Commentaire de l'arrêt rendu en AP le 17/11/00

Publié le 08/10/2019 Vu 10 056 fois 0
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Présentation de l'arrêt PERRUCHE

Présentation de l'arrêt PERRUCHE

Commentaire de l'arrêt rendu en AP le 17/11/00

INTRODUCTION

  

Par un arrêt rendu en AP, en date du 17/11/00, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’étendue de la réparation possible en cas de handicap dû à une faute médicale.

En l’espèce, une femme enceinte avait fait une recherche d’anticorps de la rubéole auprès d’un laboratoire de biologie médicale.

Les tests pratiqués lui ont fait croire à tort, qu’elle était immunisée contre cette maladie. Elle aurait souhaité pratiquer une IVG si l’enfant avait présenté le risque de naître handicapé.

Or, l’erreur de diagnostic a entraîné chez ce dernier de graves séquelles.

Une action en responsabilité avait été exercé par les parents de l’enfant mineur en leur nom propre et au nom de ce dernier.

Un appel a été interjeté.

La CA de Paris 17/12/93 s’est prononcée et a refusé l’indemnisation de l’enfant.

La Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt et a prononcé le renvoi de l’affaire.

La CA de renvoi a résisté à la décision de la Cour de cassation et dans son dispositif a énoncé : « l’enfant Nicolas X... ne subit pas un préjudice indemnisable en relation de causalité avec les fautes commises “ par des motifs tirés de la circonstance que les séquelles dont il était atteint avaient pour seule cause la rubéole transmise par sa mère et non ces fautes et qu’il ne pouvait se prévaloir de la décision de ses parents quant à une interruption de grossesse ».

Un nouveau pourvoi est alors formé, il est porté devant l’AP.

L’AP de la Cour de cassation du 17/11/00 va au contraire considérer que la naissance d’un enfant atteint d’un handicap pouvait constituer un préjudice duquel l’enfant était susceptible d’obtenir réparation.

La Cour de cassation était interrogée sur le fait de savoir s’il était juridiquement recevable d’indemniser le préjudice du fait de la naissance d’un enfant handicapé à la suite d’une erreur dans le diagnostic prénatal ?

Subsidiairement était posé deux questions :

1)      Existe-t-il un lien de causalité entre la faute du médecin et le préjudice de l’enfant ?

2)    Peut –on justifier la réparation du préjudice de l’enfant résultant de son handicap ?

Apportant une réponse, la Cour de cassation a appliqué la théorie de l’équivalence des conditions et permis l’établissement d’un lien de causalité favorisant ainsi la condamnation in solidum du médecin et du laboratoire.

Cette motivation ayant été amplement discutée par la doctrine, il apparaît important de déterminer tant les préjudices réparables (I) que les contestations juridiques portées à l’arrêt PERRUCHE (II)

 

I – La détermination des préjudices réparables

 

A – L’admission du préjudice lié au handicap

Principe : Dès lors qu’une faute contractuelle est commise durant l’exécution du contrat, la responsabilité des auteurs de la faute est engagée sous réserve de l’existence d’un lien de causalité et d’un préjudice ;

Application : Les 3 éléments étant réunis, le préjudice devait être indemnisé.

En effet, tant devant les juges administratifs, que devant les juges civils, les parents pouvaient, lorsqu’ils parvenaient à prouver que dûment informés de la situation, ils auraient eu recours à l’IVG, obtenir réparation des charges qu’ils devaient supporter en raison du handicap de l’enfant.

En revanche, l’indemnisation du préjudice lié à la vie faisait l’objet d’un refus constant des juridictions saisies (B).

 

B – le refus d’indemniser le préjudice lié à la vie

Ainsi, avant cette décision, le CE Ass, 02/07/82 avait pu considérer que : « La naissance d’un enfant, même si elle survient après une intervention pratiquée sans succès (IVG) n’est pas génératrice d’un préjudice de nature à ouvrir une réparation.

De même, la Cour de cassation, Civ.1° du 25/06/91 avait pu décider que « l’existence de l’enfant qu’elle a conçu ne peut, à elle seule, constituer pour sa mère un préjudice juridiquement réparable même en cas d’IVG pratiquée sans succès ».

Les juridictions civiles et administratives étaient donc sur la même position.

On ne pouvait pas réparer un préjudice du seul fait d’être né alors même que la mère ne l’avait volontairement pas souhaité (en ayant notamment recours à une IVG).

L’attendu de la Cour de Cassation a néanmoins suscité de nombreuses contestations doctrinales car en caractérisant le dommage comme : « la naissance d’un enfant atteint d’un handicap », cette formulation revenait à dire qu’il aurait été préférable pour cet enfant de ne pas naître.

Deux types de contestations se sont ainsi ultérieurement élevées (II).

 

  II – Les contestations juridiques portées à l’encontre de l’arrêt PERRUCHE

A – A l’égard des défendeurs

La Cour de cassation avait en effet appliqué la théorie de l’équivalence des conditions afin d’établir l’existence d’un lien de causalité et permettre la condamnation in solidum du médecin et du laboratoire.

La mise en cause des défendeurs avait été contestée car l’analyse du lien de causalité telle qu’elle avait été faite par la Cour de cassation retenait leur faute, comme, cause du dommage.

Or, la cause du dommage était la maladie contractée par la mère.

Le handicap ne résultait donc pas à proprement parler de la faute médicale.

Par ailleurs, le fait de considérer que la naissance était en soi un préjudice posait problème.

Il faut en effet distinguer entre la notion de causalité médicale (le médecin cause directement ou indirectement un dommage) et la causalité juridique (qui est plus large) – on prend en compte dans la théorie de l’équivalence des conditions tous les éléments qui ont été de près ou de loin à l’origine du dommage.

 

B – Au regard du droit positif postérieur

La loi du 04/03/02 et l’article L.114-5 du CAS et des familles s’est positionnée contre cette jurisprudence (loi anti-Perruche).

L’article L.114-5 du CASF impose désormais de démontrer l’existence d’une faute dont le médecin est directement responsable afin engager sa responsabilité (s’il provoque directement le handicap - c’est l’exemple de l’amniocentèse défectueuse), sa responsabilité peut toujours être engagée.

En revanche, si la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse et que la faute est caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice ;

Il faut donc que les parents prouvent que le médecin a commis une faute « caractérisée ».

Cette notion tend à être comprise comme relevant le seuil de la faute.

 

Les parents ne pourraient plus se contenter d’établir une faute simple du médecin pour obtenir une réparation de leur préjudice.

 

Il faudrait établir une faute d’une certaine gravité (qui se caractériserait par son intensité et son évidence), proche de la faute lourde.

 

Enfin, le troisième et dernier alinéa du texte restreint également (et drastiquement) la réparation allouée aux parents jusqu’alors.

 

Si les parents peuvent encore agir contre le médecin, c’est uniquement afin d’obtenir réparation d’un autre préjudice (à savoir essentiellement un préjudice moral né de l’impossibilité d’avoir pu avoir recours à une IVG et de l’impossibilité d’avoir pu se préparer à l’arrivée d’un enfant handicapé).

 

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