La responsabilité pour faute et la responsabilité du fait des produits défectueux

Publié le Modifié le 01/12/2021 Vu 9 913 fois 0
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Les différents régimes de responsabilité offrent aux victimes un système d’indemnisation qui vise la réparation intégrale des préjudices subis en complément du système d’assurance.

Les différents régimes de responsabilité offrent aux victimes un système d’indemnisation qui vise la ré

La responsabilité pour faute et la responsabilité du fait des produits défectueux

Parce qu’elle a pour objet la réparation des dommages subis par les victimes, la responsabilité civile se distingue de la responsabilité pénale qui sanctionne un comportement considéré comme répréhensible par la loi.

Les différents régimes de responsabilité offrent aux victimes un système d’indemnisation qui vise la réparation intégrale des préjudices subis en complément du système d’assurance.

C’est un droit qui poursuit trois objectifs principaux :

-        Il répare le préjudice subi par la victime ; Il punit l’auteur du dommage ;

-        Il maintient la paix civile dans la société.

Pour permettre à la victime de voir son dommage réparé, la jurisprudence a fait évoluer la notion d’engagement de la responsabilité.

Il est néanmoins nécessaire de faire une distinction entre les deux types de responsabilité qui sont à examiner.

L’une est fondée sur la faute, définie par Planiol comme le manquement à une obligation juridique, alors que la responsabilité du fait des produits défectueux peut se définir comme l’obligation pesant sur le producteur ou le fabricant d’un bien n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre de réparer le dommage causé par celui-ci.

Confrontée aux victimes du machinisme, et à l’inertie du législateur, la jurisprudence a « découvert » de nouveaux cas de responsabilité civile en s’appuyant sur des textes (ceux de 1804) qui n’avaient pas été conçus pour ce faire.

Ainsi, alors que le Code civil de 1804 reposait très largement sur la responsabilité pour faute, la jurisprudence a utilisé l’alinéa 1er de l’ancien article 1384 du Code civil (aujourd’hui article 1242) pour créer un nouveau cas de responsabilité sans faute : la responsabilité du fait des choses inanimées.

Puis, la jurisprudence a fait évoluer un certain nombre de cas de responsabilité qui étaient expressément prévus par le Code de 1804, en les faisant passer d’une responsabilité pour faute à une responsabilité sans faute.

Enfin, le législateur a introduit de nouveaux cas de responsabilité sans faute.

La responsabilité du fait des produits défectueux oblige en effet le fabriquant du produit à indemniser la victime, alors même que sa faute ne serait pas établie.

Cette dernière est néanmoins en passe d’être réformée quant à une cause d’exonération « Le risque de développement ».

Ainsi l’article 1245-11 du Code civil prévoit en ce sens que l’exonération pour risque de développement cesse de recevoir application « lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits de celui-ci » (a contrario, les médicaments peuvent donc faire jouer l’exonération pour risque de développement).

Certains auteurs ne comprennent pas pourquoi il faudrait réserver un sort plus favorable aux victimes d’un produit issu du corps humain.

Pourquoi celui qui a reçu du sang contaminé par transfusion devrait-il être mieux indemnisé que celui-ci a été victime d’un médicament défectueux ?

Estimant la critique fondée, la Chancellerie propose d’étendre la neutralisation de l’exonération pour risque de développement à l’ensemble des « produit de santé à usage humain » (art. 1298 du projet).

Dès lors si identifier des différences semble aisé,  peut-on déterminer un idéal-type entre ces deux régimes de responsabilité ?

J’examinerai dans un premier temps, le préjudice subi par la victime, comme point commun à tous les régimes de responsabilité (I) avant que de traiter de l’originalité de ces types de responsabilité (II)

 

 

 

I – Le préjudice subi par la victime, point commun de tous les régimes de responsabilité

 

Elément nécessaire à la réparation, le préjudice subi par la victime est le point commun à tous les types de responsabilité (A) mais il demeure néanmoins des différences entre elles (B)

 

A – Une notion commune, la réparation du préjudice subi par la victime

Si la victime s’entend de toutes personnes ayant subi un dommage directement ou non, le préjudice est la conséquence de la lésion,

Les conséquences sont pécuniaires, soit morale (Cass Civ, 13/02/1923).  

La jurisprudence a admis que tout chef de préjudice est indemnisable dès lors qu’il est identifiable.

Il convient cependant de distinguer le préjudice matériel du préjudice moral.

Pour être réparables, les préjudices doivent être personnels, directs, certains, actuels et licites pour être réparables

Pour que le préjudice soit certain, il faut que la victime, demanderesse à réparation, puisse en établir la matérialité et l’effectivité :

Le préjudice ne doit donc être ni futur, ni hypothétique.

Le préjudice illicite est lié soit à la participation de la victime à un fait illicite,  à la réalisation du dommage, à la perte de revenus considérés comme illicites, ou à un préjudice résultant de la naissance.

Ces principes posés, il est possible de distinguer des différences relatives à la notion de préjudice  entre ces deux régimes (B).

 

B – Les différences relatives à la notion de préjudice subi par la victime dans ces deux régimes

Premièrement, si en matière de responsabilité du fait personnel, il importe de déterminer la nature extra contractuelle du dommage en application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles, cet impératif importe peu en matière de produit défectueux car la responsabilité du vendeur ne pourrait être retenue que de manière subsidiaire et selon des conditions spécifiques au titre des dispositions visées au sein de l’article 1245-6 du Code civil.

Il sera alors possible de réparer le dommage subi par la victime sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil, en effet, la jurisprudence applique aux fournisseurs et vendeurs la même interprétation restrictive des termes de l'article 13 de la directive (C. civ., art. 1245-17 ), considérant qu'ils ne peuvent voir leur responsabilité engagée qu'à la condition de la fonder sur la garantie des vices cachés ou sur la responsabilité pour faute, à condition dans ce dernier cas de rapporter la preuve d'une  faute  distincte du défaut lui-même (Com. 26 mai 2010, no 08-18.545) 

Deuxièmement, en matière de produits défectueux, le dommage peut consister dans une atteinte à sa personne – décès ou lésion corporelle –, ou dans un dommage à un bien autre que le produit défectueux  lui-même, dès lors que ce dommage est supérieur à 500 € (C. civ., art. 1245-1 , combiné avec Décr. no 2005-113 du 11 févr. 2005, art. 1er, JO 12 févr.).

Ce dernier point diffère dès lors de la responsabilité du fait personnel, car le principe est celui de la réparation intégrale du préjudice quelqu’en soit le montant ou le ressenti (Cass. crim., 17 déc. 2019, n° 18-85.191, P+B+I*).

Un troisième point est à relever en ce qui concerne les victimes, s’agissant des personnes protégées, ce sont toutes les victimes, que celles-ci soient ou non liées par un contrat avec le producteur (C. civ., art. 1245).

 L'acheteur est, évidemment, concerné au premier chef, et ce, qu'il soit consommateur ou professionnel.

De la même façon, en matière d’engagement de la responsabilité du fait personnel, les victimes par ricochet sont également reconnues, en dehors de l’existence d’un lien de droit entre elles (ch. mixte, 27 févr. 1970).

Conçu comme étant antinomique, ces types de responsabilités présentent lorsqu’on les compare une certaine originalité (II)

 

II – L’originalité du régime de responsabilité des produits défectueux au regard de la responsabilité du fait personnel

 

Il faut donc examiner tant  l’engagement des conditions de responsabilité (A) que les cuses d’exonération (B)

 

A – L’engagement des conditions de la responsabilité

Alors que l’engagement de la responsabilité du fait personnel nécessite de rapporter la preuve du préjudice et la nécessaire faute de l’auteur du fait dommageable

Dans le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, la victime doit également rapporter la preuve que le dommage découle d'un défaut du produit  ; il ne lui est pas nécessaire, en revanche, d'établir une faute > du vendeur.

Le produit est défectueux « lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre » (C. civ., art. 1245-3 , al. 1er).

La formule est analogue à celle utilisée à l'actuel article L. 221-1 du code de la consommation

On sait que la faute, est appréciée in abstracto dans la responsabilité du fait personnel, or, l'alinéa 2 de l'article 1245-3 du code civil précise : « Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du  produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ».

On est ainsi dans la même veine

Une exigence se précise cependant à l'alinéa 3 du même article qui  ajoute :

« Un  produit  ne peut être considéré comme  défectueux  par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation ». Il est notable que, pour l'appréciation du caractère défectueux  ou non d'un  produit  de santé, les mentions informatives figurant sur la notice de présentation jouent un rôle déterminant (Civ. 1re, 5 avr. 2005)

En matière de preuve cependant, la charge de la preuve du lien de causalité entre le dommage et le défaut de sécurité de la chose incombe dans les deux cas à la victime (C. civ., art. 1245-8 )

 L'établissement de cette preuve est parfois difficile à rapporter, spécialement lorsque la défectuosité affecte un produit  de santé ou un aliment (V. Civ. 1re, 23 sept. 2003, 2 arrêts), à propos de l'action en responsabilité de la victime d'une sclérose en plaques contre le fabricant d'un vaccin contre l'hépatite B. – V. depuis, entre autres, Civ. 1re, 18 oct. 2017,

Pour la faciliter, la Cour de cassation admet le recours à des « présomptions graves, précises et concordantes » (Civ. 1re, 24 janv. 2006), alors qu’elle a recours à la théorie doctrinale de l’équivalence des conditions en matière de fait personnel

En matière de prescription,  la responsabilité du fait personnel se prescrit par  10 ans à compter de la consolidation du dommage, (2226 du code civil) et par 5 ans (2224 – matériel), deux délais existent également en matière de responsabilité du fait des produits défectueux :

-        Un délai de péremption

L'action de la victime tendant à établir la responsabilité du vendeur – puisqu'on raisonne sur la seule hypothèse où le producteur est demeuré inconnu  est soumise à une double règle de délai, dont l'application n'est écartée qu'au cas de  faute  du même vendeur.

D'une part, il n'est plus possible d'agir en responsabilité du fait des produits défectueux , après le délai de dix ans qui suit la mise en circulation du  produit  (C. civ., art. 1245-15 ), c'est-à-dire après la sortie des chaînes de fabrication en vue de la vente ou de la distribution (Civ. 1re, 24 janv. 2006).

-        Un délai de prescription

D'autre part, à l'intérieur du délai de dix ans ci-dessus évoqué, l'article 1245-16 énonce que la victime est tenue d'agir en réparation « dans le délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ».

 En vérité, s'agissant de l'action en réparation contre le vendeur, le point de départ du délai de prescription de trois ans se calcule à partir de la seule date à laquelle l'acquéreur aurait dû avoir connaissance du dommage et du défaut, puisque, par hypothèse, l'identité du producteur est alors inconnue.

 

B – Les causes d’exonération

Si dans le deux cas les clauses de non responsabilité existent, il faut différencier leur interdiction absolue dans les deux régimes :

-        Aux termes de l'article 1245-14 du code civil : « Les clauses qui visent à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits défectueux sont interdites et réputées non écrites ».

La portée de l'interdiction est absolue pour les dommages aux personnes.

En revanche, on note une différence, pour les dommages aux biens, le texte assortit la prohibition qu'il édicte d'une dérogation strictement encadrée : pour que la clause limitative ou exclusive de responsabilité soit valable, il faut, d'une part, que cette clause ait été stipulée entre professionnels, et, d'autre part, que les biens auxquels elle se rapporte ne soient pas utilisés par la victime principalement pour son usage ou pour sa consommation privée, ce qui revient à dire que la clause ne peut valablement concerner que les biens à usage principalement professionnel.

En matière de responsabilité du fait personnel, l’exonération peut être liée à la disparition de l’élément objectif de la faute

Il s’agit des faits justificatifs. Cette notion est empruntée au droit pénal et renvoie aux qualités personnelles ou aux circonstances matérielles intervenant comme cause d’irresponsabilité.

Il peut s’agir de circonstances extérieures :

L’ordre de la loi (une opération chirurgicale est licite alors qu’elle occasionne des blessures), le commandement de l’autorité légitime, si l’ordre est légal ou provient d’une autorisation, l’état de nécessité, une personne commet un dommage car c’est le seul moyen existant pour en éviter un plus grave (pour soi ou autrui).

 

Il peut s’agir de faits liés à l’attitude de la victime :

Il peut y avoir un partage de responsabilité ou une disparition totale de la faute. La légitime défense, si elle est caractérisée, supprime le caractère délictueux du dommage. Le consentement de la victime (le consentement de la victime libre et éclairé joue un rôle justificatif dans les dommages matériels. On ne peut consentir à un dommage corporel ; le corps humain étant indisponible). L’acceptation des risques. La victime participait à une activité dont elle connaissait les risques, elle est prise en compte dans des circonstances particulières (sport) mais ce n’est pas une cause d’exemption générale de la responsabilité.

 

En matière de produits défectueux, les articles 1246-10 et suivants du code civil prévoient divers cas d'exonération, qu'ils encadrent d'ailleurs strictement.

Le vendeur, dont la responsabilité est recherchée en raison de l'impossibilité d'identifier le producteur, peut dégager sa responsabilité en établissant que les circonstances constitutives des différents cas d'exonération prévus par la loi sont réunies.

Spécialement, il est fondé à invoquer en ce sens le fait que « le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire » (C. civ., art. 1245-10 , al. 1er, 5o).

Mais cette cause d'exonération doit être comprise strictement : l'article 1245-9 dispose que la responsabilité du producteur peut être engagée « alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative ».

Le vendeur peut invoquer aussi le fait que le défaut du produit n'existait pas lors de la mise en circulation du produit (C. civ., art. 1245-10 , al. 1er, 2o) ; la loi ajoute à ce cas, dans un esprit voisin, celui où « l'état des connaissances scientifiques et techniques [lors de la mise en circulation du produit] n'a pas permis de déceler l'existence du défaut » (C. civ., art. 1245-10 , al. 1er, 4o).

Le « risque de développement » constitue donc une cause d'exonération du vendeur, mais sous réserve du cas particulier où le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci (C. civ., art. 1245-11 ), ce qui se justifie par le fait qu'est alors en cause l'intégrité du corps humain.

L'exonération, totale ou partielle, du vendeur peut tenir, en troisième lieu, à ce que le dommage n'a pas été causé, ou n'a été causé qu'en partie par un défaut du produit : l'article 1245-12 énonce en ce sens :

« La responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable ».

Il est permis de penser que constitue une faute de la victime l'utilisation du produit dans des conditions anormales qui n'étaient pas raisonnablement prévisibles par le producteur.

 

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