Peut-on signer un accord de paix sans intervention parlementaire ?
À propos de l’accord de paix signé le 27 juin 2025 entre la RDC et le Rwanda
1. Cadre constitutionnel : la typologie des engagements internationaux
Les dispositions constitutionnelles du 18 février 2006 relatives à la mise en œuvre du droit international établissent une double catégorisation des engagements internationaux. Cette classification, également reconnue en droit français et en doctrine internationaliste, distingue :
a) Les traités en forme simplifiée
Il s’agit d’engagements internationaux qui ne nécessitent ni ratification, ni approbation parlementaire. Ils sont valablement conclus par la seule signature des parties. Ces traités prennent effet immédiatement après signature, sans nécessité d’un acte législatif ou d’un assentiment formel des chambres. En droit américain, on les appelle « executive agreements ».
En droit congolais, l’article 213, alinéa 2, de la Constitution du 18 février 2006 dispose : « Le Gouvernement conclut les accords internationaux non soumis à ratification après délibération en Conseil des ministres. Il en informe l’Assemblée nationale et le Sénat. »
Il résulte de cette disposition que le Gouvernement est tenu d’informer le Parlement, mais n’a pas besoin de solliciter son assentiment pour ce type d’accords. Toutefois, le moment de cette information n’est pas précisé. Sur ce point, le professeur Bula Bula s’interrogeait déjà sur le moment auquel doit intervenir cette information : les deux chambres du parlement doivent être informées avant ou après la conclusion ?
Pour nous, l'information doit intervenir avant la conclusion. Le parlement étant que représentantation populaire, doit émettre tant sur l’opportunité de l’accord que sur le fond de l'accord envisagé. Ce régime contribuerait à renforcer la collaboration interinstitutionnelle et à anticiper d’éventuelles tensions.
b) Les traités à procédure solennelle
Ces traités, en raison de leur nature ou de leur portée, nécessitent un formalisme renforcé. La signature seule ne suffit : il faut une ratification ou une approbation, parfois même l’assentiment formel des deux chambres.
Il s’agit notamment des traités de paix , des traités engageant les finances de l’État ... ( Cfr article 214 de la constitution).
Cette distinction entre formes simplifiée et solennelle est comparable à celle entre le contrat consensuel et le contrat solennel en droit des obligations ( contrats ).
2. Quelle est la nature juridique de l’accord RDC–Rwanda et qu'elle procédure devrait-elle alors suivre ?
D'emblée, il convient de souligner que l'accord conclu entre la RDC et le RWANDA est un traité et, à cet effet, il est régi par le Droit international notamment les dispositions de la convention de vienne de 1969 sur le Droit des traités des États. La dénomination que les parties peuvent donner à un traité n'est pas décisif sur sa qualification juridique dès lors que les critères de qualification d'un traité tels que prévus à l'article 2 de la convention de vienne de 1969 sont réunis à savoir : accord international écrit conclu entre États, régi par le droit international, signature dans un seul instrument ou dans deux ou plusieurs instruments connexes.
En effet, de par la procédure ayant conduit à la conclusion de cet accord , il est donc indéniable qu'il s'agit d'un accord en forme simplifiée, traité à procédure non solennelle. Ce accord a été signé sans ratification , approbation ou assentiment parlementaire par voie de loi.
Cependant, la matière ou le fond de ce traité concerne la paix étant donné qu'il vise à régler un conflit existant entre deux sujets du Droit international public ici les États. Et, la constitution du 18 février 2006 cite les traites de paix parmi les types d'engagements internationaux soumis à l'assentiment du parlement par voie de loi. D'où, à ce stade, on pourrait déjà dire que cet accord de paix devrait être soumis au parlement ?
Pour nous, c'est la nature de la matière objet d’un engagement international qui doit déterminer la procédure applicable à sa conclusion Et, s'il faut s'en tenir sur ce critère, l'accord de paix conclu entre la République Démocratique du Congo et la République du Rwanda devrait suivre la procédure des traités à procédure solennelle. Ce type d’accord touche à des enjeux fondamentaux de souveraineté, de sécurité nationale et de stabilité régionale.
3. Possible Justification pratique du choix gouvernemental
Cela dit, le recours à la procédure simplifiée peut s’expliquer par la lourdeur et la complexité de la procédure législative en droit parlementaire congolais :
- Saisine de l’Assemblée nationale,
- Débat en plénière,
- Envoi en commission pour examen technique,
- Seconde lecture par le Sénat,
- Mise en place éventuelle d’une commission mixte paritaire,
- Promulgation par le Président de la République,
- Publication au Journal officiel et entrée en vigueur 30 jours après.
Une telle procédure peut s’étendre sur plusieurs mois. Dans un contexte d’urgence diplomatique, l’exécutif a pu privilégier une procédure rapide, au risque d’une lecture restrictive des prescriptions constitutionnelles.
En définitive, il est possible de signer un accord international sans ratification parlementaire, à condition que la matière concernée ne relève pas des traités à procédure solennelle.
Or, l’accord de paix signé entre la RDC et le Rwanda touche à une matière la paix expressément visée par la Constitution comme nécessitant l’assentiment du Parlement. Cependant, l'exécutif congolais a préféré suivre la procédure simplifiée, justifiable pratiquement par les impératifs juridiques de la procédure solennelle.
Obed KONGOLO KANOWA
Chercheur en Droit international public