques.

 

L'avocate des parents, Me Clotilde Lepetit demande l'arrêt de « toute utilisation du nom et de l'image de leur enfant à des fins politiques ».

Sur invitation des parents lesquels ont d'ailleurs été reçus par le Président de la République Emmanuel Macron, le Ministre de l'intérieur Gérald Darmanin assiste aux obsèques de l'enfant. le 24 octobre 2022.

Enfin, une marche blanche en souvenir de Lola a lieu le 16 novembre 2022.

 

Même s'il se défend de toute récupération politique, ce faits-divers entraîne une réflexion sur une nouvelle réforme des règles relatives à l'immigration, voire même un référence mais aussi la création de l'Office mineurs (OFMIN).

Quelques mois plus tard et seulement quelques jours après le décret n° 2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l'éducation nationale déjà commenté sur ce blog, paraît le décret n° 2023-829 du 29 août 2023 portant création de l'Office mineurs (OFMIN).

 

L'office central ainsi créé est rattaché au ministère de l'intérieur et des outre-mer (direction générale de la police nationale, direction nationale de la police judiciaire).

 

  1. Le champ d'application matériel des compétence de l'OFMIN

     

L’office de lutte contre les violences faites aux mineurs, créée en complément de l'Office central de lutte contre les violences aux personnes devrait comprendre trente enquêteurs.

Selon l'article 2 du décret l'office est compétent en matière de lutte contre les infractions commises à l'encontre de mineurs :

- les viols et les agressions sexuelles, y compris incestueux, et leurs tentatives, commis sur un mineur ;

- toutes formes d'exploitation des mineurs ;

- les homicides, tentatives d'homicides et autres violences graves contre l'intégrité physique ou psychique, commis sur un mineur ;

- les faits de harcèlement et de cyberharcèlement scolaires, à l'exception des faits commis dans les circonstances prévues aux articles 132-76 et 132-77 du Code pénal, à savoir en raison soit d'un mobile raciste, soit en raison de l’orientation ou de l'identité sexuelle de la victime.

Cette liste n'est qu'indicative comme en atteste l'emploi du terme « notamment » au frontispice de cette liste.

 

  1. Les missions de l'OFMIN

     

L'article 3 du décret liste les différentes missions. Ainsi :

« L'office est chargé :
1° De procéder, sur l'ensemble du territoire national, à des enquêtes judiciaires relatives aux infractions entrant dans son champ de compétence et présentant une gravité, une complexité ou une sensibilité particulière, une dimension internationale marquée ou une suspicion de caractère sériel ;

2° D'effectuer ou poursuivre à l'étranger des recherches afférentes aux infractions entrant dans son champ de compétence ;

3° Sous le contrôle de l'autorité judiciaire, d'animer et de coordonner, à l'échelon national et au plan opérationnel, les investigations des services et unités de police judiciaire et les recherches entrant dans son domaine de compétence ;

4° D'assister, à leur demande, les services et unités de police judiciaire, le cas échéant dans le cadre de saisines conjointes décidées par l'autorité judiciaire ;

5° De collecter les signalements et informations opérationnelles auprès de divers services partenaires, français et étrangers, et des organes de coopération policière européenne et internationale et d'assurer l'exploitation de ces informations et leur diffusion à l'ensemble des services concourant à la mission et aux autorités judiciaires, tout en effectuant les liaisons nécessaires aux rapprochements entre services enquêteurs ;

6° De centraliser les informations entrant dans son domaine de compétence et dont les services territoriaux de police et de gendarmerie nationales ont connaissance ;

7° De produire un état de la menace dans son champ de compétence ;

8° De participer avec l'ensemble des partenaires concernés à la définition et à la mise en œuvre des mesures de prévention et de détection des infractions entrant dans son champ de compétence. »

 

L'article 4 organise la coopération entre l'OFMIN et les autres organismes d'investigation ainsi que les administrations.

La coopération internationale et européenne n'est pas omise (article 6),

Un des aspects les plus intéressants de l'OFMIN réside dans l'évaluation des phénomènes criminels liés aux atteintes faites aux mineurs (article 5).

Un module de formation spécifique sera proposé aux gendarmes et aux policiers (article 7).

 

Concernant la direction de l'OFMIN, l'article 8 prévoit :

« Le chef de l'office, membre du corps de conception et de direction de la police nationale est nommé par arrêté du ministre de l'intérieur. Il exerce son autorité sur l'ensemble des personnels affectés dans l'office.

Il est assisté d'un adjoint, officier de gendarmerie, nommé dans les mêmes conditions, qui le supplée en cas d'absence. »

Le chef devrait être nommé dans le courant du mois de septembre ce qui permettra l'installation de l'OFMIN. 

 

  1. Un office déjà critiqué

     

Le texte a été globalement bien accueilli par les médias et les partis politiques. 

Pourtant, dans ce climat consensuel une voix dissonante se fait entendre, celle de la "Voix de l'enfant". 

La Voix de l'enfant est une fédération de 82 associations membres qui interviennent dans 80 pays

 

Voici comment cette Fédération définit sa mission :

« Que ce soit pour défendre un mineur isolé, ou parler des projets de l’association, à l’instar des Unités d'accueil pédiatriques enfance en Danger (UAPED) mises en place pour recueillir la parole des enfants maltraités, nous sommes une force de proposition et ne manquons pas d’interpeller les Pouvoirs Publics, les administrations et d’informer l’opinion publique par les médias en rappelant que tout enfant a droit à son enfance ». 

Interpellée sur l'OFMIN le 30 août 2023, Martine Brousse, présidente de La Voix de l'Enfant, a indiqué n'avoir pas été consultée sur ce projet, ce qui n'était pas arrivé depuis près de quarante ans. 

 

Elle critique la méthode qui réside dans le fait de créer sans chercher à renforcer l'existant et ce non sans arrières pensées politiques. 

 

En effet, ce qui manque pour renforcer le droits de l'enfant ce sont davantage les moyens qu'une nouvelle institution...

 

Seule l'expérience de son fonctionnement permettra de vérifier ce présage...

 

  1. Des arrières pensées politiques ?

     

La présidente de la Voix de l'enfant s'interroge légitimement sur le chef de cet organe dont la désignation relève d'un arrêté du Ministre de l'intérieur. 

 

Plus encore, au delà de possibles pensées électoralistes, cette création est utilisée par le Ministre de l'intérieur, selon son propre aveu comme Gérald Darmanin veut prouver « que l’on peut créer des offices de police judiciaire », ce qui validerait son projet de réforme de la police particulièrement contesté par les praticiens. 

Ainsi, ce projet de réforme de la police nationale, voulu par le ministre, fait actuellement l’objet d’une vive opposition d’enquêteurs de la police judiciaire, de magistrats et d’avocats. La réforme prévoit de placer tous les services de police du département - renseignement, sécurité publique, police aux frontières et police judiciaire - sous l’autorité d’un seul Directeur départemental de la police nationale, dépendant du préfet.

Les détracteurs du projet pointent un risque de « nivellement vers le bas » des compétences de la prestigieuse police judiciaire, chargée des crimes les plus graves, et un renforcement du poids du préfet, sous tutelle de l’exécutif, dans les enquêtes.

 

Dès lors la création de l'OFMIN saluée par tous servirait de "béquille méthodologique" à la réforme de la police judiciaire, justifiant globalement l'approche du Ministre de l'intérieur

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Blog de Mikaël Benillouche

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