Cette notion est issue de la loi du 27 mai 2008 n°2008-496 en matière de lutte contre les discriminations. Cette loi a été prise pour mettre la législation française en accord avec le droit communautaire en transposant cinq directives européennes relatives à l’égalité de traitement[1].
Désormais l’article L. 1132-1 du code du travail, prohibe le fait d’être discriminé de façon directe ou indirecte en raison de : son sexe, ses mœurs, son orientation sexuelle, son identité de genre, son âge, sa situation familiale ou de sa grossesse, de ses caractéristique génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence, de sa domiciliation bancaire, en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
À noter qu’à partir de septembre 2022[2] cette définition va être élargie pour inclure :
- La qualité de lanceur d’alerte ;
- De facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte.
L’article 1er de la loi du 27 mai 2008 définit le harcèlement discriminatoire comme : « Tout agissement lié [à l’un des motifs précités] subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
L’intérêt de cette définition est qu’elle permet de déroger à la condition de répétition imposée par la définition du harcèlement moral. En effet l’article L. 1152-1 du code du travail vise des « agissements répétés ». Déroger à cette condition permet d’appréhender de nouvelles situations telles que celle dans lesquelles un acte constitutif de harcèlement est central sans risquer de se voir débouter en raison du fait qu’il serait unique ou que les autres actes ne seraient pas assez caractérisés.
Ce principe a d’ailleurs été rappelé par la Cour d’appel de Rennes qui souligne qu’à « la lumière de ces dispositions [la loi du 27 mai 2008], l'article L. 1152-1 du code du travail doit être interprété en ce sens que lorsque le harcèlement moral prend la forme d'une discrimination prohibée, il peut être constitué même lorsque le fait indésirable est unique. »[3]
Cette définition permet ainsi à la victime de harcèlement lié à un motif discriminatoire de pouvoir choisir d'agir en justice sur le terrain du harcèlement[4] ou sur le terrain de la discrimination[5] et ce, tant devant les juridictions civiles que pénales.
Concernant les juridictions pénales, il convient de rappeler que les dispositions sur le harcèlement sont inscrites aux articles 225-1 à 225-4 du Code pénal. L’article 225-2 prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende en cas de discrimination.
A noter que cette peine peut être portée à 5 ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende si le refus discriminatoire prévu au 1° [6] est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.
La victime de harcèlement discriminatoire pourra également agir sur les deux fondements et par conséquent obtenir une réparation spécifique pour chaque préjudice (à condition de prouver l’existence de deux préjudices distincts).
Pour rappel, au niveau probatoire, les deux notions sont concernées par un aménagement de la charge de la preuve. Aménagement qui se traduit par le fait qu’en cas de harcèlement ou de discrimination, la victime apporte des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement[7] ou d’une discrimination[8].
Il appartient ensuite à l’employeur de justifier les décisions / agissements pris par des motifs étrangers à toute discrimination / tout harcèlement.
Cette définition est dès lors beaucoup plus protectrice des victimes de harcèlement et s’inscrit dans un mouvement grandissant de protection des salariés victimes de harcèlement comme en témoigne la future évolution de l’article L. 1132-1 du code du travail, issue de la loi du 21 mars 2022 visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte.
Le Défenseur des droits est une autorité administratives indépendante, créée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et institué par la loi organique du 29 mars 2011. Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable.
Initialement ses missions étaient définies par l’article 71-1 de la Constitution qui prévoit que « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public ».
La loi du 9 décembre 2016 a ajouté quatre missions supplémentaires au Défenseur des droits dont celle de « Lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir l’égalité. ».
Plus spécifiquement, le Défenseur des droits à un rôle important en matière de harcèlement discriminatoire. Ses attributions sont larges et ce dernier peut notamment enquêter via des demandes d’informations par écrit, des auditions ou encore procéder à des vérifications sur place. Il peut également faire des recommandations, procéder à une médiation et aboutir à un règlement à l’amiable du litige. Enfin, il peut être amené à présenter des observations devant les juridictions.
Ce rôle n’est d’ailleurs pas théorique comme en illustrent les décision du Défenseur des droits du 31 juillet 2014 et du 22 octobre 2014. Décisions, dans lesquelles il rappelle respectivement qu’un acte unique peut suffire à qualifier une situation de harcèlement discriminatoire et qu’une simple blague peut être constitutif de harcèlement discriminatoire.[9]
Pour conclure, il apparaît clairement que la notion de harcèlement discriminatoire est un outil important au service des victimes de harcèlement et par extension des praticiens. Cette notion permet une appréciation plus large de la notion de harcèlement et d’appréhender des situations uniques jusqu’ici exclue de la notion de harcèlement classique.[10]
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Mots clefs : harcèlement ; discrimination ; harcèlement discriminatoire ; civil ; pénal ; preuve ; droit du travail ; droit interne ; droit communautaire ; aménagement preuve ; défenseur des droits ; DDD ;
[1] Directives 2000-43 du 29 juin 2000, 2000-78 du 27 novembre 2000, 2002-73 du 23 septembre 2002, 2004-113 du 13 décembre 2004 et 2006-54 du 5 juillet 2006
[2] Conformément à l’article 18 de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, ces dispositions entrent en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation.
[3] Cour d'appel de Rennes, 10 décembre 2014, n° 14/00134
[4] C. trav., art. L. 1152‐1 et s. et C. trav., art. L. 1153‐1 et s. ; C. pén., art. 222‐33 ; C. pén., art. 222‐33‐2
[5] C. trav., art. L. 1132‐1 et s. ; C. pén., art. 225‐1 et s.
[6] Article 225-2 du code pénal « 1° A refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ; »
[7] Article L. 1154-1 du code du travail
[8] Article L. 1132-3-3 du code du travail
[9] Décision du Défenseur des droits MLD-2014-105 du 31 juillet 2014 et Décision du Défenseur des droits MLD-2014-079 du 22 octobre 2014
[10] Cass. Soc., 20 nov. 2014, no 13‐22.045