Condamnation du requérant à une peine perpétuelle conforme à la Convention

Publié le Modifié le 30/12/2014 Vu 1 337 fois 0
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La condamnation du requérant à une peine perpétuelle susceptible d’être réexaminée vingt-six ans après son prononcé est conforme à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme...

La condamnation du requérant à une peine perpétuelle susceptible d’être réexaminée vingt-six ans aprè

Condamnation du requérant à une peine perpétuelle conforme à la Convention

Le 13 novembre 2014, les juges de Strasbourg étaient amenés à statuer sur l'infliction de la peine de perpétuité, constitutive d'un traitement contraire à l'article 3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ["Convention"] ("prohibition de la torture, de traitements inhumains et dégradants") selon le requérant, alors que l'absence de motivation retenue par la cour d'assise au soutien de son verdict méconaissait de surcroît ses droits tirés de l'article 6§1 de la Convention ( "droit à un procès équitable" ). 

Les faits : 

En l'espèce, le requérant fût condamné par la cour d'assises du Bas-Rhin à vingt-ans de réclusion criminelle pour tentative de meurtre, vol avec port d'arme, viol commis sous la menace d'une arme, viol, évasion d'un détenu hospitalisé, vol et violences volontaires en 1996. Le 25 fèvrier 2004, le requérant fut tout de même admis au bénéfice de la libération conditionnelle et remis en liberté le 15 mars 2004. 

Entre le 18 juin et le 25 juin 2004, trois meurtres furent commis autour des localités du Bas-Rhin : le premier concernait une fillette de dix ans, le second une femme de trente-huit ans, le troisième une jeune fille de quatorze ans... Les investigations menées par les enquêteurs et les juges d'instruction saisis des trois affaires, jointes par leur lien de connexité, finirent par révéler que le principal auteur de ces crimes était le requérant. Ce dernier fit donc l'objet d'un mandat de dépôt le 1er juillet 2004. 

Par ordonnance du 20 octobre 2006, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Strasbourg renvoya le requérant devant la cour d'assises sous l'accusation de viols aggravés, de meurtres aggravés, d'enlèvement, de tentative d'enlèvement et de séquestrations en récidive. La cour d'assises du Bas-Rhin condamna le requérant à la réclusion criminelle à perpétuité et dit qu'aucune des mesures d'aménagement de peine ne pourrait être lui être accordée (article 132-23 du code pénal).

Après que le requérant ait interjetté appel de cette décision, la cour d'assises du Haut-Rhin, statuant en appel, confirma la condamnation à perpetuité, vu l'état de récidive résultat de la condamnation définitive prononcée contre le requérant en 1996 par la cour d'assises du Bas-Rhin à la peine de vingt ans de réclusion criminelle. Par décision spéciale, la cour d'assise confirma également qu'aucune des mesures d'aménagement de peines ne pourraient être accordées (ibisindem). 

Par suite de cette décision, le requérant forma un pourvoi près la Cour de cassation : 

- Il fit valoir que l'absence de motivation de l'arrêt d'assises était contraire à l'article 6§1 de la Convention, et dénonçait l'absence d'explication des raisons de la décision sans motivation "autrement que par des réponses affirmatives à des questions posées de façon abstraite, ne faisant aucune référence à un quelconque comportement précis de l'accusé, et se bornant à rappeler chacune des infractions, objet de l'accusation et ses éléments constitutifs légaux ; que ce procédé ne garantirait pas à l'accusé, à l'encontre de qui a été prononcée la peine la plus lourde en droit pénal français, un procès équitable". 

- Il fit valoir que sa peine de réclusion criminelle à perpetuité était contraire à l'article 3 de la Convention en ce qu'elle revêtait un caractère inhumain et dégradant, alors qu'"aucune possibilité ne lui était offerte de bénéficier du moindre aménagement de peine, ni de possibilité éventuelle de sortir, à titre temporaire ou définitif, en dehors d'un décret de grâçe". 

La juridicion suprême de l'ordre judiciaire rejetta le pourvoi formé par le requérant par un arrêt du 20 janvier 2010. 

L'appréciation de la Cour : 

Concernant la violation alleguée de l'article 6§1 de la Convention : 

- la Cour renvoie tout d'abord aux principes ressortant de sa jurisprudence tels que récemment rappelés dans les arrêts Agnelet c/ France (2013); Oulahcene c/ France (2013); Voica c/ France (2013); Legillon c/ France (2013); Fraumens c/ France (2013)

les juges rappellent par la suite que tous les accusés bénéficient d'un certain nombre d'informations, de garanties pendant la procédure criminelle française {lecture de l'ordonnance de mise en accusation dans son intégralité ; exposition, discussion contradictoire des charges ; retrait des magistrats et jurés après la fin des débats et la lecture des questions afin de statuer seulement sur les éléments contradictoirement examinés lors des débats...} 

- aussi, estiment-t-ils que les vingt-sept questions posées, en relation avec l'ensemble des crimes, avec des références aux circonstances aggravantes concernant l'âge des victimes, et auxquelles furent apportées des réponses favorables au prononcé de la culpabilité de l'accusé, témoignaient des garanties suffisamment offertes à ce dernier lui permettant de comprendre le verdict de condamnation dont il a fait l'objet. 

- enfin, la Cour prend note de la réforme intervenue depuis l'époque des faits, avec l'adoption de la loi du 10 août 2011 insérant, dans le code de procédure pénale, un nouvel article 365-1 prévoyant une motivation de l'arrêt rendu par une cour d'assises dans un document appelé "feuille de motivation" annexé à la feuille des questions, alors que la loi exige, en cas de condamnation, que la motivation reprenne les éléments exposés pendant les délibérations ayant convaincu la cour d'assises pour chacuns des faits reprochés à l'accusé.

Concernant la violation alléguée de l'article 3 de la Convention : 

- La Cour renvoie une fois de plus à sa jurisprudence, notamment à son arrêt de Grande Chambre, Vinter c/ Royaume Uni (2013). 

 

- les juges rappellent par la suite que l'article 3 de la Convention interdit que la peine soit de jure (de droit) et de facto (en fait) incompressible : c'est dire que si la Convention n'interdit pas aux Etats d'infliger à une personne convaincue d'une infraction grave une peine de durée indéterminée permettant de la maintenir en détention lorsque la protection du public l'exige, la ou le droit national offre une possibilité de revoir la peine perpétuelle dans le but de la commuer, de la suspendre, d'y mettre fin ou encore de libérer le détenu sous conditions, il n'y a pas de violation de l'article 3. 

 

- à cet égard, ceux ci précisent que l'article 3 implique que les peines soient compressibles, c'est-à-dire soumises à un réexamen permettant aux autorités nationales de rechercher si, au cours de l'exécution de sa peine, le détenu a tellement évolué et progressé sur le chemin de l'amendement qu'aucun motif légitime d'ordre pénologique ne permet plus de justifier son maintien en détention : à la lumière des éléments de droit comparé et de droit international, une nette tendance en faveur de l'instauration d'un mécanisme spécial garantissant un premier réexamen dans un délai de vingt-cinq ans au plus après l'imposition de la peine perpétuelle puis des réexamens périodiques se dégage

- surtout, la Cour relève que la seule perspective d'une libération pour motifs humanitaires, d'une grâçe présidentielle, en l'absence de communications des conditions applicables à ces mesures de "pardon", ne constituent pas des mécanismes efficients de réexamen de la peine permettant la prise en compte de l'évolution des condamnés à perpetuité.

- cependant, les juges strasbourgeoirs relèvent que l'article 720-4 du code de procédure pénale prévoit, qu'à l'expiration d'une période de trente ans d'incarcération, le condamnée puisse être susceptible de bénéficier d'une mesure d'aménagement de peine :à cet effet, le juge d'application des peines doit désigner un collège de trois experts médicaux avec pour mission de se prononcer sur l'état de dangerosité du condamné, avant qu'une commission de magistrats de la cour de cassation juge, vu l'avis de ces experts, s'il y a lieu de mettre fin à l'application de la cour d'assises, permettant au condamné de bénéficier dés lors d'un aménagement de peine. 

Par ces motifs : 

- L'article 365-1 du code de procédure pénale, résultant de la loi du 10 août 2011, en ce qu'il prévoit dorénavant une motivation de l'arrêt rendu par une cour d'assises dans le document appelé "feuille de motivation" présente les garanties suffisante et nécessaires visées par le droit au procès équitable, alors même que la loi exige que la motivation reprenne les éléments qui ont été exposés pendant les délibérations et qui ont convaincu la cour d'assises pour chacun des faits reprochés en cas de condamnation. Non violation de l'article 6§1 de la Convention. 

- La possibilité ouverte par l'article 720-4 du code de procédure pénale de demander un relèvement de la période de sûreté auprès du juge d'application des peines à l'expiration d'un délai de trente ans constitue, bien que ce délai soit supérieur à celui résultant des éléments de droit comparé et international de vingt-cinq ans, une "perspective réelle d'élargissement" même en l'absence d'applications concrètes d'applications à ce jour de cette possibilité. Non violation de l'article 3 de la Convention.

 

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