Le renouvellement du bail d’habitation avec réévaluation du loyer en zone tendue

Publié le Modifié le 16/02/2022 Vu 4 576 fois 0
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Comment réévaluer les loyers en zone tendue lorsqu'au cours des renouvellements successifs d'un bail, le loyer n'est plus en adéquation avec l'état du marché ?

Comment réévaluer les loyers en zone tendue lorsqu'au cours des renouvellements successifs d'un bail, le loy

Le renouvellement du bail d’habitation avec réévaluation du loyer en zone tendue

Les zones tendues sont des zones de forte densité où il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande de logement.

Dans ces zones certains propriétaires ont conclu des baux il y a déjà plusieurs années et ces baux se sont automatiquement reconduits. Il arrive parfois que le loyer ne soit plus du tout en adéquation avec les prix du marché. Comment réévaluer alors les loyers?

 

1. Sur le délai

La réévaluation du loyer ne peut se faire que pour l’échéance du bail et non en cours de bail. Elle se matérialise par une proposition de renouvellement du bail avec réévaluation qui doit être remise ou notifiée au plus tard six mois avant la date de renouvellement du bail.

 

2. Sur la remise de la proposition 

a.    Sur la personne qui doit notifier la proposition 

Pour être valable la proposition doit préciser qu’elle est faite au nom et pour le compte du bailleur, seule personne habilitée à délivrer cet acte (CA Paris, 27 mai 2003 n°2001/04442).

b.    Sur la personne à laquelle remettre la proposition

Il faut être vigilant en cas de cotitularité du bail.

Si l’existence du conjoint a été portée à la connaissance du bailleur il faudra faire une double notification et donc remettre à chaque époux, la proposition de renouvellement.

De même la procédure (s’il devait y en avoir une) devra être engagée contre les deux époux (Cass, Civ 15 juin 1994 n°92-16252).

c.    Sur la forme de la remise 

En principe, la proposition doit être remise par voie d’huissier. C’est la forme la plus sûre. Néanmoins, une LRAR est possible et depuis 2014, la remise en main propre contre émargement également.

Pour la LRAR, c’est la date de réception qui fait courir le délai, ce qui rend très peu sécure ce procédé.

En cas de remise en main propre, ou d’envoi par LRAR, il faut que ce soit les locataires eux-mêmes qui signent. En cas de contestation, il appartiendra au propriétaire de prouver que les locataires étaient bien les signataires (Cass, 3èmeciv 18 décembre 2002 n°01-01286). 

d.    Sur l’absence de congé

 Il ne faut pas donner congé en même temps que la proposition de réévaluation (cela s’apparenterait à une tentative de contrainte pour faire accepter le nouveau loyer).

 

3. Sur les conditions juridiques de la réévaluation 

a.  Un loyer sous-évalué

La condition préalable à toute cette procédure est l’existence d’un loyer manifestement sous-évalué. 

La loi ne donne pas de définition de ce loyer manifestement sous-évalué. Ce critère est laissé à l’appréciation des juges du fond et diffère nettement selon les juridictions.

La Cour d’appel de Versailles a pu considérer par exemple qu’un écart de 13% constituait une sous-évaluation alors que la Cour d’appel de Paris a jugé le contraire (CA Versailles 27 mars 2012, n°10/09640 ; CA Paris 8 mars 2011, n°09/09175).

b.  La communication de loyers de référence

Pour formaliser cette proposition, il faut produire six annonces de loyers de référence, lorsque le bien se trouve en zone dite « tendue ».

Attention, il a été jugé que si le bailleur fournissait six annonces mais que l’une d’entre elles était écartée par le juge, la proposition de renouvellement était nulle (CA Paris, 9 décembre 2004, n°03/08794).

Certains arrêts autorisent une régularisation en cours de procédure mais d’autres prononcent la nullité de la proposition de renouvellement.

Il faut donc veiller à ce qu’au moins six annonces soient considérées comme valables pour que la proposition de renouvellement puisse être validée judiciairement.

-      Sur les caractéristiques des « biens comparables ».

C’est l’article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989 qui définit cette notion : 

« les loyers servant de références doivent être représentatifs de l’ensemble des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables situés soit dans le même groupe d’immeubles, soit dans tout autre groupe d’immeubles comportant des caractéristiques similaires et situés dans la même zone géographique ».

Il faut donc que la zone géographique soit la même et que les biens soient comparables dans leurs caractéristiques.

Sur cette notion de « zone géographique », une réponse ministérielle indique qu’il s’agirait dans la plupart des cas, d’annonces dans le même quartier ou le même groupe d’immeubles pour les grandes agglomérations (rep min 4776 JOAN Q 13 fév 1989).

Sur la notion de comparabilité, il faut entendre par cela des biens de qualité proche           .

La Cour de cassation impose au juge l’obligation de rechercher si les références produites concernent bien des loyers constatés pour des logements comparables dans le voisinage au cours des trois dernières années ayant précédent la date de renouvellement du bail (Cass. 3èmeciv 21 décembre 1993)

Il faut que le standing et la superficie soient similaires (Cass 3èmeciv 12 octobre 2011 n°10-21214).

La Cour d’appel de paris a jugé qu’il ne fallait pas, cependant, prendre en compte l’état intérieur de l’appartement et donc sa vétusté (CA Paris 4èmech 28 février 2012 n°10/02146).

Il faut également que les biens choisis soient soumis au même régime locatif et ne pas comparer, par exemple un HLM et un bail classique (Cass 3èmeciv 24 mai 2017 n°16-15750).

Un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris apporte un éclairage intéressant sur cette notion de comparabilité : la Cour a estimé que le fait que certains logements se situent à plus d’un kilomètre du logement litigieux ne suffisait pas à priver de pertinence dès lors qu’à défaut d’un nombre suffisant de références il est possible d’élargir la recherche à des quartiers limitrophes dont l’environnement, la construction et le standing des immeubles peuvent être comparables. Dans ce même arrêt ce qui était intéressant c’est que les biens étaient non seulement situés plus loin mais ils n’avaient pas non plus le même nombre de pièces ni la même surface. La Cour a alors jugé que la différence de surface et de pièces peut être compensée par d’autres critères communs : même époque de construction, présence d’un ascenseur et d’un gardiennage… De plus devant la Cour le bailleur avait fourni des annonces supplémentaires (CA Paris, 19 novembre 2021 n°19690).

Il s’agit donc d’une véritable appréciation casuistique qui sera faite par les juges. Néanmoins, certaines mentions sont indispensables pour pouvoir juger de la comparabilité.

-      Sur les mentions à fournir dans chaque annonce

Chaque annonce doit être suffisamment précise pour que le locataire puisse juger de la comparabilité des logements.

Ces annonces qui doivent être détaillées peuvent être obtenues auprès d'agences immobilières mais aussi auprès d'observatoires locaux des loyers. 

De plus, aujourd’hui, il faut qu’une certaine proportion de biens (sans que le nombre soit clairement défini par la loi) porte sur des biens conclus récemment et une partie sur des biens conclus depuis plus de trois ans.  Doivent notamment être présents dans les annonces :

·    Nom de la rue

·    Indication partielle du numéro de l'immeuble (par dizaine),

·    Type d’habitat (collectif, individuel) 

·    Epoque de construction de l’immeuble

·    Étage du logement et présence éventuelle d’un ascenseur

·    Surface habitable du logement et nombre de ses pièces habitables

·    Existence d’annexes éventuelles

·    État d’équipement, notamment présence d’eau courante, WC intérieur, salle d’eau, chauffage

·    Indication que le locataire est dans les lieux depuis au moins 3 ans

·    Montant du loyer mensuel hors charges effectivement exigé

·    Année de constatation des éléments constitutifs de référence

c.    Sur les conditions relatives aux zones tendues

-      Sur les « passoires thermiques ».

Les propriétaires de logements classés F ou G en zone tendue ne pourront plus augmenter leur loyer.

Il est prévu que ce texte entre en vigueur pour les biens dont le bail sera conclu ou renouvelé à compter du 24 août 2022. 

-      Sur la réévaluation maximale possible

En zone tendue, lors du renouvellement d'un contrat de location, la hausse de loyer convenue entre les parties ou fixée judiciairement ne peut excéder la moitié de la différence entre le montant d'un loyer déterminé par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables et le loyer appliqué avant le renouvellement du contrat de location.

Le loyer ne pourra donc être augmenté que de la moitié de la différence entre le loyer initial sous-évalué et ceux pratiqués dans le voisinage.

-       Sur l’application du loyer minoré

La loi ELAN est revenu sur l’encadrement instauré par la loi ALUR et la procédure est identique que le logement se situe dans une zone non tendue ou tendue.

Il existe simplement, depuis la loi ELAN, un encadrement spécifique en zones tendues lorsqu’un arrêté préfectoral a été pris à cet effet.

D’ailleurs l’article 140 de la loi ELAN précise bien :

« A titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, dans les zones mentionnées à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'habitat, la commune de Paris, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, la métropole de Lyon et la métropole d'Aix-Marseille-Provence peuvent demander qu'un dispositif d'encadrement des loyers régi par le présent article soit mis en place ».

Ce n’est alors qu’en cas de soumission à cette procédure qui a été proposée par la loi ELAN, à titre expérimental, dans certaines zones, que la procédure spécifique va s’appliquer.

Pour ces villes qui se sont soumises à ce dispositif, le calcul pour augmenter le loyer est le même (moitié de la différence) mais en plus, le nouveau loyer proposé doit être inférieur ou égal au loyer de référence minoré.

 

4. Sur les modalités de réévaluation

Si le bail est conclu pour 3 ans et que la réévaluation est inférieure à 10%, le renouvellement sera de trois ans et l’augmentation s’appliquera par tiers annuel.

Lorsque la réévaluation est supérieure à 10% le bail sera renouvelé pour trois ans si la durée initiale est de trois ans  mais l'augmentation s’appliquera par sixième annuel au contrat renouvelé (lorsque le bail est conclu initialement l'téalement sera également sur six ans).

 

5. Sur les suites de la proposition

Le locataire devra accepter par écrit le nouveau loyer. Il vaudrait mieux en effet, que le locataire signe une vraie lettre distincte dans laquelle il accepte les conditions de renouvellement plutôt que de signer simplement l’avenant au bail.

Il a été jugé que le seul paiement du nouveau loyer ne caractérisait pas une renonciation sans équivoque à se prévaloir du loyer du bail expiré (Cass, 3èmeciv 13 juillet 2011 n°10-16902).

En cas de désaccord ou à défaut de réponse quatre mois avant le terme du contrat, il faudra saisir la commission départementale de conciliation et à défaut d’accord constaté, le juge doit être saisi (par la remise de la copie de l’assignation qui aura été signifiée) avant le terme de contrat.

Attention, il ne faut pas saisir la commission avant le délai de quatre mois avant le terme, sans quoi la saisine sera déclarée irrégulière (CA Paris, 7 juin 1991 1991-022858). D’autres arrêts ont admis cette saisine « prématurée » lorsque le locataire avait exprimé clairement son désaccord.

Attention, la commission a deux mois pour se prononcer et avant ce délai de deux mois, la Cour de cassation estime irrégulière la saisine du juge (Cass 3èmeciv 13 décembre 2006, n°05-20761).

 

 

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