Commentaire Civ.1 07/04/1998

Publié le 29/11/2021 Vu 1 852 fois 0
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Notion de Responsabilité délictuelle et rupture abusive d'un concubinage

Notion de Responsabilité délictuelle et rupture abusive d'un concubinage

Commentaire Civ.1 07/04/1998

Fiche de jurisprudence

 

Faits : Un couple a vécu pendant 11 années en concubinage. La concubine ayant volontairement abandonné son emploi, en accord avec son partenaire aux fins d’élever leur enfant et de s’occuper de leur foyer, elle se retrouve soudain seule face aux conséquences financières de la rupture qui lui a été imposée.

Procédure : La CA de Paris a indemnisé à hauteur de 500.000 francs au titre du préjudice matériel et moral qu’elle a subi.

La CA a en effet justifié cette décision car il ressortait du dossier une faute de son concubin qui l’a  congédié brutalement pour la remplacer par une autre femme.

Le concubin condamné va former un pourvoi en cassation

Moyens des parties : Le concubin considérait que leur relation était par nature précaire, et  considérant que sa partenaire ayant imprudemment quitté son emploi, elle devait assumer seule les conséquences financières de leur rupture.

Problème de droit : La responsabilité personnelle pour faute peut-elle être retenue en cas de rupture d’une relation de concubinage ?

Réponse de la Cour de cassation : Oui, dans la mesure où il est souverainement constaté par les juges du fond les caractéristiques des conditions d’engagement de la responsabilité du fait personnel

 

 

I – Conditions d’engagement de la responsabilité du fait personnel

 

 A – La nature extra contractuelle propre aux relations de concubinage

La relation d’union libre n’est pas qualifiée juridiquement, il n’existe dès lors aucun contrat entre les parties qui vivent en concubinage.

En cette matière la rupture comme la volonté de vivre ensemble est par principe libre.

Néanmoins, à l’image de la rupture abusive des fiançailles, le CC a pu énergiquement décider la faculté pour le partenaire auquel la rupture est imposée, d’agir en responsabilité contre l’autre pour réparer le préjudice éventuellement subi à l’occasion de la liquidation.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 novembre 19991 a ainsi ou décider que la faute pouvait tenir notamment aux conditions de la rupture et que le droit d’agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle est garanti constitutionnellement par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

 

B – Vérification des conditions d’engagement de la responsabilité

Ce type de responsabilité nécessite que soit prouvée la faute, laquelle est définie par Planiol : « Comme étant le manquement à une obligation préexistante »

Elle peut être de commission (on réalise un acte illicite) ou d’abstention (on ne réalise pas un acte qui apparaît obligatoire), il n’est pas nécessaire que la faute soit grave ou qu’elle témoigne d’une intention de nuire (Civ., 27/02/1951, Branly).

Elle laisse ainsi envisager l’idée selon laquelle la responsabilité de l’auteur du fait fautif n’est prévue qu’en présence de la violation d’une règle légale.

Or, en l’espèce, il faut qualifier d’abusive la rupture du concubinage pour que la faute et donc la réparation du préjudice soit possible.

C’est ainsi ce qui est retenu par la CA, puisqu’elle relève :

-        Que la concubine avait quitté son emploi d’un commun accord avec son conjoint pour élever leur enfant et s’occuper du foyer ;

-        Pour vivre avec une autre femme ;

-        En la laissant sans aucun moyen de subsistance

Ces trois éléments, ont permis à la CA de qualifier cette rupture d’abusive et donc de fautive, la concubine dispose dès lors d’un droit nécessaire à réparation, le préjudice ne pose en effet ici aucune difficulté pour être évalué et être réparable.

Les conditions d’engagement de la RC étaient donc réunies sous réserve de l’existence d’un lien de causalité.

II – L’existence nécessaire d’un lien de causalité

 

A – La recherche par la CA d’un lien de causalité

Pour échapper aux conditions d’engagement de la RC, l’auteur du fait générateur peut tenter de rompre le lien de causalité, l’unissant au dommage.

Dans le cadre d’une responsabilité pour faute, le lien de causalité est développé selon la doctrine selon :

-        L’équivalence des conditions ;

-        La théorie de la causalité adéquate

En l’espèce, la responsabilité n’est pas de plein droit mais doit être prouvée, il faut que la victime démontre l’existence d’une faute, la théorie de la causalité adéquate étant retenue en matière de responsabilité de plein droit.

Dans cette affaire, l’enchainement des causes (abandon volontaire de l’emploi), rupture pour vivre avec une autre femme ont été directement lié au préjudice subi par la victime.

La CA a donc pu reconnaître suivie en cela par la Cour de cassation du lien de causalité existant entre le comportement fautif de son ex concubin et sa situation.

Le droit à une réparation intégrale état donc ouvert à la victime

 

B – La volonté de rupture du lien de causalité du demandeur au pourvoi

En l’espèce, l’auteur du fait dommageable avait développé dans son pourvoi sa volonté de démontrer l’existence d’une rupture du lien de causalité

En effet, selon lui, la relation de concubinage était par nature précaire, il ne saurait donc y avoir engagement ferme et définitif susceptible de rendre la rupture fautive.

Par ailleurs, il s’agirait de la volonté unique de son ex concubine de se priver au début de leur relation involontairement d’emploi, aucun droit à réparation ne pouvait donc découler de cette rupture, car les éléments de fait démontre que la victime a in fine été à l’origine de son préjudice.

La CA en lui accordant des DI aurait donc violé les conditions d’engagement de la RC.

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