La loi pénale OHADA: LA LOI PENALE DES AFFAIRES OHADA :

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La loi pénale OHADA: LA LOI  PENALE DES AFFAIRES OHADA :

LA LOI  PENALE DES AFFAIRES OHADA : INTERPRETATION PAR LE JUGE CONGOLAIS

Don José MUANDA NKOLE wa YAHVE

Docteur en Droit des affaires, Expert et Consultant attitré en Droit OHADA

Professeur des universités.

 

Introduction

I.                   Le droit pénal OHADA : un droit à mi-chemin

Le droit pénal des affaires issu de l’OHADA, un droit pénal à mi-chemin du fait que le législateur de l’OHADA ne s’est pas approprié l’absolu souveraineté pénale en créant des infractions et des peines à applique à ces dites infractions. Somme toute, cet aspect de mi-chemin se justifie par le fait que le législateur communautaire  s’est gardé volontairement de légiférer sur un domaine que les Etats conservent jalousement le contenu. N’est-ce pas que c’est une expression de la souveraineté absolue que de rester l’unique maître de la préservation de l’ordre public pour la paix et la cohésion sociale nationales.

II. Caractère dualiste du droit pénal des affaires OHADA

Au nom de cette souveraineté absolue que les Etats considèrent à juste titre, comme un domaine expressif de leur puissance répressive face à la criminalité ; le législateur de l’OHADA a trouvé une formule adaptée notamment il a estimé bon de doter la loi pénale OHADA du dualisme.

C'est-à-dire, il se limite à définir les incriminations en respectant le principe « nullum crimen sine lege » et laisse l’autorité exclusive de définir les peines à appliquer à ces infractions aux législateurs nationaux. Ces derniers également sont tenu au respect du principe « nulla poana sine lege ».

Le juge ne pourra pas, par analogie assimiler une infraction non définie dans l’Acte Uniforme relatif  Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique  tel que révisé le 10 décembre 2010. Il reste lié à la définition de la légalité communautaire.

III. Les infractions inexistant en droit pénal des affaires OHADA

 C’est un constat amère que de voir que le législateur de l’OHADA n’a pas prévu les infractions boursières, les infractions de valeurs mobilières ; le délit d’initié alors que ces infractions suivent l’évolution au jour le jour du mandes des affaires où la criminalité au sein des entreprise deviennent très fréquentes.

Il est souhaitable pour la zone OHADA que ces infractions sont créées pour ne pas permettre aux administrateurs véreux de confondre leur patrimoine personnel en celui de la société.

IV. Les infractions essentiellement par action intentionnelle

Toutes les infractions issu de la loi pénale OHADA semblent de toute évidence  être des infractions de commission par action. Et ce qu’il apparaît à première vue, est ces infractions sont intentionnelles, c'est-à-dire que l’auteur du fait incriminé doit agir de mauvaise foi.

 

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1.      Le droit pénal des affaires : définition légale ou doctrinaire ?

« Les affaires ? Un vaste  concept, c’est l’argent des autres ». Cette phrase ne saurait satisfaire les juristes, qu’ils raisonnent en droit pur ou en introduisant des considérations économiques. A vrai dire et selon les experts des plus notables, il n’y a pas de définition légale du droit pénal des affaires et que les auteurs ne mettent pas toujours les mêmes infractions dans le récipient de ce droit.

Un premier critère vient à l’esprit, qui est matériel. Le droit pénal des affaires se définit par son contenu et il apparaît comme étant un sous-ensemble au sein du droit pénal spécial.

Le concept des affaires peut être appréhendé comme un ensemble d’opérations de toutes natures liées à l’exercice d’une activité industrielle, commerciale ou financière.[1]

Du point de vue de la confiance le climat des affaires évoque « un certain nombre de facteurs dont la présence est de nature à inspirer confiance aux investisseurs étrangers en plus des privilèges fiscaux dont ils pensent bénéficier.

Du point de vue  de la sécurité, le climat des affaires évoque une cohérence d’indices juridiques et socioéconomiques, structurels et institutionnels susceptibles d’accroître le risque lié aux investissements et d’affecter la rentabilité des capitaux, le tout ayant pour effet d’influer, positivement ou négativement sur la décision d’investir dans un Etat.

Or investir revient à prendre des risques et un pays est à risque lorsqu’il y a changement politique brusque, lorsqu’il y règne une atmosphère de corruption endémique et la non transparence institutionnelle, lorsqu’il peut suspendre le paiement ou modifier unilatéralement sa dette, ou encore lorsqu’il est en guerre.

L’uniformisation du droit des affaires qui en résulte de l’OHADA  devrait  que contribuer au renforcement de la sécurité juridique et judiciaire des activités économiques, condition essentielle de l’amélioration du climat des affaires. Mais aussi la protection des épargnants qui se muent en actionnaires méritent la protection de la part de l’Etat soucieux de croître son économie qualitativement et quantitativement.

En droit pénal des affaires, par opposition au droit pénal spécial commun, on y trouvera par exemple l’abus de biens sociaux, la banqueroute, le délit d’initié, l’espionnage industriel, les infractions financières etc. Mais au-delà, on hésite. Faut-il par exemple mettre le droit pénal du travail et les délits de droit commun applicables aux affaires, comme l’escroquerie et le recel ?

D’où la tentation d’utiliser un autre critère, formel celui-là. Les délits[2] sont alors classés en fonction de leur localisation dans les Codes : ce qui est dans le Code pénal est du droit pénal spécial et ce qui est hors du Code pénal peut être du droit pénal des affaires.

Ce second critère n’est pas meilleur que le premier : d’abord car il y a dans le Code pénal des infractions comme l’abus de confiance ou l’escroquerie qui peuvent être réalisés par des hommes d’affaires ; ensuite car, en dehors du Code pénal, on trouve des infractions  qui manifestement ne sont pas des délits d’affaires comme la conduite sous l’emprise de l’alcool, comme nous l’affirmons dans notre ouvrage du droit congolais pénal des affaires.

Au vrai, il convient de dépasser ces deux critères et de faire appel aux notions d’économie et d’entreprise, concept certes peu juridiques même si, depuis les travaux de l’Ecole de Chicago, des auteurs s’efforcent de bâtir une théorie de l’économie du droit.[3]

 Le droit pénal des affaires est bien dès lors la branche du droit pénal spécial qui traite des infractions commises dans le cadre d’une entreprise et qui sont sou tendues par des considérations économiques, donc de profit. Il en résulte que le délinquant d’affaires est un professionnel.

On intègre donc dans le droit pénal des affaires le droit pénal commercial, le droit pénale de la concurrence, de la consommation et de la bourse, et bien évidemment l’abus de biens sociaux (droit pénal des sociétés). Inversement, on exclura le droit pénal du travail, le droit pénal de l’environnement et le droit pénal immobilier : les infractions commises dans ces cadres ne sont pas en principe commises par des professionnels.

Cela dit, le droit pénal des affaires existe bel et bien. Le droit des affaires est traditionnellement pénalisé. Il l’est cependant plus ou moins selon les époques et selon les régimes politico-économiques : un régime libéral fera moins appel à la pénalisation qu’un régime autoritaire et d’un autre côté les périodes de crises économique connaissent une plus forte pénalisation que les époques d’expansion économique.

 

De tout cela, il résulte d’abord que le droit pénal des affaires pose un problème de légitimité. En outre, la présence des idées d’entreprise et du profit entraînent un certain particularisme de ce droit face aux autres branches du droit pénal spécial. Et enfin ce droit pénal des affaires comporte des limites, des alternatives. Serait-il le cas du droit pénal des affaires issu de l’OHADA ?

 

En tout cas, le droit pénal OHADA s’est contenté de pénaliser les actes relatifs à la vie des sociétés les plus vitaux, loin du débat de la dépénalisation de la vie des affaires.

I – La justification d’une pénalisation du droit des affaires

A – A l’encontre de la pénalisation

Des auteurs, soit libéraux politiquement, soit méfiants à l’égard du droit pénal plaident pour une restriction de la voie pénale. Les premiers entendent laisser jouer la loi du marché et les seconds (qui peuvent se confondre avec les premiers) considèrent que des sanctions non pénales ont autant d’effets que les peines avec en moins certains désastres. En outre, ces esprits invoquent deux autres arguments.

 

D’abord les faits sont parfois ignorés de la justice pénale. A quoi bon dès lors prévoir l’appel cette justice ! Cette ignorance se fonde parfois sur des raisons juridiques comme le secret de l’entreprise dont la violation peut donner lieu à poursuites.

 

 Il est vrai que les commissaires aux comptes sont tenus de révéler au parquet les faits délictueux qu’ils découvrent à l’occasion de leurs contrôles de la comptabilité des entreprises. D’autres fois, l’ignorance des autorités se fonde sur des raisons factuelles : le flagrant délit est rarissime et les plaintes des victimes ne sont pas très fréquentes.

 

Il y a pourtant des victimes comme les associés, les concurrents, les consommateurs, les petits épargnants… Mais ces gens là déposent peu plainte soit qu’ils ignorent les faits, soit qu’ils sont complices, soit encore qu’ils ne croient pas à l’utilité de leur démarche. - Ensuite, le juge pénal est mal à l’aise en matière de délinquance des affaires. Il ignore les subtilités de la vie des affaires. Il a peur de la paralyser, voire n’aime pas le monde de l’entreprise.

B – En faveur de la pénalisation

Et pourtant une certaine pénalisation est indispensable tant pour des raisons matérielles (préjudice causé aux salariés et épargnants) et morales (recherche affirmée du profit). Cette légitimité du droit pénal des affaires est d’autant plus évidente que ce droit n’est pas une remise en cause du système d’économie libérale, même si G. Ripert soutenait le contraire dans son Déclin du droit publié en 1949 (n° 56).

 

A vrai dire, le droit pénal est très compatible avec un système libéral et même il le fortifie comme l’a montré le professeur américain Charles Fried dans l’ouvrage collectif Les enjeux de la pénalisation de la vie économique (Dalloz 1997, p. 102 et s.). Il est vrai que cet auteur entend limiter la sanction pénale à des faits clairs et graves, des faits de « turpitude morale frappant le citoyen ordinaire » (p. 106).

 

Ce point de vue est le meilleur. Cela dit, le droit pénal des affaires n’est pas le droit commun pénal. Le banqueroutier n’a rien de commun avec le voleur d’un véhicule ou l’auteur d’un délit sexuel. Il existe un particularisme du droit pénal des affaires.

 

II – Le particularisme de la pénalisation dans le droit des affaires

A – La théorie de l’infraction

Les sources de l’infraction ne sont pas toujours celles du droit commun pénal. Certes les délits sont contenus dans les lois comme les autres délits. Mais en droit des affaires il existe un droit communautaire (de l’Union européenne) et celui-ci prime le droit interne.

 

La chambre criminelle de la Cour de cassation l’a admis dans un arrêt du 22 octobre 1970 dans la célèbre affaire des Fils d’Henri Ramel. Plus récemment, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu un arrêt remarqué le 13 octobre 2005 dont le principe est celui-ci : la législation communautaire (les directives et les règlements communautaires) peut prendre des mesures « en relation avec le droit pénal des Etats membres pour garantir la pleine efficacité des normes qu’elle édicte en matière d’environnement ».

 

Ce qui est une invitation, une obligation même pour les Etats à pénaliser les dispositions communautaires.

 

En l’espèce il s’agissait d’environnement à la limite des affaires (mais qui peut en faire partie). Cependant on peut imaginer que par la suite, ce principe sera étendu à d’autres secteurs. La structure de l’infraction n’est pas non plus toujours la même en affaires et en droit commun.

 

C’est vrai d’abord pour l’élément matériel : l’omission joue un grand rôle en droit des affaires, plus important qu’un droit commun. Il y a beaucoup de délits d’omission en droit des sociétés.

 

La jurisprudence française admet même la complicité par abstention alors que l’article 121-7 du Code pénal français exige une action dans la complicité, et dons un comportement positif. A notre avis, une telle démarche devra être celle du juge congolais.

 

Un arrêt de la chambre criminelle, en date du 28 mai 1990, a qualifié de complice le membre d’un directoire de société qui connaissait l’existence d’abus de biens sociaux et qui ne s’y est pas opposé.

 

Quant à l’élément moral du délit, la jurisprudence française l’entend de façon répressive. On sait que la Cour de cassation française avait, depuis 1845, créé des délits dit matériels pour lesquels l’élément moral était présumé en sorte que le prévenu ne pouvait se sauver qu’en prouvant sa folie ou la contrainte.

 

Les rédacteurs du Code pénal français de 1992 ont supprimé cette notion. Cependant, pour des infractions qui sont en général des délits d’affaires, la Cour de cassation française a imaginé une sorte de présomption de connaissance qui en revient pratiquement aux anciens délits matériels.

 

Elle décide en effet que « la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3 du Code pénal  français» (par exemple Crim. 14 janvier 2004).

 

B – La théorie de la responsabilité

Pendant longtemps, seule a été envisagée la responsabilité du chef d’entreprise. Les premières applications de cette idée remontent au XIXème siècle et la formule imaginée par la jurisprudence s’est perpétuée. Ainsi un arrêt de la chambre criminelle, en date du 28 février 1956 décide : « dans les industries réglementées sur le plan de la salubrité et de la sécurité publique, la responsabilité pénale remonte essentiellement au chef d’entreprise ».

 

Cependant la responsabilité de l’employeur suppose la réunion de certaines conditions.

Il faut d’abord que le préposé ait commis une faute qui soit une infraction pénale. Il faut ensuite une faute du patron, qui est en réalité un défaut de contrôle ou de surveillance. Cependant cette faute est présumée en sorte que le patron ne pourra pas se dégager en prouvant son absence de faute.

 

En somme, l’infraction de l’employé révèle celle du patron et cela de façon quasiment irréfragable. Certes une loi du 10 juillet 2000 sur les délits non intentionnels en France, exige une faute qualifiée en cas de causalité indirecte entre le comportement de l’agent et le préjudice. Mais la jurisprudence n’admet pas cette dépénalisation en faveur du chef d’entreprise. Elle entend maintenir une grande rigueur pour forcer les employeurs à bien surveiller leurs préposés.

 

Toutefois, la jurisprudence reste humaine. Il y a des cas dans lesquels le patron est dans l’impossibilité matérielle de surveiller correctement ses préposés. C’est pourquoi, depuis

1901, la chambre criminelle admet que le chef d’entreprise peut déléguer une partie de ses pouvoirs à un préposé. Encore faut-il que la délégation ne soit pas générale et que le préposé soit pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exercice de sa fonction » (chambre criminelle, 5 arrêts en date du 11 mai 1993).

 

Il faut aussi que l’entreprise soit d’une certaine dimension. La conséquence de la délégation est que le chef d’entreprise échappe à sa responsabilité et que seul le préposé délégué est responsable.

 

Le nouveau Code pénal français de 1992, a créé un nouveau sujet passible de poursuites, la personne morale (art. 121-2 du Code pénal). Il y a certes un débat sur la possibilité de punir un être moral. Mais aujourd’hui un nombre croissant de législations nationales en Europe l’admette et la France l’a admis aussi avec le Code de 1992.

 

Cette responsabilité peut s’appliquer à toutes les infractions, du moins depuis une loi du 9 mars 2004 et dans la pratique, plusieurs délits d’affaires servent de base à la poursuite.

 

 

La personne morale est responsable pour les « infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». En somme, l’être moral ne commet pas directement lui-même l’infraction, c’est le dirigeant qui la commet et qui la commet pour le compte de l’être moral. Cette position est celle du droit pénal des affaires issu de l’OHADA si l’on examine l’esprit du législateur.

 

La jurisprudence a d’ailleurs condamné la théorie de la faute distincte de la personne morale (chambre criminelle, 2 décembre 1997). Il est vrai que par la suite, la personne morale a pu être condamnée même si l’auteur physique n’a pu être déterminé, qu’il s’agisse d’une infraction non intentionnelle (chambre criminelle, 20 juin 2006) ou même d’une infraction intentionnelle (chambre criminelle, 25 juin 2008, « il se déduit que les infractions retenues s’inscrivent dans le cadre de la politique commerciale des sociétés en cause et ne peuvent, dès lors, avoir été commises, pour le compte des sociétés, que par leurs organes ou représentants »).

 

La responsabilité de la personne morale n’exclut pas celle du dirigeant : un cumul des deux est possible et d’ailleurs prévu par l’article 121-2 al. 3. Ceci s’explique par le fait que la responsabilité de la personne morale (qui est une responsabilité personnelle) suppose une infraction commise par un dirigeant, personne physique.

 

C – La théorie de la sanction

Considérons d’abord les peines prévues par la loi. Si l’on met de côté les peines encourues par les personnes morales, (l’amende qui est en principe le quintuple du maximum prévu pour les personnes physiques ; l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ; le placement sous surveillance judiciaire ; la fermeture d’un établissement ; la confiscation de la chose ayant servi à la commission de l’infraction ou de la chose qui en est le produit…), on doit insister davantage sur les peines encourues par les personnes physiques. Ce sont celles du droit commun, y compris l’emprisonnement (la réclusion n’est pas prévue) et, bien évidemment l’amende. Il faut ajouter la confiscation, la fermeture d’établissement et l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale ainsi que l’exclusion des marchés publics.

 

L’interdiction professionnelle d’exercer le commerce (pendant dix ans), créée par la loi du 30 août 1947 sur l’assainissement des professions commerciales et conçue comme une peine accessoire doit être considérée aujourd’hui comme abrogée : en effet l’article 131-27 du Code pénal prévoit une peine plus douce d’interdiction pour cinq ans au plus lorsqu’elle est temporaire (Cour de cassation, assemblée plénière, 22 novembre 2002).

 

Quant aux peines prononcées par le juge, il faut signaler la grande importance de l’amende, ce qui est normal car les délits d’affaires sont des infractions de profit.

 

L’emprisonnement est rarement prononcé sauf si les faits sont très graves. Des problèmes se posent à propos des personnes morales, notamment en cas de fusion de deux personne morales et lorsque la société absorbée avait, avant absorption, commis une infraction.

 

 

Cette société ne peut plus, après cette opération être responsable puisqu’elle perd son existence juridique (chambre criminelle, 20 juin 2000, France). Mais de son côté la société absorbant ne peut pas non plus être condamnée pénalement car rien ne peut lui être reproché alors que l’article 121-1 du Code pénal français proclame le principe de la responsabilité pénale, même si les faits sont graves.

S’ils ne le sont pas, peut-on de façon générale maintenir la répression pénale ou ne faut-il pas organiser des alternatives à la pénalisation ?

 

2.      Tentative de définition doctrinaire du droit pénal des affaires

Quant à nous, nous pensons humblement définir le droit pénal des affaires (abrégé en DPA), comme «  est l'ensemble des règles de droit concernant les infractions susceptibles d'intervenir dans la vie des affaires, mais aussi de l'ensemble des règles économiques qui peuvent être sanctionnées pénalement ».

 

Ainsi, le droit pénal des affaires comprend des infractions de droit commun (vol, escroquerie, abus de confiance, corruption) et des infractions spécifiques en matière notamment: de droit des sociétés (ex: majoration des apports en nature, abus de bien social ...), de droit de la concurrence (ex: entente, abus de position dominante ...), de droit de la consommation (ex: publicité trompeuse), de droit boursier (ex: délit d'initié).

Si en France, le respect du droit pénal des affaires est assuré en partie par les juridictions pénales et en partie par des autorités administratives indépendantes (ou AAI): Conseil de la concurrence et Autorité des marchés financiers (AMF).

Dans l’espace OHADA, il n’existe pas encore, peut être c’est à venir, une institution chargée du respect des normes du droit pénal des affaires d’autant plus que le droit pénal des affaires OHADA est caractérisé par un dualisme juridique : c’est que ses sources proviennent d’une part du législateur commun de l’OHADA quant à la définition des incriminations et d’autre part des législateurs nationaux qui gardent la souveraineté pénale de définir les peines à appliquer à ces incriminations. Il s’avère qu’une telle institution sera complexe sinon difficile.

En RD Congo, moins encore, aucun organisme étatique n’est institué à veiller au respect des normes du droit pénal des affaires interne. D’autant plus, et il faut le dire, que le droit positif congolais ne connaissait pas particulièrement le droit pénal des sociétés commerciales jusqu’à l’avènement de l’OHADA.

Certains auteurs définissent le droit pénal des affaires comme « un ensemble des règles juridiques à caractère purement pénal définies par un Etat dans le but de réprimer les abus susceptibles d’être commises et de perturber l’ordre public économique dans  les relations entre les acteurs économiques dans les différents secteurs d’affaires et au sein d’une société commerciale »[4]

3.      L’interprétation de la loi pénale des affaires par le juge congolais à la lumière du droit pénal OHADA

Depuis le siècle des Lumières, le droit pénal est considéré comme étant un des moyens les plus sûrs afin de mesurer le degré de civilisation d'une société. Il se caractérise essentiellement par un besoin intrinsèque d'équilibre entre deux intérêts antagonistes.

Sa nature régalienne, soucieuse d'exemplarité et d'efficacité, s'oppose à la protection des individus, le soumettant au principe de dignité de la personne humaine, valant autant pour les victimes que pour les coupables. L'interprétation de la loi pénale dépasse le cadre de la technique juridique. Le caractère sacré attaché à l'équilibre intrinsèque du droit pénal fait de l'interprétation une opération de « magie » : la norme abstraite prend vie et devient le droit.

L'interprétation est une composante essentielle du raisonnement juridique. Le raisonnement juridique est, généralement, défini comme l'application d'une règle à un cas. L'interprétation juridique consiste à déterminer le sens de la règle en vue de préciser sa portée dans le contexte de son application.

Dans un sens plus large, l'interprétation juridique désigne toute forme de raisonnement juridique qui conduit à la solution d'un cas ou à la découverte d'une règle[5].

L'interprétation devient le pivot central de la recherche de la raison juridique, constituant la science du droit et ayant pour objet de rendre possible la connaissance rationnelle du droit. A ce titre, elle représente une question essentielle de la théorie du droit, commune à toutes les disciplines juridiques, ayant connu une histoire mouvementée entre l'autorité et la raison.

L'étude de droit pénal ne saurait faire l'économie des références à la théorie générale, même si elle présente des particularités irréductibles. Le principe fondateur du droit pénal, véritable clé de voûte de l'organisation répressive congolaise, est le principe de la légalité pénale. « Nullum crimen, nulla poena sine lege ».

En vertu de cet adage, la loi est source unique de droit pénal. L'application de la loi au procès en cours constitue le passage de la dimension générale à la dimension particulière.[6]

Le juge répressif est chargé de la mission délicate d'assurer l'équilibre entre l'efficacité de la répression et la garantie des droits individuels. S'il possède un pouvoir incontestable de personnalisation de la sanction pénale, peut-il exercer ce pouvoir dans le domaine de l'interprétation de la loi pénale ?

Une application restrictive du principe de la légalité pénale conduirait à une réponse négative, le juge étant cantonné à une distribution automatique des peines assortissant les qualifications retenues. Cette analyse découlerait directement de la vision de Montesquieu qui voyait le juge comme « la bouche prononçant les paroles de la loi ».

Les auteurs classiques appliquaient strictement ce principe en matière pénale. Ainsi, Portalis déclarait « qu'en matière criminelle, il faut des lois précises, point de jurisprudence », rejoignant Beccaria qui affirmait, pour sa part, que « les juges ne peuvent pas interpréter la loi, car ils ne sont pas législateurs ».

Aux lendemains de la Révolution française, cette conception prévalait et le législateur lui-même interprétait ses textes de loi, à travers le mécanisme du référé législatif.

Des réminiscences de cette technique subsistent encore aujourd'hui dans l'interprétation authentique des lois, émanant du législateur : les lois interprétatives ab initio ou a posteriori et les réserves d'interprétation du Conseil Constitutionnel français faisant corps avec la loi et s'imposant aux juges avec la même force qu'elle. Cette position doit être celle du législateur congolais en matière de l’interprétation de la loi pénale OHADA en matière des affaires.

L'idéalisme de cette conception de loi pénale parfaite, empreinte d'universalisme et pérennité, s'est vite imposé dans la réflexion des juristes congolais. L'inflation législative galopante, notamment dans le domaine pénal, laisse quelques traces sur la qualité des textes.

En cas de carence du texte, de loi obscure, incomplète, inadaptée aux évolutions de la société dans le cadre de la loi pénale OHADA, le juge congolais pénal peut-il interpréter la loi ou doit-il refuser de juger, en attendant l'intervention du pouvoir législatif ?

Le juge congolais nous pensons, a l'obligation légale de statuer et ne peut s'abriter derrière le caractère insuffisant de la qualité d'une loi pénale OHADA. La Chambre criminelle de la Cour de cassation française par exemple, n'hésite pas à appliquer l'article 4 du Code civil français dans un pareil cas à titre de comparaison.

Le juge refusant de juger pour ne pas interpréter une loi insuffisante, obéissant strictement au principe de la séparation des pouvoirs, se rendrait coupable de déni de justice. Le juge a le pouvoir d'interpréter la loi, comme continuation de son devoir de l'appliquer.

Cependant en droit pénal des affaires OHADA, l'interprétation de la loi pénale devra obéir à des règles propres au droit pénal congolais. Malgré son intégration judiciaire au sein du droit privé, le juge pénal s'éloigne des théories d'interprétation extensive retenues par les disciplines voisines.

Le droit est, de manière générale, une discipline interprétative. Il est particulièrement important de savoir si les interprétations successives procèdent d'une démarche interprétative unique afin de dégager un concept unique proche de la véritable nature du droit. Si l'accord de la communauté des interprètes permet de dégager un idéal régulateur de l'interprétation, seules les décisions font autorité et nullement les interprétations.[7]

Le statut de l'interprétation débouche invariablement sur le positionnement de l'interprétation jurisprudentielle de chaque Etat membre de l’espace OHADA, par rapport à la loi. Si son autorité morale est indéniable, son autorité légale est discutée.

Les sources du droit desquelles coule ou découle le droit ont reçu une définition restrictive dans la classification traditionnelle du droit privé de Gény entraînant une hypertrophie de la notion.

Gény a créé la notion de source formelle réservée à la loi, dans son sens constitutionnel français, source complétée par les simples autorités, appelées depuis sources matérielles. Si la coutume en est exclue, de manière définitive et absolue par le droit pénal, le débat principal porte sur le statut de l'interprétation jurisprudentielle en rapport avec le juge congolais face aux normes pénales souverainement congolaises.[8]

Ainsi, le critère de distinction entre les deux catégories de sources reposera selon nous avis sur la liberté d'interprétation. Si les sources formelles revêtent un caractère impératif, en s'imposant à l'interprète « supprimant ou restreignant la liberté de ses jugements », dans les autres cas « l'interprète est totalement livré aux inspirations de sa conscience individuelle », pense JEANDIDIER W.[9]

Cependant, le raisonnement est frappé d'un défaut de cohérencecar la plus ou moins grande liberté de l'interprète devrait être la conséquence pratique de la distinction et nullement son critère.[10]

Gény a exclu la jurisprudence des sources formelles du droit car elle ne s'impose pas à l'interprète avec une force suffisante, étant incertaine et évoluant en fonction des nécessités sociales sans aucune garantie de stabilité.

L'interprétation prétorienne présente, néanmoins, une autorité incontestable, notamment, lorsqu'elle émane de la Cour de cassation, ce qui permettrait d'établir une distinction éventuelle entre autorité de droit et de fait.

Cette inspiration est illustrée par le droit pénal des affaires contemporain qui se réfère fréquemment à la norme et à la règle et non plus exclusivement à la loi, lui permettant d'incorporer les sources matérielles bénéficiant d'une autorité de fait. La règle doit présenter la double caractéristique de permanence et de généralité, censée assurer le principe de la sécurité juridique.

Gény ne reconnaît à la décision du juge qu'une « portée qui dépasse le cas individuel ».[11] « Notre société a grand besoin d'une jurisprudence uniforme et bien liée qui rassure par le sentiment d'avoir en elle un guide infaillible.

Toutefois, à côté de la sécurité du commerce juridique, le progrès des institutions réclame, en sens inverse, une large indépendance vis-à-vis de ses antécédents. »[12]

Afin de concilier ces deux intérêts contradictoires, la loi elle-même a accordé le pouvoir d'interprétation à la Cour de cassation ce qui revient à la Cour Suprême congolaise.

Placée en face d'une véritable question de droit, la Cour Suprême congolaise  n'a pas toujours à se prononcer catégoriquement.

 

Si la loi a été ouvertement violée, la cassation s'impose. « Tant qu'il n'y a pas de nécessité impérieuse d'unifier la jurisprudence sur un point douteux, tant que, d'autre part, la clarté ne paraîtrait acquise relativement à sa solution, les magistrats  en matière du droit pénal des affaires OHADA,  ne peuvent laisser passer des opinions divergentes alors que les peines divergent d’un Etat à un autre, plutôt que de consacrer, sur une question non prévue par la loi écrite, une solution définitive prématurée ».

Si l'appartenance commune du droit civil et du droit pénal à la même branche juridique a favorisé une contamination de la matière répressive par les mêmes méthodes, l'interprétation de la matière pénale des affaires revêt une autonomie indéniable.

Il est nécessaire de définir la notion d'interprétation de la congolaise, avant de se pencher sur les pouvoirs du juge pénal dans ce domaine. « Interpréter la congolaise consiste pour le juge à chercher son sens exact pour l'appliquer aux situations qu'elle est appelée à régir dans le domaine du droit criminel des affaires».

Toutes les lois doivent être interprétées afin d'assurer leur application, leur traduction en pratique. Ce sens originel de l'interprétation, la recherche du passage du général (de la règle) au particulier (à l'espèce) a évolué avec le temps. L'interprétation n'est plus seulement la découverte de la solution d'un cas, mais dégage une forme de raisonnement permettant la découverte d'une règle.

L’esprit du législateur congolais en matière pénale des affaires choisira d'accorder sa confiance au juge pénal, confiance gagnée par les juges, grâce à un remarquable travail d'interprétation de la loi pénale, même dans le silence absolu du Code pénal de droit communiquant à leurs pouvoirs dans ce domaine.

Après avoir écouté les plaideurs, le juge peut faire parler la loi. Il prononce les peines ou les absolutions, mais il est tenu par la source descendante de la loi, véritable « parole divine ».

Le juge pénal  des affaires acquiert le pouvoir d'interpréter la loi et le législateur lui impose la méthodologie à suivre. Cependant, en l'absence d'une définition de l'interprétation stricte de la loi pénale, l'espace de recherche du juge reste relativement vaste et les questions se bousculent.

  • Quel est le contenu de la méthode d'interprétation stricte ?

  • Quels sont les pouvoirs du juge pénal des affaires ?

  •  Quelle est la valeur de son interprétation face au droit communautaire pénal des affaires issu de l’OHADA ?

La méthode de l'interprétation stricte de la loi est présentée généralement comme le corollaire naturel du principe de la légalité pénale. En raison du pouvoir d'interprétation que s'arroge le juge pénal, peut-on dire aujourd'hui que ce principe concurrence indirectement la légalité, en menaçant l'équilibre constitutionnel de l'organisation de notre système démocratique ?

S'il semble nécessaire d'accorder un pouvoir d'interprétation au jugé pénal, il convient, néanmoins, de le contenir dans des limites strictes afin de ne pas vider le principe de la légalité pénale de son essence même.

Ce principe est le prolongement naturel de la séparation des pouvoirs constituant le fondement de la société démocratique. L'interprétation juridique est une continuelle histoire entre raison et autorité. Si le juge en interprétant cherche la Raison, la Raison de la Loi et peut-être même au-delà, la Raison du Droit, de la Justice, quelle est l'Autorité de son interprétation ?

L'interprétation de la congolaise oscille continuellement entre raison et autorité. D'une part, le juge pénal des affaires est devenu un virtuose de l'interprétation de la loi vertueuse. Il exprime ainsi sa recherche de la raison dans l'autorité de la loi. D'autre part, son avis sur l'interprétation de la loi détermine la vie du droit, l'évolution du système. La raison trouvée reçoit-elle une quelconque autorité ?

4. De l'autorité à la raison du juge pénal des affaires congolais

L'interprétation est, pensons avec force,  un raisonnement logique suivant plusieurs phases : la découverte, la recherche de référence, l'énoncé d'une hypothèse, vérification de l'hypothèse par son application à l'espèce, énoncé des règles générales qui lui permettront d'accéder à son tour au rang des références. Cette méthode présente un avantage certain car elle se rapproche du modèle de la spirale délaissant la dimension fermée du cercle. La boucle n'est jamais bouclée et le travail d'interprétation continue.

Les différentes théories de l'interprétation sont autant d'atteintes au mythe de la loi claire et univoque, limpide et précise. « Le rôle de la théorie ne consiste pas tant à imposer des règles ou des interprétations nouvelles, qu'à exhumer les prémisses philosophiques occultes qui orientent de manière inconsciente la pratique du droit afin d'en apprécier la pertinence et, si nécessaire, les remettre en cause ».[13]

La théorie du droit pénal des affaires constitue le principe même de l'interprétation constructive.

Selon le principe de la légalité pénale, la loi a le monopole de la création des infractions et des peines. Ce monopole se dédouble, en pratique, car le pouvoir législatif, au sens strict, a vocation à gérer les crimes et les délits, alors que le pouvoir réglementaire est compétent pour les contraventions[14].

 Ce monopole constitue un privilège doté d'une contrepartie importante. Le législateur congolais n'a pas uniquement le droit de faire des lois pénales, mais il en a aussi le devoir. La loi, revêtue de cette exceptionnelle autorité, se doit d'être vertueuse, afin de permettre au juge d'en apprécier la raison et de l'interpréter.

A. La vertu de la loi pénale des affaires et le lien de l’autorité

« Donc la loi est la distinction des choses justes et injustes, exprimée conformément à la nature ancienne et primordiale du monde, sur laquelle se règlent les lois des hommes qui frappent de supplice les méchants et prennent la défense et la protection des gens de bien ».[15]

L'incrimination est le reflet d'une conception exclusivement objective de la criminalité, car le législateur s'attache à déterminer les bonnes ou les mauvaises conduites de façon générale et impersonnelle. Il semble impossible de parler de l'interprétation de la congolaise en faisant abstraction de son fondement même - le texte à interpréter. A l'origine, le principe de légalité était défini comme imposant l'obligation de l'existence préalable d'un texte définissant l'incrimination et la peine l'assortissant.

Le droit pénal met l'accent sur les apports de Cesare Beccaria, fondateur du courant légaliste, qui dans son traité « Des délits et des peines », publié en 1764, décrit les bases d'une bonne justice pénale mettant en œuvre les principes généraux dominés par l'idée nouvelle de contrat social.

De l'union des volontés particulières naît une personne publique recherchant le bien commun. Pour remplir cette mission, cette personne publique a des lois censées régir tous les domaines de la société, notamment la répression.

Les lois peuvent fixer les peines de chaque délit et le droit de faire des lois pénales ne peut résider que dans la personne du législateur. [16]

Le principe de la légalité pénale a été élargi à l'obligation de qualité de la loi d'incrimination et de pénalité. Il ne suffit pas qu'un texte existe, mais il faut que ce texte soit d'une qualité suffisante afin de permettre au juge de l'appliquer. Le principe de légalité pénale en matière des affaires conjugue également deux composantes : l'existence et la qualité de la loi.

A titre exemplaire, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt du 24 avril 1990, a défini les deux composantes de la qualité de la norme pénale - la prévisibilité et l'accessibilité.

La prévisibilité renvoie aux exigences constitutionnelles de clarté et de précision de la loi. A la lecture de la loi, le citoyen doit connaître les actes et les omissions engageant sa responsabilité pénale. L'accessibilité tend à assurer une information préalable suffisante des justiciables.

Le citoyen doit pouvoir prendre connaissances des règles applicables afin d'être prévenu des conséquences de son comportement.[17]

Cette exigence de qualité, redécouverte et revisitée tous les jours par les juristes, est une des préoccupations classiques de la doctrine du droit privé. Si le Discours préliminaire à la présentation du Code civil de Portalis reste la référence suprême, les conseils prodigués au législateur par le Doyen Carbonnier sont juridiquement précieux et peuvent servir valablement en droit pénal des affaires.

Dans son ouvrage « Essai sur les lois », il privilégie une approche philosophique, historique et sociologique se terminant par quelques instructions sur l'attitude intérieure que doit garder le législateur. « Elaborer des lois est une chose grande, importante et délicate, et sans l'esprit de Dieu, on ne fait rien de bon.

Aussi faut-il agir toujours avec crainte et humilité devant Dieu, et observer cette règle : faire court et bon, peu et bien, aller doucement et sans cesse en avant. Ensuite, si ces lois s'enracinent, les compléments nécessaires se présenterons d'eux-mêmes, comme cela a été le cas chez Moïse, le Christ, les Romains, le pape et tous les législateurs ».

(Luther parle ici). Son aspect de manuel de législation futur met l'accent sur le droit naturel de la législation, ou à défaut, d'une morale.

Les tendances de l'art législatif en RD Congo tout comme en France, s'inspirent de l'empirisme législatif, hérité de Montesquieu, montrant une conception holiste du droit et caractérisé par plusieurs traits.[18]

La modération est traduite par une transaction législative résultant d'un compromis entre deux extrêmes. Sa mise en œuvre est assurée par le relais des juges vus comme « des conseillers ou ministres d'équité plutôt qu'interprète de textes ou artisan de la jurisprudence ».

Les calculs d'ineffectivité doivent plaider pour la coexistence des méthodes traditionnelles aux côtés des innovations. Cela permet d'aboutir à une véritable pluralité des modèles pouvant susciter une création spontanée du droit faisant une large place à l'inspiration de l'équité.

Si l'équité avait, à l'origine, une place modératrice, cantonnée à un rôle secundum legem, elle acquiert, aujourd'hui, une force correctrice et sanctionnatrice, accédant à un rôle praeter legem.[19]

Cependant, une limite essentielle demeure en droit pénal : le juge pénal des affaires ne dispose pas d'un pouvoir créateur, mais d'un pouvoir modulateur. L'interprétation lui permet de remodeler les règles légales, mais il ne saurait se substituer au législateur en vertu de l'équité naturelle.

La création ex nihilo est impossible, même si elle est corrigée par un pouvoir de création de critères, de conditions ou de conséquences, parfois absentes du texte.

En droit pénal des affaires, l'image de la loi vertueuse s'impose avec d'autant plus de force que les peines portant atteinte aux libertés individuelles sont graves. Le législateur n'a donc pas seulement de devoir de rédiger des lois pénales, mais des lois pénales de grande qualité. Les acteurs du processus législatif sont sévères dans leur appréciation qualitative de la loi.

Monsieur Jean Foyer, ancien Garde des sceaux français, qualifiait certaines lois récentes de « neutrons législatifs », alors que le Président de l'Assemblée Nationale, Monsieur Jean-Louis Debré, déplorait les « lois déclaratives » en rappelant que « la loi n'est pas seulement faite pour rappeler des évidences, mais pour fixer des principes afin de rendre possibles ces déclarations de principe ». Monsieur Pierre Mazeaud, président du Conseil constitutionnel, a affirmé que « la loi ne doit pas être un rite incantatoire.

Elle doit être faite pour fixer des obligations et ouvrir des droits ».  Si les dernières tentatives de faire censurer des lois sur ce fondement constitutionnel ont échoué, les dispositions législatives actuelles doivent résister à une tentation déclarative, verbeuse, inflationniste et consomptible qui ne facilite pas le respect de ces garanties de qualité de la loi pénale.

La loi pénale des affaires est naturellement appliquée par le juge. Si le législateur est chargé de trouver la géométrie de la loi, le juge d'en assurer l'arithmétique conduisant à l'obtention des solutions concrètes. Si le législateur exerce le pouvoir, dans le sens constitutionnel du terme, la potestas, le juge en assure l'autorité, l'auctoritas. De ce rapport subtil de forces naît la nécessité de l'interprétation de la loi pénale, dont le juge va devenir un virtuose.

B. le juge pénal des affaires face a la raison

L'interprétation assure un équilibre délicat garant du bon fonctionnement de l'ensemble des institutions au sein de l'Etat. Le choix intervient entre deux positions contradictoires pouvant devenir complémentaires. Le juge doit transcender sa nature de « bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n'en peuvent modérer ni la force, ni la rigueur ».

Du point de vue général, si les méthodes d'interprétation utilisées par le droit privé sont diverses, oscillant entre contextualisme, historicisme et herméneutique leur but est unique : dégager une signification unique de la règle prenant place dans les sources du droit.

Même si l'interprétation est une préoccupation traditionnelle des jurisconsultes, Gény a eu le mérite de renouveler son statut. L'interprétation de la norme permet de construire le droit comme une science reposant sur le fondement de la raison plutôt que sur celui de l'autorité.

Au-delà de l'étendue du pouvoir d'interprétation, la nouvelle définition de l'interprétation assure un autre sort aux interprétations elles-mêmes. Trois idées-clés résument cette évolution[20] D'une part, le droit n'est pas seulement conventionnel, il est avant tout naturel, car « il ne trouve pas sa source exclusivement dans les textes de lois, mais aussi dans le milieu réel où vivent les humains qui le génèrent et pour qui il est fait ».[21]

D'autre part, le droit n'est pas seulement une logique formelle, mais aussi une science. Enfin, en appliquant les règles scientifiques au droit, le droit devient une science positive capable de générer ses propres normes. Cependant, le droit doit transcender ce carcan formel afin de retrouver l'idéal de justice, valeur suprême de la norme juridique qui doit animer le législateur et le juge lorsqu'ils formalisent la règle de droit.

 La méthode de Gény a permis de dégager la théorie de l'autonomie de la volonté individuelle

Le Doyen Carbonnier perpétue et approfondit l'étude de ce lien entre la sociologie juridique et le droit. L'interprétation est analysée comme une méthode permettant de coordonner la sociologie, définie comme « la science des mœurs » et qui est de nature descriptive, et le droit, procédant de la morale qui est une discipline normative de nature prescriptive.

La conception de la morale théorique confuse disparaît lentement pour faire place à une conception claire et positive tenant compte de l'ensemble des faits comme d'un objet de science.

Avant d'aborder spécifiquement la question de la loi pénale, le Doyen Carbonnier s'interroge sur l'interprétation du droit dans son ensemble. « Puisque c'est le juridique qui fait figure de phénomène particulier au regard de l'ensemble social, c'est dans un de ses caractères propres qu'il est rationnel de chercher le critère de différenciation»[22] et de se placer à l'extérieur des systèmes normatifs.

Même si le droit est une contrainte, il est possible de le qualifier d'institution de contestation à « travers une mise en question de lui-même ».

Si la règle est l'essentiel du droit, la sanction assure son exécution, devenant, à ce titre, une de ses dimensions nécessaires. La contrainte sociologique opère l'accomplissement des normes par le relais de la volonté de ses sujets. La contrainte juridique remplit une fonction consciente se traduisant par la force de la violence.

Le droit pénal n'a pas le monopole de la violence, mais le monopole de la violence extrême - le jus gladii (le droit au glaive), le droit à la mort. De même, la définition même de la peine repose sur la souffrance et l'affliction.

Malgré sa nature intrinsèquement vertueuse, la congolaise emploie des termes susceptibles de plusieurs sens, exprimant la richesse et le raffinement de la langue congolaise. Cette signification à géométrie variable est susceptible d'une interprétation extensive ou restrictive.

Or, le code pénal ne retient nullement ces deux termes, mais celui d'interprétation stricte, même si parfois la Cour de cassation parle de méthode restrictive. Il convient de dissocier les deux termes, car la confusion résulte d'une survivance de l'adage latin « poenalia sunt restringenda » renvoyant expressément à l'interprétation restrictive des lois pénales.

Pour déterminer le contenu de l'interprétation stricte, il convient de dégager l'ensemble des méthodes envisageables afin d'interpréter la loi pénale.[23]

La première méthode constituée par l'interprétation littérale ou exégétique s'attache, essentiellement, à la lettre de la loi et fait prévaloir la forme sur le fond du texte. L'interprétation grammaticale s'accompagne de l'interprétation technique ou logique utilisant certaines méthodes de raisonnement.

 Cette technique est préconisée par BECCARIA qui la présente comme le fondement de la théorie du syllogisme judiciaire dans son célèbre traité « Des délits et des peines ». Dès le quatrième paragraphe, il limite l'objet de l'interprétation au droit criminel positif (à l'exclusion du droit naturel et de la théologie).

L'intitulé du paragraphe, « Interprétation des lois », est démenti par le contenu même de texte qui l'interdit au juge pénal. Le jugement correct ne procède pas de l'interprétation de la loi, mais de son application purement logique. « En présence de tout délit, le juge doit former un syllogisme parfait : la majeure doit être la loi générale, la mineure, l'acte conforme ou non à la loi, la conclusion étant l'acquittement ou la condamnation.

Si le juge fait, volontairement ou par contrainte, ne fut-ce que deux syllogisme au lieu d'un seul, c'est la porte ouverte à l'incertitude ».

Le syllogisme est une pure opération logique reposant plus sur les faits que sur l'appréciation de la règle et supprimant toute marge d'appréciation personnelle au juge interprète. Le syllogisme repose sur le modèle géométrique allant du général vers le particulier. En tant qu'application pure et simple de la loi, il constitue l'alternative à l'interprétation. Cependant, il présente un inconvénient car sa nature purement logique le réduit à une construction mécanique et automatique.

Le modèle de l'interprétation littérale s'oppose ouvertement à la distinction répandue entre la lettre et l'esprit du texte. Pour Beccaria, les interprétations sont de « déplorables abus de raisonnement d'où naissent des controverses arbitraires et vénales ».

Derrière l'esprit des lois, se cacherait la subjectivité du juge, faite de « ses impressions, émotions, passions, avec tout ce que celles-ci comportent d'arbitraire, de fugitif et de fluctuant ».  Ces critiques acerbes et ces mises en garde alarmistes s'expliquent par le contexte historique et juridique des dérives de l'ancien droit.

Beccaria combat la scission même pouvant être opérée entre la lettre et l'esprit du texte. La critique se fait mise en garde adressée au juge à l'égard des désordres provoqués par l'interprétation : « Rien n'est plus dangereux que l'axiome commun selon lequel il faut consulter l'esprit de la loi. C'est dresser une digue bientôt rompue par le torrent des opinions ».

L'interprétation en matière du droit pénal des affaires, révèle la subjectivité du juge étatique et non communautaire car ce dernier n’est compétent qu’à l’égard des litiges commerciaux dépourvus de tout caractère pénal car, elle repose sur des « notions confuses purement commerciales et non criminelles».

Ainsi, l'esprit de la loi révèlerait subjectivité, sentiments, appétit, passions et l'interprétation de la règle, par définition, douteuse, confuse, changeante et fluctuante aboutirait à l'arbitraire du système. En revanche, la lettre du texte garantirait la raison et l'objectivité et la simple application de la règle dotée d'un sens certain, clair, fixe et permanent tiré de la logique, du calcul et du syllogisme serait signe de sécurité juridique.

Peut-on affirmer que le législateur de l’OHADA en matière du droit pénal des affaires ait laissé cet ensemble des sensibilités juridiques ?

La réponse se trouve selon nous dans le fait qu’elle a été (la règle de droit pénal des affaires) ponctuellement enrichie de l'interprétation rationnelle « dont l'objet consiste à reconnaître entre les divers sens possibles résultant du texte, celui qui doit être admis » comme « le plus conforme aux principes de l'honnête et de l'utile ».

Ses défenseurs n'ont pas conceptualisé une nouvelle méthode, car ils n'ont donné aucune définition des deux notions, mais une longue série d'exemples. Cette méthode n'a pas permis de corriger les défauts évidents de l'interprétation exégétique.

L'interprétation littérale est souvent et traditionnellement rejetée par les  Cours de cassation de l’espace OHADA, œuvre héritée de la Cour de Cassation française.[24] Un usager des voies ferrées avait sauté du train en marche.

Poursuivi pour avoir contrevenu aux dispositions du décret du 11 novembre 1917 sur la police des chemins de fer, il s'en défendait en vertu de ce même texte. Son article 78 interdisait aux voyageurs « de descendre ailleurs que dans les gares et lorsque le train était complètement arrêté » et sa conduite correspondait au texte lui-même.

Pourtant, la Cour de cassation a approuvé sa condamnation par les juges du fond se dégagent d'une rédaction défectueuse et dangereuse socialement.

La méthode d'interprétation littérale[25], anoblie par ses illustres défenseurs (Montesquieu, Beccaria), présente de nombreux inconvénients. D'une part, elle repose sur le postulat d'une loi parfaite. D'autre part, elle ne permet pas de corriger les erreurs évidentes de la loi elle-même ou de sa coordination avec d'autres éléments. Enfin, elle est « stérilisante ») car elle fige l'interprétation du droit ne lui permettant pas d'évoluer afin de se mettre en adéquation avec les nouvelles normes sociales.

La deuxième méthode constituée par l'interprétation analogique consiste à transposer la règle formulée par le législateur à une espèce similaire, n'entrant pas naturellement dans le domaine d'application du texte. Cette analyse viole ouvertement le principe de la légalité pénale car le juge, par extension, crée de nouvelles incriminations en se transformant en « député de l'ombre ».

La méthode par analogie, naturellement extensive, est prohibée en droit pénal commun. Si le droit pénal classique offre l'exemple célèbre des filouteries, le droit pénal des affaires à l’exemple du droit pénal bancaire, illustre la force actuelle de cette prohibition.

A cela, s’ajoutent le droit pénal fiscal ; le droit pénal cambiaire ; le droit pénal des sociétés etc.[26]

Le droit pénal bancaire en matière d'utilisation abusive de sa propre carte bancaire et de retrait d'espèces supérieur au montant créditeur de son compte bancaire, la Cour de cassation française) a consacré l'impunité[27] pénale du comportement soutenue par la doctrine commercialiste.

Nous pensons que la Chambre criminelle analyse ce comportement comme une inobservation d'une obligation contractuelle qui n'entre dans les prévisions d'aucun texte répressif. Elle refuse d'appliquer les différentes incriminations pour ne pas faire de l'interprétation par analogie. Le vol[28] ne saurait être qualifié en présence d'une remise effectuée par erreurou inconsciemment reposant sur le défaut de propriété du voleur sur la chose soustraite) plus que sur la volonté d'appropriation frauduleuse.

Pourtant, une éminente doctrine pénaliste soutenait l'application du vol à un cas de soustraction frauduleuse de billets contre le gré de celui qui les remet car l'intervention du distributeur de billets dans la transaction joue un rôle exclusivement matériel d'écran de sécurité et ne doit pas devenir un écran juridique effaçant l'infraction.[29]

Le retrait abusif de billets par le titulaire lui-même doit être assimilé au vol commis par le créancier qui prélève une somme supérieure à la dette dans le portefeuille de son débiteur, le vol étant limité à la soustraction frauduleuse de l'excédant.

La Cour de cassation française a rejeté cette analyse, justifiée d'un point de vue répressif, mais inconciliable avec les principes généraux du droit car reposant sur l'application analogique du texte à une hypothèse voisine.

Une seule exception à l'interdiction formelle d'interprétation par analogie est concevable, car elle est circonscrite à l'interprétation in favorem ou in bonam partem, désignant l'interprétation favorable à la personne poursuivie. L'analogie est ainsi souvent utilisée pour élargir les causes d'irresponsabilité pénale. Un responsable d’entreprise profitera donc de cette interprétation par analogie selon Léon Constantin sur la qualification d’abus de confiance et d’abus des biens sociaux.

Une distinction importante doit être soulignée entre les règles d'interprétation en vigueur au sein de différentes branches du droit. Si, en droit civil, les exceptions sont d'interprétation restrictive (odiosa sunt restrigenda »), en droit pénal, les exonérations de responsabilité qui constituent des exceptions à la répression reçoivent une interprétation extensive à partir du moment où elles sont favorables à la personne poursuivie.

La troisième méthode constituée par l'interprétation téléologique, finaliste ou déclarative repose sur la recherche des objectifs poursuivis par la loi, le but qu'elle souhaite atteindre.

Elle se fonde sur la ratio legis, la volonté déclarée ou présumée du législateuren faisant primer l'esprit du texte sur sa lettre. Dans cette difficile quête, le juge-interprète s'attache au contexte ayant entouré l'apparition de la loi (rapports et débats parlementaires, histoire, précédents, déclarations).

Dans cette hypothèse, nous avons du mal à être politiquement correct car, le législateur OHADA se limitant aux incriminations et laissant l’opportunité souveraine aux Etats-Parties d’en définir les peines, une discordance nait du fait qu’il n’existe pas une politique criminelle commune appliquée par tous les Etats-Parties au Traité OHADA.

Pourtant, la qualification pénale soulève une difficulté d'interprétation. Stricto sensu, le texte incriminateur vise exclusivement un élément précis.

L'élargissement par exemple de la notion de soustraction dans le cadre de l'élément matériel du vol en matière des affaires, représente l'illustration la plus riche et la plus évolutive de la méthode téléologique. La jurisprudence traditionnelle retenait un concept purement matériel de l'infraction, en énonçant que « pour soustraire, il faut prendre, enlever, ravir ».

Mais attention le vol appliqué en matière des sociétés commerciales est sensiblement nuancé.

 La doctrine classique soutenait cette interprétation prétorienneconstante en affirmant que la soustraction consiste dans l'appréhension, l'enlèvement, le déplacement matériel. De nouvelles interprétations ont été avancées en vertu d'une analyse finaliste de la notion romaine de « furtum » qui contenait l'infraction de vol en droit romain.

En droit pénal des affaires, la soustraction est la prise de possession à l'insu et contre le gré du propriétaire dans le cadre d’une entreprise, une forme d'usurpation de la véritable propriété. Une remise n'exclut pas la qualification de la soustraction car l'agent usurpe la possession de la chose, alors que la seule détention précaire lui a été accordée Cette analyse repose sur le postulat que le vol présente une double nature. Il constitue, d'une part, une atteinte matérielle, du fait du déplacement de l'objet, et, d'autre part, une atteinte juridique constituée par la violation du droit de propriété de la victime.[30]

Selon une recherche déclarative de la finalité du texte, la jurisprudence a consacré l'analyse maximaliste de la soustraction qui reçoit un éclairage juridique et psychologique exclusif de tout enlèvement matériel.

La Cour de cassation a élargi considérablement le champ d'application de l'incrimination de vol en affirmant que « la détention purement matérielle, non accompagnée d'une remise de la possession, n'est pas exclusive de l'appréhension ».

Les juges vont jusqu'à affirmer que le vol constitue une atteinte à la possession et non une atteinte à la propriété et que la remise de la détention purement matérielle, non accompagnée d'une remise de la possession, n'est pas exclusive de l'appréhension constituant un des éléments du vol.[31]

Cette interprétation a assuré une pérennité à la définition légale du vol qui est resté fidèle à sa conception depuis 1810 et qui constitue une des incriminations les plus évolutives, modernes et adaptables du droit positif.

L'interprétation de la loi doit tendre à dégager tout le sens de la loi, sans y ajouter ou retrancher. Après avoir contemplé le paysage, tout voyageur doit choisir son chemin. De la même façon, le juge pénal doit choisir la méthode à inscrire dans le cadre de l'interprétation stricte.

Les auteurs modernes sont unanimes et nous partageons cet avis  sur le fait que l'interprétation stricte de la pénale congolaise recouvre la méthode téléologique.

Le juge doit recourir aux objectifs de la loi congolaise afin de l'appliquer correctement, qu'il s'agisse des lois claires ou obscures. Cette méthode permet d'atteindre un triple objectif : la définition des termes employés par la loi, la détermination du domaine d'application de nombreux textes et l'adaptation du droit aux nécessités de la vie moderne.

Le droit positif congolais est l'exemple d'une obéissance admise à la loi et d'une défiance encouragée envers l'équité. Le droit pénal est soumis au culte de la loi infaillible et nulle injustice ne peut résulter de l'application stricte de la loi.

L'adage romain nous enseignait déjà « Dura lex, sed lex ». Le magistrat est enfermé dans ce carcan légaliste rigoureux. « Le légalisme est chez nous un dogme civique de caractère quasi religieux ». Le juge applique la loi dans sa lettre et dans son esprit, car il a accès au savoir juridique lui permettant de révéler le contenu de la loi.

Sa mission se dédouble : appliquer la loi, mais aussi retrouver son véritable sens. A part sa formation professionnelle spécifique en droit pénal des affaires qu’il devra acquérir, le juge dispose d'un indice unique, d'une piste de réflexion, d'un idéal à atteindre : l'équité, qu'il peut réintroduire dans la loi à travers son interprétation.

Cette mission implique également l’appréhension des concepts et scènes de crime peintes en vue d’effacer les traces au sein de l’entreprise que le délinquant d’affaires s’évertue à réaliser dans son œuvre véreuse et trucidaire (qui tue) du patrimoine social et des capitaux sociaux  appartenant aux actionnaires.

Si tous s'accordent sur le fait que l'équité constitue l'idéal à atteindre, sa nature est source de questionnement. Si elle est contenue dans la lettre du texte, elle émane du législateur, paré de toutes les vertus. Si elle est intrinsèquement contenue dans l'esprit du texte, le juge doit la dégager avec sagesse et délicatesse.

Lorsque la lettre et l'esprit découlent d'une même inspiration et se rejoignent, la Justice est œuvre d'équité. En cas contraire, seule l'interprétation de l'équité par le juge peut faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. En l'absence de critères scientifiques permettant de la définir ou de la quantifier, ses contours ne relèvent plus du raisonnement mystérieux du juge, mais d'une appréciation mystique de la situation.

Dans la société contemporaine régie par les principes de sécurité juridique, de garantie absolue du risque zéro, minée par le distance croissante entre les normes juridiques techniques et les aspirations naturelles des citoyens, par l'incompréhension du travail des magistrats révélée par de nombreuses affaires en République Démocratique du Congo dans les milieux d’affaires et politique, cette approche nous semble nullement satisfaisante.

L'équité est omniprésente en droit pénal tout comme en droit pénal des affaires, car elle permet de transformer la loi en décision individuelle et la Norme abstraite en Justice. La parole désincarnée du législateur est appliquée par des êtres humains, jugeant avec leur caractère, émotions, expériences, même si leur formation professionnelle les met à l'abri des excès d'émotivité.

Les tribunaux pénaux, se singularisent par une application souvent émotionnelle des règles de droit et jugent souvent en équité et en violation des principes généraux du droit. La notion d'équité paraît avoir été formellement introduite en droit pénal par le mécanisme du procès équitable et de l'équité de la procédure pénale, notions consacrées par la Déclaration Universelle des Droits Humains voire par la Constitution congolais du 18 février 2006

Cependant, une analyse conceptuelle des institutions de droit pénal permet de démontrer que les tribunaux répressifs représentent l'acceptation de l'équité au sein du droit pénal, dépassant et précédant le droit civil dans ce domaine. L'intime conviction, fondement de la décision, et le manque de motivation, illustration de la toute-puissance des Tribunaux répressifs, constituent des fondements éthiques, même si cette équité est éphémère dans certaines décisions et tend à être compensée par une forme de miséricorde.

La qualification pénale repose sur la caractérisation cumulative des trois éléments constitutifs de l'infraction. L'élément moral démontre la volonté du délinquant pouvant représenter un dol général, l'intention de violer la loi pénale, ou un dol spécial, la volonté d'atteindre le but spécifiquement prohibé par la loi pénale.

Le mobile, représentant la raison personnelle ayant poussé le délinquant à agir, est absolument indifférent à la qualification pénale, sauf si le législateur a décidé de l'ériger en dol spécial. Le juge peut en tenir compte dans la détermination de la sanction en vertu de son pouvoir de personnalisation des peines.

Cependant, certains auteurs érigent le mobile en critère de qualification pénale et une intention louable permet à l'auteur de l'infraction d'échapper à la répression.

Dans la plupart des affaires, la solution repose sur l'appréciation souveraine des éléments de fait. L'adage « Vox populi, vox Dei » garde une certaine vivacité en droit positif, malgré l'introduction de l'appel en matière criminelle.

L'équité doit être maniée avec précaution, car elle constitue une vertu qui peut se transformer en vice, lorsqu'elle est poussée à son extrême, sous l'empire de la passion et de l'émotion. Le juge pénal des affaires, se substituerait au législateur.

L'équité se conçoit simplement pour guider l'interprétation, en cas de loi obscure uniquement. Son utilisation en dehors de ce cadre conduit à des excès et la sagesse populaire nous enseigne depuis fort longtemps que « l'enfer est pavé de bonnes intention ».

Pour cette raison, il reste possible d'exprimer une opinion, même si elle peut paraître iconoclaste ! Et si la méthode d'interprétation stricte n'était pas synonyme de la méthode téléologique, mais une synthèse de tous les avantages des méthodes d'interprétation ?!

S'il est indéniable, que l'interprétation stricte se nourrit essentiellement de la recherche de la ratio legis, cette inspiration n'est pas exclusive. La méthode téléologique a la faveur des interprètes et elle a marqué des questions répressives essentielles, comme celle du recel, du vol en droit pénal des affaires.

Lorsque l'esprit du texte est trahi par sa lettre imparfaite ou défectueuse, cette méthode permet à la correction de ramener le droit sur le chemin de la logique et du bon sens.

Si la méthode finaliste de la recherche téléologique est prioritaire, l'interprète ne rejette pas pour autant les autres méthodes d'interprétation, mais les cantonne à des domaines très restreints.

Ainsi, la méthode littérale trouve son terrain de prédilection dans le cadre des incriminations techniques fort détaillées retenant des listes limitatives (le code du travail congolais interdisant aux employeurs d'utiliser les jeunes travailleurs pour des travaux dangereux ou de les mettre en contact avec certaines substances dangereuses).

La méthode analogique in favorem est traditionnellement admise afin de favoriser le sort juridique de la personne poursuivie. L'interprétation stricte est un alliage réussi de ces différentes méthodes, un alliage semblable à l'acier, solide et souple à la fois car permettant des écarts.

L'interprétation stricte permet de dégager le vrai sens de la règle au détriment du sens vrai. Le vrai sens du texte est la signification que le texte exprime et que son auteur a voulu exprimer, alors que le sens vrai n'est que l'état de la matière traitée par le texte. L'interprétation juste permet d'accéder à la raison, fondement naturel de l'autorité des textes.

Cependant, il faut se garder de se laisser entraîner vers le droit naturel qui doit être distingué du droit positif et spécialement du droit pénal des affaires caractérisé par une complexité du monde des affaires large et très technique, même s'il le recouvre en partie.

Les juges en droit pénal des affaires dans les Etats modernes en la matière, revendiquent, généralement, la méthode téléologique, au détriment des autres types d'interprétation, car elle leur assure une plus grande liberté d'appréciation.

Si l'interprétation se justifiait, à l'origine, en présence d'un texte obscur, en vertu de la recherche de la finalité du texte, les juges répressifs interprètent actuellement toutes les lois, indépendamment de leur qualité rédactionnelle. La méthode téléologique leur assure une liberté de choix et de décision dont ils se servent à titre défensif ou à titre offensif.

D'une part, utilisée à titre défensif, elle offre au juge un refuge lui permettant de refuser de trancher une question de droit sensible et elle a été utilisée par le juge dans le cadre de la jurisprudence.

La deuxième illustration d'utilisation offensive de l'interprétation téléologique par le juge pénal est commune au droit pénal spécial et des affaires, car elle touche la prescription de certaines infractions.

En principe, l'abus de confiance est un délit instantané, consommé par l'acte de détournement, dont la date marque le point de départ du délit de prescription.

En droit français, la détermination du délit est très délicate en raison de la clandestinité de l'interversion de la possession. Dans un dessein répressif, la Cour de cassation française a créé le concept d'infraction clandestine et a décidé que la prescription de l'action publique ne courait pas du jour où le délit avait été commis, mais à partir du jour où le détournement était apparu et avait été constaté.[32]

Le caractère occulte de cette infraction clandestine justifierait le report du point de départ de la prescription. Toutefois, pour éviter les excès, la Cour de cassation précise que la prescription court, non pas du jour où le détournement a été effectivement découvert par la victime, mais du jour où la victime disposait d'éléments nécessaires à sa découverte, notamment à la suite d'expertises ou de contrôles comptables ou fiscaux.[33]

Les soupçons de la victime ainsi que de faits crédibles connus d'un ordre professionnel font courir le délai de prescription par exemple en matière du droit pénal médical.

Selon les juges, le point de départ doit être fixé au jour où la victime est en mesure de découvrir l'infraction. Selon la formule consacrée, « le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ».

Ainsi en droit pénal fiscal, la prescription ne peut concrètement courir tant que le ministère public  saisi par l’Administration fiscale par une plainte ou la partie civile n'avaient la possibilité d'agir en justice.[34] La prescription commence à courir à partir du jour où les opérations délictueuses ont été révélées par une enquête judiciaire ou par l'administration fiscale.

Ce report du point de départ de la prescription a été vivement critiqué par la doctrine. Du point de vue pratique, on aboutit à une quasi-imprescriptibilité de ce type d'infractions. D'un point de vue strictement juridique, la déformation des principes généraux du droit aboutit à appliquer le régime juridique d'une infraction continue à une infraction instantanée.

La jurisprudence n'a jamais consacré la suspension de la prescription par l'effet des manœuvres dilatoires de la part du prévenu[35], comme en matière de dénonciation calomnieuse, mais du retard du point de départ de la prescription.

Afin de limiter les inconvénients, une proposition de loi française de 1995 (du nom de son auteur, M Pierre MAZEAUD) proposait de doubler le délai de la prescription de l'action publique et de le porter à six ans, sous condition de respecter la nature d'infraction délictuelle de l'abus de confiance et de faire courir le délai à partir du moment de sa consommation, c'est-à-dire du détournement.

Sous la pression de l'opinion publique, assimilant ces mesures à une tentative d'amnistie politique, ces initiatives ont été abandonnées, malgré leur utilité juridique.

Devant l'ampleur du débat, la Cour de cassation française a choisi d'intervenir et d'infléchir sa rigueur en matière du droit pénal des sociétés. Ainsi, elle a apporté une sérieuse limite dans le report de la prescription en fixant une certaine date butoir - la prescription court, en principe, à compter de la présentation des comptes annuels, sauf dissimulation.[36]

Si cette solution reçoit une application aisée en matière d'abus de biens sociaux (du fait des obligations de présenter les comptes édictées par le droit des sociétés), sa transposition se révèle plus difficile en matière d'abus de confiance.

La nature contractuelle ou légale de l'élément préalable de l'abus de confiance n'impose pas une présentation annuelle des comptes (nous établirons la différence entre l’abus de confiance et l’abus des biens sociaux dans les développements ultérieurs).

Dans un but d'unification et de cohérence des régimes juridiques de ces deux infractions, la Cour de cassation française a voulu globaliser sa jurisprudence en fixant des règles objectives applicables à l'abus de confiance et à l'abus de biens sociaux. Cette dernière qualification, spécifique au droit pénal des affaires, se voit appliquer le régime juridique d'une infraction continue, alors qu'il constitue une infraction instantanée.

Cette violation ouverte de la loi est justifiée par les juges en vertu de la recherche des objectifs de la loi pénale, mais elle exprime leur volonté de punir et d'étendre la méthode d'interprétation téléologique à l'équité du système, totalement détaché de l'économie du texte.

Le droit pénal se caractérise par des illustrations offensives constituant un « dérapage »[37] du point de vue des méthodes d'interprétation. Le droit pénal général distingue traditionnellement les infractions de commission et d'omission désignant l'attitude active ou passive de l'auteur. 

Si les infractions de commission requièrent un acte positif, une action visible consistant à faire ce que la loi prohibe, les infractions de pure omission sont constituées par une simple attitude passive et ne sont réprimées que si elles sont prévues par un texte spécifique.

En droit pénal par contre il existe des infractions de fonctions selon nous et cette opinion est partagée par les experts en droit pénal des affaires sous d’autres cieux. Il s’agit des infractions qui n’exigent nullement l’élément moral ou l’intention de nuire : le délit de non convocation de commissaire aux comptes.

C'est-à-dire que le juge retient l’infraction dans le dirigeant social du simple fait qu’il occupe une fonction qui l’oblige être vigilant et à agir en bon père de famille. Cela peut paraître injuste mais le réalisme justifie cette attitude car certaines fonctions exigent des aptitudes et la veille savante de tout ce qui se passe sous son autorité. C’est pour punir la négligence ou l’omission involontaire des dirigeants sociaux.[38]

Entre ces deux catégories, il existe la catégorie intermédiaire des infractions de commission par omission dont l'élément matériel peut être constitué également par une action ou par une omission. Seul le législateur peut procéder à l'assimilation de l'abstention à une action positive génératrice d'un certain résultat.

La jurisprudence s'interdit d'y procéder, en vertu de la prohibition de l'interprétation par analogie car le juge ne saurait étendre le texte prévoyant un acte positif aux omissions produisant le même résultat.

La Cour de cassation française a choisi de déroger à ce principe essentiel en rendant une décision en totale rupture avec sa jurisprudence classique. Des poursuites pour abus de biens sociaux ont été engagées contre les dirigeants d'une entreprise qui n'avaient pas empêché une erreur d'écriture bancaire. Sans y prendre part ni la provoquer, ils s'étaient abstenus volontairement de l'empêcher.

L'élément matériel défini par le texte d'incrimination désigne « l'usage » abusif des biens, terme revêtu d'une signification positive marquée. Une analyse juridique rigoureuse conduisait à écarter cette qualification pénale, car l'abstention volontaire, même ayant abouti à un préjudice pour la société ne semblait pas entrer dans le champ d'application du texte.

Cependant, la Chambre criminelle a décidé que « l'usage de biens de la société pouvait résulter non seulement d'une action, mais aussi d'une abstention volontaire ». Les juges n'assimilent pas ouvertement l'abstention à l'action, car ils n'affirment pas que l'usage peut être constitué par une action ou une abstention, mais qu'il peut en « résulter ».

Cette analyse ajoute à l'élément constitutif du délit et crée, de fait, une nouvelle infraction de commission par omission, alors que seul le législateur a le pouvoir d'en créer. Les juges méconnaissent ouvertement le principe d'interprétation stricte de la congolaise et porte atteinte, par conséquent, à la légalité pénale.

Consciente de la déformation évidente de l'incrimination, la Cour de cassation semble avoir désigné implicitement des limites à cette application extensive sans pour autant revenir sur sa position antérieure.

L'abus de biens sociaux repose sur une « participation personnelle à l'infraction » distinguant entre l'abstention coupable, sanctionnée car résultant du mauvais exercice d'un pouvoir de décision, et la tolérance coupable, qui ne constitue pas un manquement à ses devoirs, car il n'y a pas de lien d'autorité entre les participants et le prévenu ne peut empêcher la commission de l'acte constitutif de l'abus.

A la lumière de toutes ces illustrations, force est d'admettre que l'interprétation stricte n'est pas synonyme d'interprétation téléologique, même si elle en est essentiellement inspirée, mais qu'elle acquiert une autonomie indéniable laissant une marge d'action importante au juge pénal des affaires.

L'interprète en droit pénal des affaires, ne peut créer des incriminations, mais il peut donner un sens aux termes non-définis, ainsi que rechercher le domaine d'application de la règle pénale. Le monopole de création des incriminations du législateur OHADA n'étant susceptible d'aucune concurrence, l'autorité de la loi reste absolue. Si l'avis du juge est source de vie pour le droit, la raison trouvée par l'interprète ne peut concurrencer par l'autorité absolue de la loi communautaire.

5. La nécessité de coordination des législations des Etats-Parties au Traité OHADA en matière du droit pénal des affaires

Le particularisme national, en matière de sociétés commerciales, était l’un des obstacles importants au développement du commerce interafricain. L’abondance et la diversité des textes n’étaient pas seulement l’apanage du droit congolais. A des degrés divers, les droits étrangers (africains avant le Traité) la même problématique.

 

 

Pour pallier les difficultés rendant complexe la maîtrise de différents textes dans le domaine du droit des affaires, il a paru indispensable au de-là de l’harmonisation  des textes relatifs au droit des sociétés, d’unifier pour ainsi dire, les textes d’incrimination pour tous les Etat-Parties au Traité.

 

Mais est-il vrai qu’il faille reconnaître la souveraineté absolue du juge congolais à interpréter la loi pénale des affaires OHADA à l’exclusion de tout autre juge étranger de l’espace OHADA !

 

La question de l’interprétation souveraine de la loi pénale des affaires OHADA demeure la véritable expression de la liberté nationale exclusive de déterminer les peines à appliquer aux infractions instituées par le législateur communautaire.

 

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) n’étant pas compétente pour les faits infractions repris par l’Acte Uniforme relatif au Droit de Sociétés commerciales et du Groupement d’Intérêt. Il est évident que le déroulement d’une affaire pénale en matière du droit pénal des affaires issu de l’OHADA reste soumis au sillon tracé pour une affaire pénale de droit commun devant les cours et tribunaux congolais.

 

Le juge congolais reste le seul habilité à dire le droit pénal des affaires quand bien même communautaire. A cet effet, son interprétation suit la logique de la procédure pénale de  droit  commun.

 

Certes c’est une tâche noble qui lui garde sa souveraineté pénale, mais les connaissances techniques exigées par certaines infractions relevant des sociétés commerciales lui demandent une formation et une compréhension bien plus que  celles dont il dispose pour l’interprétation du droit pénal commun.

 

Par exemple :

 

  • l’infraction de faux bilan exige des connaissances sur la comptabilité. Ici, le juge congolais n’étant pas formé en expertise comptable, la présence d’un comptable expert est requise car l’infraction comporte la falsification des postes du bilan dont l’appréhension en tant que savoir peut échapper au juge de carrière (professionnel en droit) et non en comptabilité.

 

En sus, le contexte de l’infraction en matière des sociétés se commet dans un contexte tout  à fait autre que celui ordinaire auquel le juge congolais  est accoutumé.

 

Une deuxième illustration en rapport avec la technicité demande que le juge cerne parfaitement bien la notion de l’infraction en question et surtout le mobile qui présidé à la commission de la dite infraction.

 

Par exemple : la notion de l’intérêt contraire à la société ou le but intéressé personnel, implique des notions complexes comme le montrent les lignes suivantes.

 

  • Ainsi, se rend coupable d’abus de biens sociaux l’administrateur qui, par des achats de produits fabriqués, a favorisé des entreprises qu’il contrôlait et a entraîné la ruine de la société qu’il administrait et qui a employé les fonds fournis par une société, destinés théoriquement à régler au comptant les fournisseurs de la société administrée, à soutenir la trésorerie d’une entreprise dans laquelle il avait des intérêts personnels ;

  • Constitue la même infraction le fait, de la part du président d’une société anonyme  (de construction) de se faire porter indûment créancier dans les livres de la société et de se faire payer de sa prétendue créance en espèce, par appropriation d’appartement, alors que, ni la créance, ni les prélèvements n’avaient  fait l’objet d’une convention et n’avait été, conformément aux statuts, soumis à l’autorisation préalable du conseil d’administration ;

  • Commettent l’infraction d’abus des biens sociaux, les actionnaires et administrateurs d’une société anonyme qui ont agi dans un but personnel pécuniaire et qui, bien que n’ignorant pas les difficultés de leur société et les risques auxquels ils exposaient, ont fait, ou fait faire des prélèvements dans un but personnel ;

  • Le fait de mettre les biens sociaux à la disposition d’une autre société peut constituer l’infraction d’abus des biens sociaux.

 

L’interprétation de la loi pénale des affaires dans le cas sous examen, pousse le juge plus loi dans la compréhension de l’intention de l’inculpé.

 

L’élément intentionnel dans l’abus des biens sociaux consiste dans la croyance qu’a le prévenu au moment où il accomplit son acte, que ce dernier était à la fois contraire aux intérêts de la société et conforme aux siens propres ou à ceux d’une société dans laquelle il était intéressé.

                                                       

En principe, cette intention frauduleuse doit être concomitante  à l’acte incriminé ; elle est totalement indépendante  des faits ultérieurs ; quand une opération se révèle, après coup, défavorable à la société et favorable à l’entreprise personnelle d’un administrateur, il n’y a aucune infraction si celui-ci (l’administrateur) en toute bonne foi n’a pas cru nuire à sa société en passant l’acte incriminé.

 

Soutenir l’interprétation contraire conduirait à interdire toutes relations commerciales entre sociétés ayant des administrateurs communs car, qu’une affaire faite entre elles tourne en faveur de l’une ou de l’autre, l’administrateur commun serait toujours répréhensible ; il ne semble pas qu’un auteur ne soit jamais allé jusque-là dans la voie de la tendance répressive.[39]

 

Il n’en reste pas moins que fonder une infraction sur la seule recherche des intentions de son auteur revient à lui donner une base singulièrement arbitraire.

 

Certes très souvent, la volonté dolosive du prévenu ne fera pas de doute ; il en sera ainsi, notamment, lorsqu’il aura fait servir les fonds ou le crédit de sa société à alimenter la trésorerie déficiente d’une autre entreprise.

 

Mais lorsqu’on se trouvera en présence d’un contrat synallagmatique, la condamnation ou la relaxe du prévenu dépendront  de la recherche de ses intentions. Certes les magistrats congolais admettront que le doute doit profiter au prévenu lorsqu’ils hésiteront sur ses intentions réelles au moment de l’opération incriminée mais, néanmoins nous pouvons regretter qu’une telle incertitude règne en pareille matière.

 

Il est indispensable que les administrateurs aient agi de mauvaise foi, c'est-à-dire en sachant que l’usage qu’ils faisaient des biens ou du crédit de la société était contraire à l’intérêt de celle-ci.

 

En sus il faut, pour qu’ils aient agi sciemment, qu’ils n’aient pas pu douter de l’inopportunité de l’opération incriminée au point de vue de l’intérêt social. Mas la mauvaise foi, précisée explicitement, s’induit nécessairement de deux autres conditions.

 

D’une autre manière, en présence d’une inculpation d’abus des biens sociaux,  le juge doit rechercher  si l’inculpé  a gi de bonne foi ou de mauvaise foi, et qu’il a fait des biens sociaux, dans un but personnel, un usage qu’il savait contraire aux intérêts de la société.

 

La nécessité de la mauvaise foi a soulevé des difficultés dans l’espace suivante. Des administrateurs, poursuivis  su constitution de partie civile d’un actionnaire pour présentation de faux bilans (notamment), prélèvement sur les fonds sociaux le montant des honoraires dûs aux avoués, avocats et experts, qu’ils doivent verser pour leur défense.

 

Le juge en outre doit savoir se limiter des bornes posées par la loi, ainsi, les personnes punissables sont les présidents, les administrateurs ou les directeurs généraux des sociétés anonymes. Ce ne peut être que ceux qui disposent des biens sociaux et du crédit de la société à raison de leur mandat.

 

Le texte laisse comprendre que les salariés ne peuvent être incriminés de cette infraction quel que soit leur grade.

 

De même le liquidateur, bien que disposant des biens sociaux, n’est pas visé par le texte, par conséquent, ne tombe pas sous le coup de l’infraction d’abus des biens sociaux. Par contre peuvent être poursuivi pour complicité, tous ceux qui auront  provoqué, préparé ou facilité l’infraction, dans les conditions posées par le texte.

 

 

A.        La tentative d’abus des biens sociaux et les peines en dans l’espace OHADA

La tentative de l’infraction d’abus des biens sociaux  n’est pas punissable, le texte ne l’ayant pas incriminé. Les pines varient d’un Etat à un autre. En droit congolais la peine pourrait être d’un an à cinq ans et d’un une amende dont le montant sera fixé par l’autorité compétente (le législateur congolais) tout en se gardant de donner lieu à un paradis pénal.

 

B.        La prescription

L’abus de biens sociaux est une infraction instantanée ; le délai de trois ans devait être adapté à la circonstance de la dite infraction, en principe le délai doit courir du jour om l’acte répréhensible  a tété commis.

 

Mais, étant donné que l’infraction d’abus des biens sociaux ou du crédit de la société s’apparente à l’infraction d’abus de confiance, les tribunaux doivent faire attention de sorte que  le délai de prescription ne part que du jour om les éléments de l’infraction soient découverts et constatés, soit par le parquet, soit par les organes des surveillances (commissaires aux comptes) et les mandataires sociaux ou actionnaires.

Cette logique à notre avis, est justifiée.

 

Maintenir, dans tous les cas, le point de départ de la prescription au jour om les faits infractionnels ont eu lieu équivaudrait à laisser impunis quantité d’actes des administrateurs commis au détriment de la société.

 

Mais, il ne faut pas non plus  abandonner cette question à la diligence et à la perspicacité des intéressés, en faisant courir la prescription du jour où ils ont constaté les faits incriminés.

Don José MUANDA NKOLE wa YAHVE.

Docteur en Droit des affaires.

Expert, formateur attitré et consultant en Droit OHADA.

Professeur des universités.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières

 

1.      Le droit pénal des affaires : définition légale ou doctrinaire ?. 1

I – La justification d’une pénalisation du droit des affaires. 2

A – A l’encontre de la pénalisation. 2

B – En faveur de la pénalisation. 3

II – Le particularisme de la pénalisation dans le droit des affaires. 3

A – La théorie de l’infraction. 3

B – La théorie de la responsabilité. 4

C – La théorie de la sanction. 5

2.      Tentative de définition doctrinaire du droit pénal des affaires. 6

3.      L’interprétation de la loi pénale des affaires par le juge congolais à la lumière du droit pénal OHADA   7

4. De l'autorité à la raison du juge pénal des affaires congolais. 11

A. La vertu de la loi pénale des affaires et le lien de l’autorité. 12

B. le juge pénal des affaires face a la raison. 14

5. La nécessité de coordination des législations des Etats-Parties au Traité OHADA en matière du droit pénal des affaires. 24

Table des matières. 28

 

 

 


[1] NTUNGU BAMENDA (R.), Empire de l’Ohada et guerres des investissements en République Démocratique du Congo, in Congo-Afrique, n°464 avril 2012.

 

[2] Le droit pénal congolais ignore la classification tripartite : contravention, infractions et crimes sont considérés sans nuance comme des infractions, le délit dans le cadre de notre étude signifie donc une infraction synonyme d’ un crime. Le rôle de  tribunaux de police, de la cour correctionnelle et  de la cour d’assises est, en droit congolais, joué par le Tribunal de Paix  et le Tribunal de Grande Instance. Le Tribunal de Grande est une juridiction d’Appel du Tribunal de Paix et La Cour d’Appel est une juridiction d’Appel pour le Tribunal de Grande Instance, enfin la Cour Suprême de Justice est (le sommet de juridiction congolaise) la juridiction de cassation en matière du droit pénal et en matière civile. Mais aussi la Cour pénale du Chef de l’Etat et des membres du Gouvernement, jouant en même temps le rôle de la Cour Constitutionnelle.

[3] Tony DORSON, Criminal business behavior, SOLAR New-York, 1996. 

[4]  Voir Tracy JOHN, Introduction au droit pénal des affaires, Breton House, 2000.

[5] FRYDMAN B., Le sens des lois, Bruylant Bruxelles et LGDJ Paris, 2005, n° 1, p. 15.

[6] Voir AKELE ADUA (p.),  Droit pénal spécial, cours à l’usage des étudiants de G3 droit, UPC, Kinshasa.

[7] Léon CONSTANTIN, Droit pénal des sociétés, PUF, 1968, p.146.

[8] MUANDA NKOLE wa YHAVE (D.J.), Droit pénal des sociétés issu de l’OHADA in www.hodata.com.

[9] JEANDIDIER W, J.-Cl. Pénal, art 111-2 à 111-5, fasc. 20, Interprétation de la loi pénale, n° 1.

[10] Idem.

[11] SERVERIN (E), L'actualité de François Gény du point de vue de la méthode, in François Gény, mythe et réalités ; 1899-1999 centenaire de « Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Essai critique, Les Editions Yvon Blais Inc., Dalloz, Bruylant Bruxelles, 2000, p. 363.

[12] CICERON, Traité des lois, Paris, 1968, p. 45.

 

[13] CARBONNIER (J), Essai sur les lois, p. 334.

[14] Articles 111-2 code pénal français.

 

[16] Article 5 DDHC 1789 : « Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint de faire ce qu'elle n'ordonne pas ».

[17] C.E.D.H. 24 AVRIL 1990, Kruslin et Huvig c/ France, D. 1990, p. 353, note PRADEL J.

 

[18] SAVERIO NISIO (S), Jean Carbonnier - Regards sur le droit et le non-droit, Dalloz, L'esprit du droit, 2005, p. 152.

[19] LAFAY F., La modulation du droit par le juge. Etude de droit privé et de sciences criminelles, P.U.A.M. 2006, p. 556.

 

[20] GENY F. : Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif - Essai critique, Paris, 1899.

[21] Idem.

[22] RAYNAUS Ph., La loi et la jurisprudence, des Lumières à la Révolution française, Archives de la philosophie du droit, 1985, T. 30.

[23]  DE LAMY B., J-Cl. Pénal des affaires, Notions fondamentales, fasc. 3, n° 8.

 

[25] Voir AKELE ADAU (P.), Droit pénal spécial, cours à l’adresse des étudiants de G3 droit, Université Protestante au Congo, dispensé par Docteur Théodore NGOY, 2012-2013.

[26] MUANDA NKOLE wa YAHVE (D.J.), Communication et Réflexion sur la criminalité des affaires : infractions transfrontalières, in journal de l’OHADA, GOMA, p.21.

[27] SAVERIO NISIO (S), Jean Carbonnier - Regards sur le droit et le non-droit, Dalloz, L'esprit du droit, op.cit.

[28] ………………..

[29] MUANDA NKOLE wa YAHVE, Droit pénal des affaires, 2 ème  édition revue, Cerda, Kinshasa, p.85.

p.131.

[30] Nous y reviendrons quand nous parlerons sur le vol appliqué en droit pénal des affaires.

[31] ……………………………………

 

[33] MUANDA NKOLE wa YAHVE (D.J.), Droit pénal  fiscal, in www.congolégal.org

[34] Loi du 23 mars 2003 portant réformes des procédures fiscales tel que modifiée en 2011.

 

[36] Voir MUANDA NKOLE wa YAHVE (D.J), les infractions relatives à l’administration et à la direction des sociétés anonymes, draft du cours destiné aux auditeurs du 3 ème cycle du programme de Master Professionnel, ISC-Université de Liège, Kinshasa, 2012-2013.

[38]  Voir MUANDA NKOLE wa YAHVE (D.J.), op.cit.

[39] Léon CONSTANTIN,  L’abus des bines sociaux ou du crédit d’une société, in revue de la compagnie des commissaires de sociétés, paris, 1951, p.11.

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1 Publié par MUANDA NKOLE wa YAHVE
06/05/2013 12:55

vos commentaires sont les bienvenus.

2 Publié par Visiteur
07/05/2013 15:00

L'absence de copyright pour tout une partie développement, c'est normal ?!


La sélection suivante :

"I – La justification d’une pénalisation du droit des affaires. 2
A – A l’encontre de la pénalisation. 2
B – En faveur de la pénalisation. 3

II – Le particularisme de la pénalisation dans le droit des affaires. 3
A – La théorie de l’infraction. 3
B – La théorie de la responsabilité. 4
C – La théorie de la sanction. 5"

est un copier-coller de l'article du Professeur Pradel.
Voir ici : http://www.fondation-droitcontinental.org/upload/docs/application/pdf/2010-08/penalisation_des_droits_des_affaires_-_jean_pradel.pdf

Pour quelqu'un qui se dit "Docteur en Droit des affaires, Expert et Consultant attitré en Droit OHADA & Professeur des universités", c'est pas terrible ni très légal.

3 Publié par Visiteur
10/11/2013 19:46

jtm prof ce bien d ecrire des choses importantes et je suis etudiant kawangeko roland de l upc en g3 droit economique

4 Publié par Visiteur
10/11/2013 19:46

jtm prof ce bien d ecrire des choses importantes et je suis etudiant kawangeko roland de l upc en g3 droit economique

5 Publié par Visiteur
25/12/2014 11:01

Je suis tres content de vous lire mon Prof

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