Civ.1°, 14/05/91
Une personne avait confié une série de diapositives à un laboratoire qui les avaient égarées.
Une assignation en responsabilité a été délivrée.
Le TI de Béthune a condamné le laboratoire à payer au justiciable la somme de 3.000 francs en réparation de son préjudice constatant que la clause de non responsabilité insérée dans le contrat était réputée abusive et donc inopposable face à un client de bonne foi.
Un pourvoi est formé par la société
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Le demandeur au pourvoi rejette l’argumentation de du TI et considère que la clause est licite arguant de deux moyens :
- Il dispose d’une obligation de moyen, c'est-à-dire qu’il doit tout mettre en œuvre pour obtenir le résultat visé mais qu’au cas où ce dernier n’aurait pas été atteint, il peut
s’exonérer de sa responsabilité, à l’inverse de l’obligation de résultat qui ne peut être écartée qu’en raison d’un cas de force majeure. Le TI en ne recherchant pas si les critères de distinction de l’obligation de résultat étaient réunis n’a pas donné de base légale à sa décision.
- D’autre part, le TI n’a pas relevé en quoi, une clause limitative de responsabilité qui est en soi licite, était en l’espèce abusive.
La question posée était de savoir si le juge pouvait condamner directement une clause abusive stipulée dans un contrat de prestation de service ?
En répondant par l’affirmative, la Cour de cassation fait une application extensive de la loi Scrivener du 10/01/78 qui, définissant la notion de clause abusive comme étant une stipulation créant un déséquilibre significatif à l’égard de la partie la plus faible (le consommateur) donnait néanmoins le pouvoir de contrôle de ces clauses au pouvoir réglementaire et non au juge.
Un décret du 24/03/78 avait dès lors interdit les clauses limitatives de responsabilité dans les contrats de vente.
En l’espèce, nous n’étions dans le cadre d’une prestation de service, donc, d’un contrat d’entreprise et non de vente, or, ici, la Cour de cassation a décidé de s’affranchir du texte réglementaire et de justifier une condamnation « contra legem » au nom de la création en l’espèce, d’un avantage manifestement excessif que cette clause attribuait au laboratoire.
Le législateur est venu cependant valider cette interprétation dans le cadre de la transcription d’une directive du 05/04/93, le 01/02/95 donnant ainsi le pouvoir au juge de déclarer comme abusive certaines clauses limitatives de responsabilité.
Le code de la consommation a repris cette idée et la CJCE « 04/06/09 » avait par ailleurs décidé que le juge avait l’obligation de relever d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle.
Plan
I – Le principe de l’encadrement des clauses abusives par un texte réglementaire
- A – Principe de la liberté contractuelle des parties et la notion de clauses abusives
a) La liberté contractuelle
En principe, on apprécie l’équilibre d’un contrat dans sa totalité et non au regard de chacune de ses clauses, mais à partir des années 70, est née l’idée, qu’un contrat pourrait générer un avantage manifestement excessif à l’une des parties.
b) La notion de clause abusive
Le droit de la consommation, en tant que droit spécial, les sanctionnent (L.212-1) si tant est qu’un double caractère existe :
- Consommateur ou non professionnel ;
- Grave atteinte à l’équilibre du contrat.
Si ces deux critères sont réunis, le contrat est réputé vicié par la présence de cette clause, quelque soit sa nature, il n’est pas nécessaire d’être face à un contrat d’adhésion. Elle est alors réputée non écrite, elle est annulée, sans que la validité du contrat n’en soit affectée.
- B – Sous réserve d’un encadrement légal
La loi Scrivener du 10/01/78 donnait cependant le pouvoir de contrôle de ces clauses au pouvoir réglementaire et non au juge.
Par ailleurs, un décret du 24/03/78 avait interdit les clauses limitatives de responsabilité dans les contrats de vente.
Ces clauses devaient être considérées comme abusives par décret, il existait deux catégories (décret du 18/03/09) :
- Les clauses noires, irréfragable ment réputées comme abusives, le professionnel ne peut invoquer un moyen de défense ;
- Les clauses grises, elles sont présumées abusives, le professionnel peut apporter des moyens de défense
En théorie, le juge ne disposait dès lors pas du pouvoir de soulever d’office ce type de clause en dehors des contrats de vente.
II- L’interprétation extensive et contra-legem de la Cour de cassation
A- L’application aux faits de l’espèce
En l’espèce, nous n’étions dans le cadre d’une prestation de service, donc, d’un contrat d’entreprise et non de vente, or, ici, la Cour de cassation a décidé de s’affranchir du texte réglementaire et de justifier une condamnation « contra legem » au nom de la création en l’espèce, d’un avantage manifestement excessif que ce clause attribuait au laboratoire.
B – La valeur et la portée de cette interprétation jurisprudentielle
a) La valeur
Le législateur est venu valider cette interprétation dans le cadre de la transcription d’une directive du 05/04/93, le 01/02/95 donnant ainsi le pouvoir au juge de déclarer comme abusive certaines clauses limitatives de responsabilité.
Le code de la consommation a repris par ailleurs cette idée et la CJCE « 04/06/09 » avait par ailleurs décidé que le juge avait l’obligation de relever d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle.
Le juge peut désormais soulever d’office un moyen d’OP : Même si les parties n’ont pas développer ce moyen, sans risque de juger « ultra petita », le juge doit relever ce moyen dès lors que la loi l’y autorise pour considérer comme non écrite une clause abusive.
b) La portée
L’ordonnance du 10/02/16 a introduit un principe de prohibition des clauses créant un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties (1171 du Code civil). Ce qui signifie que sa portée est moins restrictive (entre pro ou consommateurs).
La loi de ratification du 20/04/18 a ajouté une condition supplémentaire aux deux antérieurement prévues :
- Les clauses doivent déséquilibrer les droits et obligations des parties ;
- Cela ne doit pas porter sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ;
- La clause ne doit pas avoir été librement négociée.
La clause est alors réputée non écrite.
Il est prévu que cette disposition viennent interdire ces clauses dans le cadre de contrat d’adhésion et complète en cela les dispositions du code de la consommation et celles de l’article L.442-6 I du code de commerce (en cas de professionnels).