L'acceptation d'une clause attributive de juridiction par la technique du "clic"!

Publié le 04/12/2015 Vu 3 110 fois 0
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CJ 21 mai 2015 C-322/14 en matière de clause attributive de juridiction

CJ 21 mai 2015 C-322/14 en matière de clause attributive de juridiction

L'acceptation d'une clause attributive de juridiction par la technique du

         « L’article 23, paragraphe 2, du règlement Bruxelles I doit être interprété en ce sens que la technique d’acceptation par «clic» des conditions générales d’un contrat de vente, tel que celui en cause au principal, conclu par voie électronique, qui contiennent une convention attributive de juridiction, constitue une transmission par voie électronique permettant de consigner durablement cette convention, au sens de cette disposition, lorsque cette technique rend possible l’impression et la sauvegarde du texte de celles-ci avant la conclusion du contrat ».

Les contrats conclus par l'intermédiaire d'internet sont devenus classique depuis le début des années 2000, ce qui engendre dans le monde juridique de nouvelles questions à trancher, notamment sur tout le contenu de ces contrats.

Ces problèmes n'échappent pas à la Cour de Justice de l'Union européenne notamment dans le cadre du règlement Bruxelles I concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Les faits de l'espèce étaient les suivants : un concessionnaire automobile allemand a acheté un véhicule sur le site internet d'une société , spécialiste de la vente de véhicules sur internet. Cependant au moment de la livraison de celui-ci, la société vendeuse a annulé la vente au motif que le véhicule aurait subi des dommages et qu'elle ne pourrait donc plus le vendre. L'acheteur va alors entamer une procédure judiciaire devant les juridictions allemandes estimant que l'annulation est infondée et obtenir ainsila vente forcée du véhicule. Le vendeur va contester la compétence des juridictions allemandes en soutenant qu'une clause attributive de juridiction (ci-après CAJ) était présente dans ses conditions générales de ventes (ci-après CGV) au moment de la conclusion du contrat donnant compétence à une juridiction belge. Ces CGV étaient accessibles sur le site internet de la société.

L'acheteur va lui soutenir que la clause ne revêt pas une forme écrite comme l'exige l'article 23 §1. a) du règlement Bruxelles I. Le paragraphe 2 de cet article prévoit que dans le cadre d'un contrat contenant une CAJ conclue sous forme électronique, la forme écrite écrite est remplie si la transmission par voie électronique permet de « consigner durablement la convention ». En l'espèce, le renvoi aux CGV contenant la clause était fait par l'intermédiaire de la méthode dite « du click-wrapping » permettant l'ouverture d'une nouvelles fenêtre pour avoir accès aux CGV de la société vendeuse après avoir cliquer sur un hyperlien. Pour l'acheteur, cette technique ne permettait pas l'ouverture automatique des CGV et ne remplissait donc pas les conditions de l'article 23 du règlement. Il soutient en outre le caractère arbitraire et inattendu de la clause.

Par conséquent la juridiction allemande se demande si cette technique par « clic », donnant accès aux CGV contenant la clause attributive de juridiction, satisfait à l'exigence d'un mode de transmission permettant de consigner durablement la convention. Elle précise que ces conditions pouvaient être sauvegardées et imprimées séparement avec l'ouverture d'une nouvelle fenêtre par la technique du « clic ». Si cette technique est valable au sens du §2 de l'article 23 du règlement, la CAJ pouvait alors jouer et rendre incompétente de la juridiction allemande.

Pour répondre à cette question, la Cour de Justice identifie bien les circonstances particulières de cette vente dans son considérant 21 par le fait que les CGV, contenant la CAJ, ne s'ouvrent pas automatiquement au moment de l'achat sur le site internet du vendeur. Mais pour cela, il faut cliquer sur un lien pour être redirigé par l'ouverture d'une nouvelle fenêtre vers les CGV. Ensuite, la Cour va avoir une approche générale de l'article 23 du règlement en expliquant ses objectifs et sa portée. En effet, il ressort d'une jurisprudence constante que cet article prévoit une exception aux règles de compétences des articles 2 et 5 du règlement. C'est pourquoi cette exception doit être interprétée strictement résultant d'un véritable accord de volonté entre les parties.

En outre, elle reprend sa jurisprudence établie sous l'empire de l'article 17 de la convention de Bruxelles. Elle avait considéré que la CAJ ne joue que dans les situations où les parties avaient donné un consentement effectif à celle-ci notamment assuré par la forme exigé à cet article. Il avait par exemple été jugé que « la clause attributive de juridiction figure seulement dans les conditions générales de vente reproduites au verso de l'acte contractuel, il n'est satisfait aux exigences de l'article 17 que si le contrat signé par les deux parties comporte un renvoi express à ces conditions générales » (CJ 14/12/1976, Colzani-Rüwe, C 24-76) . Par ailleurs, elle avait indiqué que la simple impression sur le verso du contrat des CGV contenant une CAJ ne satisfait pas aux exigences de cet article dans le cas où « aucune garantie n'étant donnée par ce procédé que l'autre partie a consenti effectivement à la clause dérogatoire au droit commun en matière de compétence judiciaire ».

En l'espèce, il s'agit d'un problème similaire pour un contrat électronique conclu sur internet. Pour tenir compte de ce type de contrat immatériel, le règlement Bruxelles I avait rajouté le paragraphe 2 au sein de l'article relatif aux CAJ. Ainsi, selon la Cour dans son considérant 33, cet article « exige que la «possibilité» soit offerte de consigner durablement la convention attributive de juridiction, indépendamment de la question de savoir si le texte des conditions générales a effectivement été consigné durablement par l’acheteur après ou avant qu’il a coché la case indiquant qu’il accepte lesdites conditions  ». Il faut donc seulement regarder si l'acheteur a pu conserver la clause, en la sauvegardant par exemple, peu importe s'il l'a fait. Ceci est la différence entre pouvoir et faire. Le mécanisme du clic répond donc à l'exigence résultant du paragraphe 2 de la possibilité de conserver durablement la clause à partir du moment où l'acheteur a pu sauvegardé et imprimé la clause avant la conclusion du contrat.

Cette position va à l'encontre de celle qui avait été posée en matière de droit de la consommation dans un arrêt du 5 juillet 2012 relatif à la directive 97/7/CE du 20 mai 1997 sur la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. Cette directive prévoit notamment un droit d'information du consommateur dans son article 4. Parmi ces informations, le professionnel doit avertir les consommateurs qu'ils bénéficient d'un droit de rétractation. Concernant les modalités de transmission de ces informations, la directive indique que « les informations, (…) , doivent être fournies de manière claire et compréhensible par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée » rajoutant à son article 5 que « le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès, confirmation des informations ». C'est dans ces conditions que la Cour de Justice est saisie pour savoir si cette exigence de transmission est remplie dans le cas où l'information est transmise « au moyen d’un hyperlien sur le site Internet de l’entrepreneur, qui figure dans un texte dont le consommateur doit indiquer qu’il en a pris connaissance en cochant une case pour pouvoir s’engager dans un rapport contractuel ». Il s'agit d'un procédé analogue à la règle du « clic » où l'information ne sera disponible pour le consommateur qu'en cliquant sur cet hyperlien. Comme le remarque la Cour dans son considérant 33, par ce mécanisme, « ce dernier (le consommateur) doit agir pour prendre connaissance des informations en cause et il doit, en tout état de cause, cliquer sur ce lien ». De plus, elle donne les caractères nécessaires pour qu'un support soit considéré comme durable : il doit permettre au consommateur de stocker les informations reçues sans une possibilité pour une partie de pouvoir les modifier et une accessibilité libre tout en permettant de les reproduire, ce qui n'est pas le cas en espèce.

Revenant à l'arrêt de 2015, la Cour de Justice indique bien que la jurisprudence précédente ne puisse s'appliquer en l'espèce du fait qu'elle poursuit un intérêt particulier, à savoir la protection des consommateurs. Par ailleurs, il est repris certains points de cette jurisprudence pour caractériser un support durable. En effet, l'acheteur a la possibilité pour l'acheteur de pouvoir sauvegarder et imprimer les CGV avant la conclusion définitive du contrat.

Au final cette vision donne une pleine efficacité à la CAJ alors même que la partie a, certes, pu avoir un accès libre à la clause mais en aucun cas est prouvé qu'elle en a eu une connaissance effective. Cette décision vient en quelque sorte « responsabiliser » le professionnel d'avoir cliquer pour accepter les CGV sans les avoir consultées au préalable (ce qui est pratiquement le cas de toutes les personnes qui procèdent à un achat sur internet). Pour autant, l'acheteur ne pouvait se douter que les CGV puissent contenir une CAJ alors même que l'un des objectifs, qui n'est d'autre que l'objectif de l'article 23 selon la Cour dans son considérant 30, est de vérifier « la réalité du consentement des intéressés », ce qui n'est en rien controlé ici !

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