Guide du droit de l'UE 1-T° STMG

Publié le 06/01/2020 Vu 2 025 fois 0
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Présentation rapide des fondamentaux à connaître en matière de droit de l'UE

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Guide du droit de l'UE 1-T° STMG

Guide de l’Union européenne

 

Partie I – Panorama de l’UE

I - Historique

Au lendemain de la 2nd guerre mondiale tout est à reconstruire et à moderniser.

L’Europe est dans une phase de forte croissance économique et certains hommes politiques utopistes envisagent de mettre en place les conditions d’une paix durable.

A cette fin, il faut développer les échanges commerciaux entre européens.

En 1951, 6 pays vont alors s’unir au sein de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), puis, ils vont créer la CEE en 1957.

Le Traité de Rome du 25/03/57 visait à étendre le marché commun à l’ensemble des activités économiques. Deux Traités vont alors être signés à Rome :

-          L’un donne naissance à la CEE ;

-          L’autre prévoit le développement à des fins pacifiques de l’énergie nucléaire (EURATOM).

Entre 1960-1969, les pays membres de la CEE abandonnent les droits de douane dans leurs échanges commerciaux. Ils s’ouvrent à la consommation de masse et souhaitent développer une agriculture performante, sera alors créé la PAC (Politique agricole commune).

La CEE est un succès et s’ouvre à d’autres pays membres en 1973.

Sur proposition du Président français, VGE, il sera créé un « Conseil Européen », réunissant trois fois par an les Chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres et chaque fois que cela s’avèrera nécessaire pour débattre des affaires de la CEE et des orientations de la politique étrangère.

Le 10/03/1979, le SME (système monétaire européen) est créé et donne naissance à l’Ecu, appelé à devenir la nouvelle monnaie européenne.

En 06/1979 est élu pour la première fois au suffrage universel direct des députés européens.

En 1986, l’Acte unique fonde alors que l’Europe s’agrandit à 12 membres, le marché unique, ôtant tout obstacle à la circulation des marchandises au sein de la CEE dès le 01/01/1993.

En 1992, sera signé à Maastricht, le Traité portant création de l’UE. Il sera réformé en 1997 par le Traité d’Amsterdam.

Le 01/01/1999, l’Euro devient la monnaie officielle de l’UE.

Le 07/12/00, il est proclamé la « Charte des droits fondamentaux de l’UE ».

Le 26/02/01 est signé le Traité de Nice qui ouvre la voie à l’élargissement de l’UE.

Le 13/12/07, le Traité de Lisbonne modifie les traités antérieurs, abandonnant le projet de création d’une Constitution européenne. L’Europe compte alors 27 membres.

Le 01/07/2013, la Croatie adhère à l’UE, elle compte 28 membres.

Le 29/03/17, le RU notifie au Conseil Européen son intention de quitter l’UE. Le départ serait officiellement prévu au 31/01/20.

 

II – L’intérêt des élargissements successifs

A – Produire une dynamique

L’UE a 28 membres comprend 514 millions d’habitants, soit, plus que les USA et la Russie réunies.

L’élargissement concerne de nombreux domaines et a deux objectifs :

-          Assurer la stabilité politique des régimes ;

-          Conforter l’Europe dans son statut de grande puissance.

Sur le plan économique, cela augmente la taille du marché unique, donc offre des perspectives en matière d’investissements et d’échanges.

Cela doit renforcer la capacité d’action face aux menaces des flux migratoires, à la protection de l’environnement ou à la lutte contre le crime organisé.

Sur le plan juridique, les nouveaux adhérents appliquent la législation européenne dès le premier jour de leur adhésion mais des clauses de sauvegarde peuvent être invoquées par les autres Etats membres pour éviter le risque de dumping fiscal, environnemental ou social.

Il y a ainsi la volonté de favoriser la mobilité de la main d’œuvre au sein de l’UE.

 

B – Consolider la démocratie en Europe

Tout Etat européen qui respecte les principes de liberté, de démocratie, les droits de l’homme et les libertés fondamentales ainsi que l’Etat de droit peut demander à adhérer à l’UE.

Les nouvelles demandes sont examinées avec la mise en place d’un mécanisme de « coopération et de vérification » des progrès en matière de lutte contre la corruption et contre le blanchiment ou le crime organisé.

La question de l’élargissement des frontières fait cependant débat.

A ce titre, permettre un nouvel élargissement a justifié la nécessité de modifier les institutions (objet du Traité de Lisbonne).

En cas de difficulté, il est proposé aux pays d’entrer à moyen terme dans l’UE non pas en y adhérant pleinement mais sur le principe du partenariat privilégié.

 

III – La remise en cause de cet élargissement – Le Brexit

Les britanniques ont manifesté leur volonté de quitter l’UE lors du référendum du 23/06/16.

Dans la loi Britannique, le référendum n’étant pas contraignant, ce sont les parlementaires qui doivent donner au Premier Ministre l’autorisation et le pouvoir de notifier à l’UE leur volonté de quitter l’UE.

Cette procédure est prévue par l’article 50 des Traités. Il est nécessaire d’en faire une notification officielle au Conseil Européen. Ce qui fut fait le 29/03/17.

Les modalités de retrait sont alors négociées.

Les traités de l’UE cesseront d’être applicables dès l’entrée en vigueur de l’accord de retrait, ou à défaut d’accord, deux après la notification de l’Etat sécessioniste.

 

 

Partie II – Les institutions politiques

La commission européenne

Elle a pour vocation d’exprimer l’intérêt général de l’UE. Ils proposent et mettent en œuvre la politique de l’Union.

La commission est composée de 28 commissaires (1 par Etat membre). Elle est élue pour 5 ans.

Le Président et les commissaires sont nommés par le Conseil à la majorité qualifiée après un vote d’approbation du Parlement européen.

Chaque commissaire est responsable d’un secteur mais la Commission décide collégialement sur chaque dossier. Chaque commissaire est indépendant des Etats membres.

-          Un rôle législatif :

Elle a pour objet d’élaborer les propositions de réglementation et de les soumettre aux autres organes (Conseil et Parlement). Elle travaille en collaboration avec les Etats membres et les lobbies dans le but d’obtenir un compromis.

-          Un rôle exécutif :

Après l’adoption de la législation par le Conseil des ministres, elle met en œuvre la législation et les politiques de l’Union, elle peut à ce titre adopter des textes d’application.

Elle exécute le budget de l’Union et gère les crédits. Elle représente les pays tiers et négocie des accords pour le compte de l’Union.

-          Un rôle de garant des Traités :

Elle veille à ce que le droit de l’Union soit correctement appliqué. Elle peut ouvrir des procédures d’infraction contre les Etats membres qui ne respecteraient pas le droit de l’Union et les assigner devant la CJUE (procédure de recours en manquement).

-          Un pouvoir d’enquête et de poursuite :

Au regard des entreprises, dans le cadre du respect de la politique de la concurrence.

 

 

Le Conseil des ministres ou Conseil de l’UE ou Conseil

Il est l’organe décisionnaire de l’UE. Il a une composition variable en fonction des dossiers traités. Les ministres sont compétents pour engager l’Etat qu’il représente et pour exercer le droit de vote.

-          Le Conseil des affaires générales assure la cohérence des différentes formations du Conseil ;

-          Le Haut-Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et pour la politique de sécurité, élabore l’action extérieure de l’Union ;

-          Le Comité des représentants permanents, composé des représentants des Etats membres auprès de l’UE, prépare les dossiers du Conseil et se livre à des « prénégociassions ».

La Présidence est assurée tous les 6 mois par les représentants de chacun des Etats. Elle a un rôle d’impulsion et de coordination.

Le Conseil crée la législation de l’UE en adoptant les propositions faites par la Commission.

Ce pouvoir est partagé avec le Parlement européen.

Il assure la coordination des politiques économiques des Etats membres et joue un rôle essentiel dans la définition de la politique étrangère et la sécurité commune sur la base des orientations générales définies par le Conseil européen.

Il conclut des Traités avec les autres Etats.

 

Le Conseil européen

Il se compose des chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’UE ainsi que de son Président et le Président de la Commission.

Il se réunit deux fois par an ou en session extraordinaire si les circonstances l’exigent.

Le Président a pour tâche de faciliter la cohésion et le consensus au sein de Conseil européen.

Il donne à l’Union les impulsions nécessaires et en définit les politiques générales.

Il n’a pas de pouvoir législatif.

Le Parlement européen

Il représente l’ensemble des peuples européens. Ses députés sont élus pour 5 ans au suffrage universel direct.

La procédure législative ordinaire est la codécision. Il adopte avec le Conseil les directives et les règlements.

Dans certains domaines (fiscalité ou sécurité sociale), il est simplement consulté pour avis sans que ce dernier ne soit contraignant.

Pour certaines décisions majeures (accords internationaux, nouvelles adhésions à l’UE) sont accord est essentiel pour engager l’UE.

Il a un pouvoir majeur dans l’acceptation du budget de l’UE.

Il assure enfin un contrôle de la politique générale des activités de l’UE. Il peut censurer la Commission et l’obliger à démissionner.

Ses membres peuvent poser des questions orales et écrites à la Commission et créer des commissions d’enquête et examiner les pétitions formées par les citoyens

 

Partie II – Les institutions juridiques

Elle est composée de 3 juridictions, La Cour de justice, le Tribunal et le Tribunal de la fonction publique. Sa tâche est d’interpréter et d’assurer une application uniforme du droit de l’UE.

-         La Cour de justice

Elle se compose de 28 juges assists de 8 à 11 avocats généraux, nommés pour 6 ans par les Etats membres. Ils sont choisis pour leur qualité d’indépendance et de compétence. Le Président est élu pour 3 ans parmi les 28 juges. Ses arrêts sont applicables immédiatement.

Elle est compétente :

-          Pour régler les litiges entre Etats membres ;

-          Pour régler les litiges entre l’UE et un Etat membre (recours en manquement de la Commission européenne) ;

-          Pour régler les litiges entre les Institutions de l’UE (Le Parlement reproche au Conseil de ne pas l’avoir consulté) ;

-          Dans le cadre d’un recours préjudiciel, ce cas de figure intervient lorsqu’il y a un litige devant une instance nationale.

 

Focus sur le recours préjudiciel

Au préalable, il faut rappeler que les juges nationaux, sont les juges de droit quant à la validité du droit européen.

Par cette question, le magistrat national saisi demande à la Cour de justice comment il doit interpréter une norme européenne (Traité, ou de droit dérivé) ou comment apprécier la validité d’un acte de l’UE (règlement, directive).

La juridiction nationale doit avoir un doute sur la signification ou la validité d’une disposition.

-          Deux cas de figure s’offrent aux juges nationaux :

La décision est susceptible de recours, la question posée est facultative, sauf si elle est posée en appréciation de la validité ;

Si la décision n’est pas susceptible de recours, le renvoi est obligatoire dans tous les cas.

Les débats sont suspendus en l’attente de la réponse qui s’imposera au juge national.

Les particuliers ne peuvent pas agir contre un Etat membre devant la CJUE.

 

Focus sur le renvoi en interprétation

Il porte sur l’ensemble des dispositions du droit européen, droit primaire et droit dérivé

 

Focus sur le contentieux de l’UE

-         Le recours en carence

Il est prévu aux articles 265 et 266 du TFUE. C’est un contrôle direct de la légalité de l’inaction de l’Union par le juge européen.

Peuvent agir les Institutions de l’UE, les Etats membres et les personnes physiques et morales.

L’arrêt en carence déclare contraire au droit de l’UE l’abstention d’agir de l’institution ou l’organe en cause.

Aucune injonction à agir n’est cependant possible.

-         Le recours en annulation

Il est prévu aux articles 263, 264 et 266 du TFUE. Il vise à contrôler la légalité d’un acte de l’UE pour incompétence de l’institution, de l’auteur de l’acte, la violation des formes substantielles, la violation des Traités ou de toute règle de droit interne.

Peuvent agir les Etats membres, le Parlement européen, le Conseil, la Commission européenne, la Cour des comptes, la Banque centrale européenne, le Comité des régions et toute personne physique ou morale

Le juge pourra arrêter la nullité de l’acte à l’égard de tous. La Cour peut limiter la portée rétroactive de l’annulation. C’est à l’auteur de l’acte d’agir aux fins d’exécuter cet arrêt.

-         Le recours en manquement

Peuvent agir la Commission (258 du TFUE) ou un Etat membre (259). Les particuliers ne peuvent pas agir directement, ils peuvent se plaindre à la Commission via le Parlement européen ou le médiateur européen.

Ils peuvent invoquer devant le juge national, les dommages qui leurs sont causés par la violation du droit européen imputables à un Etat et en obtenir réparation.

L’arrêt est doté de l’autorité de la chose jugée, des mesures nationales doivent être prises pour remédier au manquement.

L’arrêt est doté de la chose interprétée, l’ensemble des Etats membres de l’UE doivent interpréter et appliquer le droit de l’UE tel qu’il résulte de l’arrêt.

-         Le recours en indemnité

Peuvent agir toute personne physique ou morale et tout Etat membre, dès lors que le requérant a un intérêt à agir.

Comme tout engagement en responsabilité, il faut établir l’existence :

-          D’une faute (CJCE, 02/12/71, Aff 5/71) ;

-          Un dommage patrimonial ou moral (CJCE, 12/07/57, aff.7/6n Algera et Consorts) ;

-          Un lien de causalité direct (CJCE, 18/03/80, aff.154/78)

La réparation est de nature financière.

 

-         Le Tribunal

Il est la juridiction de 1° instance de la Cour. Les juges sont nommés par les Etats membres. Possibilité d’un pourvoi devant la CJUE (limité aux questions de droit).

 

-         Le Tribunal de la fonction publique

Il est en charge du contentieux entre l’UE et ses agents

 

-         La CEDH

La CESDH est un Traité qui a été signé sous l’égide d’une Organisation internationale (association d’Etats, le Conseil de l’Europe).

Créé à Londres le 05/05/49, l’idée était de promouvoir la liberté et la démocratie en réaction aux conflits qui ont entaché le XX° siècle.

Le Traité de Rome (1950) va donner naissance à la CESDH et la Cour EDH chargée de vérifier que les Etats respectent leurs engagements internationaux.

De nombreux protocoles additionnels s’y sont ajoutés.

Elle est entrée en vigueur en France le 03/05/74.

-          Portée des droits consacrés par la CESDH :

Certains sont intangibles et absolus (interdiction des traitements inhumains ou dégradants). La majorité des droits consacrés par la Convention peuvent être restreints sous conditions.

Il faut respecter trois temps :

-          Cette atteinte doit être prévue par une loi interne ;

-          Elle doit viser un but légitime ;

-          L’atteinte doit être nécessaire dans une société démocratique ce qui suppose une atteinte proportionnée en fonction de la balance des intérêts en présence.

Le contrôle de la Cour EDH est subsidiaire, il revient en premier lieu aux Etats d’assurer la protection des libertés fondamentales de leurs citoyens

Ce texte est cependant doté d’une portée contraignante à l’inverse de la DUDH de 1948 ce qui impose le respect des décisions de la Cour EDH.

Les particuliers peuvent la saisir en cas de violation supposée de leurs droits et libertés fondamentaux sous réserve qu’ils aient épuisé tous les recours en interne.

Il y a lors prononcé d’une satisfaction équitable qui permet de réparer l’atteinte. Il n’y a pas à proprement parler de censure de la Cour de cassation qui est la plus haute juridiction judiciaire française.

C’est l’Etat membre qui décide des moyens à mettre en œuvre pour mettre fin à la violation des droits fondamentaux concernés.

Néanmoins, avec la pratique dite des « arrêts pilotes », la CEDH vise :

A gérer des contentieux massifs aux fins de faire modifier la législation des Etats.

En France l’autorité de la CEDH est d’autant plus forte qu’il a été reconnu par la Cour de Cassation l’autorité interprétative des décisions prises par la CEDH (Cass.AP, 15/04/11).

Les Etats adhérents doivent ainsi faire évoluer leur législation et les tribunaux leur jurisprudence sans attendre d’être condamnés.

Cette influence s’est encore renforcée :

-          Par le fait de la réforme de la Cour de cassation, aux fins de mieux intégrer le contrôle de proportionnalité ;

-          En raison de la signature du protocole n°16, qui permet à la CEDH de rendre des avis consultatifs. Ainsi la Cour de cassation, le CE ou le Conseil constitutionnel peuvent saisir la CEDG pour avis. Ce dernier ne présente pour aucune des parties de caractère obligatoire.

 

Partie III – Les règles de droit en vigueur

 

I - Les normes opposables aux Etats

Le droit primaire est composé des traités qui ont créé les communautés européennes :

-          Traité de Maastricht, devenu le Traité sur l’UE (01/12/09) qui comprend les principes fondamentaux ;

-          Traité TFUE (Lisbonne) qui organise le fonctionnement de l’UE et détermine les domaines de compétences de l’UE ;

-          La Charte des droits fondamentaux (Nice, 07/12/00), elle définit les droits fondamentaux des personnes au sein de l’UE.

On ne parle pas de Constitution (rejet en 05) par référendum et d’autre part, l’Europe n’est pas un Etat.

Le droit dérivé est le droit créé par les institutions européennes en application du droit originaire, on distingue :

-          Le règlement ou loi européenne ;

-          La directive qui est une norme écrite qui contraint les Etats membres quant aux résultats à atteindre, ils sont laissés libre quant aux formes et aux moyens pour les atteindre. Elle doit faire l’objet d’une transposition. Les directives d’application totale ou maximale (25/07/85 sur les produits défectueux imposent cependant aux Etats de réaliser un copier-coller) ;

o   Les Etats ont un certain délai pour transposer les directives, s’il n’est pas respecté, la CJUE peut considérer que la directive non transcrite a un effet direct si ses dispositions sont claires, précises et inconditionnelles.

§  Les justiciables peuvent s’en prévaloir devant le juge national sauf si le droit interne contient une disposition parfaitement claire et qui est contraire à la directive.

Ex : la directive sur les produits défectueux devait être transposée en 1988 et ne l’a été qu’en 1988, la Cour après le 19/05/88 a appliqué ces dispositions en interprétant les anciens articles 1147 et 1382 du Code civil.

En revanche, la directive prévoyait une prescription triennale mais l’ancien article 2270 (2262 aujourd’hui) prévoyait une prescription de 10 ans, la directive ne fût pas appliquée par la Cour de cassation (Civ.1°, 05/05/15) ;

-          La décision, elle a une portée obligatoire individuelle, elle doit préciser les types de destinataires (Etats, personnes morales ou physiques) ;

-          Avis et recommandations ne sont pas obligatoires.

 

II - La généralisation des pouvoirs du juge national pour garantir l’effectivité du droit de l’Union

 

La Cour de justice rappelle qu’un juge national doit avoir le pouvoir d’écarter, de sa propre autorité, toute norme nationale contraire au droit de l’Union dans le cadre d’un litige dont il est saisi.

Cette obligation résulte du principe de primauté dont l’objet est de garantir le droit de l’Union.

Dès lors, il n’est pas possible de priver une juridiction de ce pouvoir, y compris en l’obligeant à saisir une autre juridiction nationale, sans violer le droit de l’Union.

Depuis l’arrêt Simmenthal (CJCE 9 mars 1978, n° 106/77), la garantie de l’effectivité de la règle du droit de l’Union relève directement de l’intervention du juge national.

 

Dans un litige, ce dernier doit être en mesure de faire prévaloir, en toutes circonstances, la norme de l’Union aux dépens de la norme nationale contraire.

 

Cependant, le droit national peut constituer un obstacle, en privant le juge de cette capacité.

 

C’est la situation à laquelle la Cour de justice a été confrontée au regard de la question préjudicielle posée.

 

Ce contentieux trouve sa source dans la procédure applicable en droit irlandais dans l’hypothèse où une personne est victime d’une discrimination.

 

Le droit irlandais prévoit la saisine d’un Tribunal pour l’égalité (Equality Tribunal), mais qui n’a pas la capacité d’écarter une loi nationale, cette capacité étant réservée, selon la Constitution, à certaines juridictions.

 

Le problème est que le Tribunal a été saisi par trois personnes sur le fondement de la violation de la directive 2000/78 relative l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

 

En effet, ils avaient été exclus d’une procédure de recrutement au sein de la Police nationale irlandaise en raison de leur l’âge.

 

Le Tribunal aurait dû laisser inappliquée la loi nationale relative à la procédure de recrutement.

 

Or le ministre a contesté la compétence de ce tribunal étant donné que la loi était nationale et relevait de la seule compétence de tribunaux établis en vertu de la Constitution. 

 

Le renvoi préjudiciel visait à déterminer si un organe créé par la loi (ici le Tribunal pour l’égalité) peut être empêché de laisser inappliquée une loi nationale contraire au droit de l’Union. 

 

La Cour de justice revient sur le principe de primauté.

 

Celui-ci implique que toute juridiction nationale, chargée d’appliquer dans le cadre de ses compétences les dispositions du droit de l’Union, doit être en mesure de garantir le plein effet de ce droit, en laissant aux besoins la norme en cause inappliquée.

 

La Cour de justice rappelle à ce stade que l’obligation du juge est seulement de laisser inappliquée la norme et non de l’annuler.

 

En effet, un juge n’a pas le pouvoir d’annuler toutes les normes.

 

Par exemple, en droit français, le juge administratif n’a ainsi pas le pouvoir d’annuler une loi, il peut en revanche la laisser inappliquée dans le cadre d’un litige.

De même, la Cour de justice précise que si le juge a le pouvoir d’annuler une norme, il lui revient de déterminer les effets de l’annulation. 

 

Le juge national doit en conséquence détenir ce pouvoir.

 

Dès lors, une procédure nationale ne peut pas contourner cette obligation en prévoyant que le juge saisi renvoie à une autre juridiction nationale la question de l’inapplicabilité de la règle.

 

L’autonomie institutionnelle des États membres connaît ici une limite.

 

En effet, la Cour de justice considère que retirer le bénéfice de ce pouvoir à un juge aurait pour répercussions de diminuer l’efficacité du droit de l’Union.

 

Ainsi, si l’État peut librement déterminer les voies de droit et les juridictions compétentes, il ne peut pas empêcher un juge national de garantir le plein effet de la norme communautaire.

 

-          En conclusion, au regard des règles inhérentes à l’ordre juridique de l’Union, il n’est pas possible d’empêcher une juridiction quelle qu’elle soit d’écarter une norme nationale. Une solution contraire remettrait en cause l’efficacité du droit de l’Union.

CJUE, 4 décembre 2018, Minister for Justice and Equality contre Workplace Relations Commission, n° C-378/17.

 

 

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