Obligation de motivation en droit d'une proposition de rectification en matière d’évaluation fiscale

Publié le 03/06/2011 Vu 7 580 fois 0
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Les notifications de redressement doivent être motivées de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations. L'administration est donc tenue de préciser le fondement du redressement en droit et, notamment, de mentionner les textes sur lesquels elle s'appuie. L’étendue de l’obligation de motivation en droit, celle-ci dépend de l’impact de la procédure de redressement, selon que celui-ci se traduit par un simple rehaussement des valeurs ou entraîne, également, une modification du taux des droits appliqués.

Les notifications de redressement doivent être motivées de manière à permettre au contribuable de formuler

Obligation de motivation en droit d'une proposition de rectification en matière d’évaluation fiscale

Soufiane JEMMAR, Avocat en droit fiscal

Auteur de l’ouvrage « L’évaluation des biens et services en droit fiscal », L’Harmattan, Coll. Logiques Juridiques, 548 pages

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Les notifications de redressement doivent être motivées de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations. L'administration est donc tenue de préciser le fondement du redressement en droit et, notamment, de mentionner les textes sur lesquels elle s'appuie. Ainsi, comme le rappelle l’administration fiscale dans sa doctrine administrative, la proposition de rectification doit citer les articles du CGI ou du LPF (ou le cas échéant d’autres textes tels que le code civil, les textes non encore codifiés etc.) qui fondent le principe de l’exigibilité du rappel de l’impôt et les pénalités encourues.

Concernant l’étendue de l’obligation de motivation en droit, celle-ci dépend de l’impact de la procédure de redressement, selon que celle-ci se traduit par un simple rehaussement des valeurs ou entraîne, également, une modification du taux des droits appliqués.

I- Motivation en droit des propositions de rectification fondées uniquement sur la réévaluation de la valeur vénale

La Cour de cassation a fixé l’étendue de l’obligation de motivation en droit d’une proposition de rectification fondée uniquement sur la réévaluation de la valeur vénale.

Dans un arrêt du 19 décembre 2000, la Haute juridiction a jugé que :

« Attendu, en premier lieu, que le jugement constate que la notification de redressement mentionne les éléments de comparaison retenus par l'administration et portant tous sur des fonds de pharmacie situés dans la même ville, dont le rapport entre le chiffre d'affaires et le prix de cession est indiqué, ce qui permettait au contribuable de discuter le pourcentage qui lui avait été appliqué, et dont les cessions ont eu lieu pour la plupart d'entre eux à des dates proches de celle de la cession litigieuse, que les circonstances particulières du transfert liées à l'existence d'une expropriation antérieure, à l'absence de droit au bail et à la faible importance des installations ont été prises en compte lors de la détermination du coefficient retenu après avis de la Commission départementale de conciliation, lequel coefficient est de 100 % tandis que ceux observés dans les éléments de comparaison varient de 120 % à 162 %, faisant ainsi ressortir que les éléments de comparaison retenus par l'administration portaient sur des biens intrinsèquement similaires et que les caractéristiques particulières du bien cédé avaient été prises en compte pour la détermination de sa valeur vénale ; que, dès lors, le jugement n'encourt pas les griefs visés dans les première, deuxième, quatrième et cinquième branches du moyen ;

Attendu, en second lieu, que la mention de l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales qui autorise l'Administration à rectifier le prix ou l'évaluation du bien ayant servi de base à la fixation d'un droit d'enregistrement lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieure à la valeur vénale des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations est suffisante pour justifier, en droit, le redressement fondé uniquement sur la réévaluation à sa valeur vénale du bien cédé sans modification du taux des droits appliqués ; que, par ce motif de pur droit, le jugement se trouve justifié au regard de la critique formulée par la troisième branche du moyen ;

Attendu, enfin, que le jugement constate que les circonstances du transfert liées à l'expropriation antérieure ont été prises en compte par la détermination la plus faible du coefficient retenu quant au rapport chiffre d'affaires - prix de cession ; que le moyen en sa sixième branche manque en fait ».

La Haute Cour a statué dans les mêmes termes dans un arrêt du 26 novembre 1996 :

« Attendu que, la société reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que si la notification de redressement du 27 novembre 1990 portait sur cinq impositions différentes (droit de mutation, taxe annuelle de 3 %, impôt sur les sociétés, TVA et impôt sur le revenu au titre des bénéfices réputés distribués), seuls les quatre derniers, qui ont tous fait l'objet d'un dégrèvement total ultérieur, ont été opérés selon la procédure de taxation d'office tandis que les droits d'enregistrement qui demeuraient seuls partiellement en litige ont fait l'objet d'une procédure contradictoire, les conditions légales d'application de l'article L. 66-4 du livre des procédures fiscales (LPF) n'étant pas remplies, l'article L. 69 de ce Code étant inapplicable en matière d'enregistrement et l'article L. 17, alinéa 2, rendant obligatoire l'usage de la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55; que par suite le fait que la procédure d'imposition d'office ait été suivie pour d'autres impôts n'était pas de nature à justifier une insuffisance de motivation sur les droits d'enregistrement et que le tribunal a violé les articles L. 17, L. 55 et L. 57 du LPF; alors, d'autre part, que le visa dans la notification de redressement de l'article 990 D du Code général des impôts (CGI) relatif à la taxe annuelle de 3 % était inopérant pour motiver le redressement relatif au droit de mutation à titre onéreux et qu'en visant les seules dispositions de procédure de l'article L. 17 du LPF, à l'exclusion des textes de fond du Code général des impôts qui instituent les droits d'enregistrement sur les mutations immobilières à titre onéreux et en déterminent l'assiette, les conditions et les modalités d'application, le vérificateur n'avait pas légalement motivé la notification de redressement; que le Tribunal a violé l'article L 57 DU LPF :

et alors, enfin, que le visa de l'article L. 17 du LPF, qui rend obligatoire le recours à la procédure de redressement contradictoire et impose à l'administration la charge de la preuve de l'inexactitude de la déclaration faite par le contribuable, n'était pas de nature à justifier l'usage fait par le vérificateur d'une méthode d'évaluation d'office consistant à établir le redressement non par comparaison avec des mutations contemporaines de la mutation litigieuse et portant sur des biens similaires, mais par référence à un document obtenu auprès de l'administration britannique dans le cadre de la coopération fiscale entre les deux pays, à savoir une expertise amiable postérieure de plus d'un an à la vente et postérieure à l'exécution d'importants travaux dans les lieux, invoquée à d'autres fins par la société requérante auprès des services fiscaux britanniques; que le tribunal a violé l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales;

Mais attendu que le jugement, après avoir énoncé que l'administration doit motiver le redressement notifié au contribuable de façon à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation, la mention des textes sur lesquels le redressement est fondé étant exigée à peine de nullité, constate que la notification fait expressément référence à l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales et retient que ces exigences de l'article L. 57 du LPF ont été respectées; que la mention de l'article 17 du Livre des procédures fiscales qui autorise l'Administration à rectifier le prix ou l'évaluation du bien ayant servi de base à la fixation d'un droit d'enregistrement lorsque ce prix ou cette évaluation parait inférieur à la valeur vénale des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations, suffisant pour justifier, en droit, le redressement litigieux fondé uniquement sur la réévaluation à sa valeur vénale de l'immeuble cédé sans modification du taux des droits appliqués, le Tribunal a pu, au vu de cette énonciation et de cette constatation, abstraction faite du motif erroné visé à la troisième branche mais surabondant dès lors qu'il a été procédé de façon contradictoire, à partir d'une évaluation tirée de documents établis par la société elle-même, statuer comme il a fait, d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches ».

II- Motivation en droit des propositions de rectification entraînant la réévaluation de la valeur vénale mais également la modification des taux d’imposition

Lorsque la proposition de rectification se traduit par un rehaussement des valeurs mais entraîne, également, une modification du taux des droits appliqués, la Cour de cassation retient que la citation des seules dispositions de l’article L.17 du LPF (qui autorise l'Administration à rectifier le prix ou l'évaluation d’un bien lorsque ce prix ou cette évaluation parait inférieur à sa valeur vénale) ne peut être considérée comme suffisante, les textes de fond devant être mentionnés.

C’est ainsi que dans un arrêt du 30 mai 2000, la Cour de cassation a censuré une proposition de rectification à défaut pour celle-ci de mentionner les dispositions de l’article 885 U du CGI, fixant le tarif de l’ISF, alors que les redressements modifiaient le seuil d’imposition du contribuable.

La Haute Cour s’est prononcée comme suit :

« Attendu, selon le jugement attaqué, que l'administration, ayant estimé inférieure à la valeur vénale l'évaluation d'un immeuble portée dans les déclarations M. Y... au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 1990, 1991 et 1992, lui a notifié un redressement puis a émis contre lui un avis de mise en recouvrement au titre de cet impôt et de pénalités ; que sa réclamation ayant été rejetée, M. Y... a assigné le directeur des services fiscaux de Paris-Ouest pour faire annuler cet avis et être déchargé du supplément d'imposition et des pénalités ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que pour déclarer similaires à l'immeuble dont la valeur vénale était litigieuse les immeubles dont le prix de cession a été donné à titre de comparaison par l'administration, le tribunal relève que ces références sont relatives à des immeubles entiers, du même quartier, construits en plâtre ou en pierre, de qualité et d'entretien médiocre ou vétuste, tous évalués en valeur occupée ou semi-occupée et ayant fait l'objet de ventes intervenues fin 1989 et retient que l'administration n'est pas tenue, en l'absence de démonstration d'une erreur objective, de fournir sur eux de plus amples détails ;

Attendu qu'en admettant par ces motifs généraux et impropres à écarter les objections tenant à l'absence totale de précision sur l'état intérieur de ces immeubles dont la valeur au mètre carré variait dans un rapport de un à trois que l'administration avait établi leur caractère intrinsèquement similaire au bien qu'elle estimait sous-évalué, le tribunal n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L. 57 du Livre des procédures fiscales;

Attendu que le jugement écarte au motif que "le demandeur soutient vainement une absence de motivation en droit de la part de l'administration dans la notification de redressement en date du 24 août 1994" le moyen tiré de ce qu'à défaut d'indication des textes fiscaux sur lesquels était fondée l'imposition litigieuse la notification du redressement était irrégulière et ladite imposition devait être annulée ;

Attendu qu'en ne répondant pas à ce moyen, alors qu'il résulte du rapport entre les sommes soumises à imposition et le montant des droits réclamés que l'augmentation de la base d'imposition au titre du redressement faisait franchir le seuil d'imposition de 1,2 % à 1,5 %, les droits réclamés représentant une fraction de la matière imposable nouvelle intermédiaire entre ces deux taux, et que le redressement portant l'impôt à un taux supérieur à celui sur lequel il avait été perçu à l'origine, l'administration était dans l'obligation de donner toute précision au contribuable à cet égard pour qu'il soit en mesure de prendre parti sur le redressement, le tribunal a violé les textes susvisés ».

 

Pour en savoir plus :

- D. adm. 7 A-61, n°6, 10 septembre 1996

- D. adm. 13 L-1513 n°80, 1er juillet 2002

- Cass. com. 19 décembre 2000, n° 2214 F-D

- Cass. com. 26 novembre 1996, n° 1736

- Cass. com. 30 mai 2000, n° 1167 F-D

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