Caution bancaire : effets et vices du cautionnement personnel et solidaire des dirigeants de société

Publié le Modifié le 04/12/2015 Vu 110 169 fois 181
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Le cautionnement souscrit par un dirigeant en garantie des dettes de la société qu’il dirige entraîne des risques mais comprend de nombreux vices.

Le cautionnement souscrit par un dirigeant en garantie des dettes de la société qu’il dirige entraîne des

Caution bancaire : effets et vices du cautionnement personnel et solidaire des dirigeants de société

La pratique du cautionnement, qui consiste pour une personne à s’engager à garantir le remboursement de la dette d’un débiteur principal en cas de carence de sa part, est particulièrement répandue dans la vie des affaires.

En effet, il est très fréquent qu'un dirigeant se porte caution envers une banque du remboursement des dettes de l’entreprise qu'il dirige (crédit ou compte courant). 

Mais ce n'est pas la seule situation où un engagement de cautionnement peut lier un dirigeant à la société qu’il dirige.

Il en est ainsi également lorsqu’un dirigeant, agissant en tant que tel, consent à des tiers des garanties au nom de la société, ou encore lorsqu’un dirigeant entend obtenir de la société qu'il dirige qu'elle cautionne ses dettes personnelles.

Derrière leur banalité, ces trois cas de figure comportent tous des risques dont la caution ne prend conscience que très tardivement en général, quand elle est appelée en paiement.

Pour comprendre en quoi consistent ces risques, il importe dès lors d’envisager le cas où un cautionnement est souscrit par un dirigeant pour garantir les dettes de la société qu’il dirige.

Ce cas de figure est très répandu dans la mesure où les banques consentant des prêts aux sociétés exigent quasi systématiquement des garanties de la part de leurs dirigeants et parfois même des membres de leur famille (époux ou épouse, père, mère, belle-mère, beau-père du dirigeant, etc...). 

Les dirigeants sont alors contraints de souscrire un cautionnement au profit des banques afin que celles-ci octroient un prêt ou une autorisation de découvert du compte bancaire de leur société.

Le cautionnement souscrit par le dirigeant en garantie des dettes de la société qu’il dirige l’engage à titre personnel, de sorte qu’il peut être appelé à payer personnellement les dettes de celle-ci en cas de défaillance.

En outre, si le cautionnement est en principe un contrat civil, le cautionnement souscrit par un dirigeant de société revêt généralement un caractère commercial.

Une telle solution s’explique par le fait que la jurisprudence considère un cautionnement comme commercial dès lors que la caution a un intérêt patrimonial personnel dans l’opération qu’elle garantit, ce qui semble être le cas pour la plupart des dirigeants dont l’engagement est souvent motivé par l’obtention de financements nécessaires à l’activité ou au développement de la société.

Cette précision est importante dans la mesure où le caractère commercial du cautionnement emporte des conséquences pratiques importantes.

Ainsi, si le cautionnement donné par un dirigeant de société revêt un caractère commercial, il sera alors considéré comme un cautionnement solidaire, de sorte qu’à l’échéance le créancier pourra demander le paiement indifféremment à la société (le débiteur principal) ou au dirigeant (la caution). (Cass. Com., 28 avril 1966)

Lorsque le cautionnement est commercial et, donc, solidaire, le dirigeant caution poursuivi en paiement ne pourra faire jouer ni le bénéfice de discussion ni celui de division.

Pour mémoire, le bénéfice de discussion est la possibilité pour la caution de contraindre le créancier à poursuivre d’abord le débiteur, à saisir et faire vendre ses biens, avant de l’obliger elle-même au paiement.

Quant au bénéfice de division, il permet à la caution poursuivie en paiement de demander au créancier de diviser ses poursuites entre les différentes personnes qui se sont portées garantes de la société. 

Il est à noter que si le cautionnement souscrit par un dirigeant de société est accompagné d’un engagement similaire de son conjoint, le cautionnement du conjoint reste en principe civil, car la qualité de conjoint ne suffit pas à conférer un caractère commercial à l’engagement de ce dernier.

Cependant, le fait que le cautionnement revête un caractère commercial ne signifie pas que ce cautionnement puisse se prouver par tous moyens.

En effet, le principe de la liberté de la preuve en matière commerciale ne joue que si l’acte en cause a été accompli par un commerçant agissant dans l’exercice ou dans l’intérêt de son commerce.

Or, la qualité de dirigeant de société ne suffit pas à conférer la qualité de commerçant.

De même, le caractère commercial du cautionnement, à lui seul, ne confère pas la qualité de commerçant à la caution.

Ainsi, il a été jugé que la règle de la liberté de la preuve est inapplicable à un cautionnement donné par le gérant d’une société à responsabilité limitée (Cass. com., 21 juin 1988, n° 86-10.128) ou par le président d’une société anonyme (Cass. com., 26 novembre 1990, n° 89-12.277).

Il faut donc établir la preuve du cautionnement conformément aux règles du droit civil qui exigent un écrit en bonne et due forme. 

En effet, les règles civiles de preuve en matière de cautionnement sont assez strictes.

A titre d’exemple, lorsque la caution s'est engagée pour un montant déterminé, la preuve de ce cautionnement suppose l'établissement d'un acte écrit sur lequel figurent la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en toutes lettres et en chiffres.

En revanche, lorsque la caution s'est engagée pour un montant indéterminé, la preuve de cet engagement passe par un acte écrit et signé et comportant une mention exprimant de manière explicite la connaissance que la caution a de la nature et de l'étendue de son obligation.

Il est à noter que l'absence ou l'insuffisance de la mention de la somme garantie ou de celle exprimant la connaissance que la caution a de la nature et de l'étendue de son engagement n’affecte pas la validité de l'acte, mais seulement sa valeur probante.

En d’autres termes, en cas d’absence ou d’insuffisance de la mention de la somme garantie ou de celle exprimant la connaissance que la caution a de la nature et de l'étendue de son engagement, l’acte de cautionnement constitue néanmoins un commencement de preuve par écrit devant être complété par des éléments extérieurs à l’acte lui-même.

A cet égard, la jurisprudence considère que la qualité de dirigeant de la caution constitue un élément extérieur pouvant compléter un contrat de cautionnement incomplet et rendre parfaite la preuve de celui-ci.  

Cette solution s’explique par le fait qu’en raison de sa qualité de dirigeant, la caution a nécessairement connaissance de la nature et de l’étendue de son engagement.

On voit par là que la qualité de dirigeant de la caution peut entrainer une réduction de la protection offerte par les règles de preuve telles que les exigences de l’article 1326 du code civil.

En contrepartie, la jurisprudence tend à imposer de plus en plus aux banques le respect d'obligations de bonne foi, d'information et de renseignement. 

Ainsi, lorsque la caution est assignée en paiement par la banque devant le tribunal, elle peut invoquer en défense, au cas par cas :

- l'incompétence matérielle du tribunal saisi (en cas de cautionnement mixte, c'est à dire de nature civile et commerciale) ;

- les vices de forme de la mention manuscrite légale obligatoire sur le contrat de cautionnement ;

- l'annulation du cautionnement en raison de la disproportion des engagements bancaires de la cation par rapport aux revenus et patrimoine de cette dernière ;

- la déchéance du droit aux intérêts pour la banque à défaut de preuve de l'envoi de l'information annuelle de la caution sur l'étendue de ses engagements ;

- le défaut de preuve des renseignements préalables pris par la banque sur la situation personnelle de la caution ;

- l'absence d'information sur les effets de la garantie Oseo.

La jurisprudence plus favorable aux cautions depuis quelques années leur confère de solides arguments juridiques pour faire annuler ou limiter leurs engagements bancaires.

Il est donc vivement recommandé aux cautions de consulter un avocat spécialisé dans ce domaine avant d'envisager de payer ou non la banque. 

Une analyse de la situation financière et patrimoniale de la caution au jour de la conclusion de la garantie permettra souvent de conclure à un cautionnement disproportionné compte tenu du fait que le taux d'endettement de la caution est dans de nombreuses situations au delà du taux de 33% fixé par le jugement définitif rendu contre la Banque Populaire par le Tribunal de commerce de Versailles, le 4 décembre 2013, au profit de clients du cabinet Bem. (Tribunal de commerce de Versailles, 4 décembre 2013)

NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
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1 Publié par Maitre Anthony Bem
15/06/2016 14:19

Bonjour Catherine,

Je doute de la possibilité de remettre utilement en cause le cautionnement de votre frère sur la base des "anomalies" que vous avez porté à ma connaissance.

S'agissant de la question de l'obligation de l'envoi d'un avenant par la banque, je crains que cela soit aussi une mauvaise piste.

Il faudrait idéalement confier l'analyse de votre dossier à un avocat compétent en droit du cautionnement des dirigeants pour vérifier la validité formelle et les conditions de souscription du cautionnement et pour remettre en cause, le cas échéant, votre engagement en tant que caution.

Cordialement.

2 Publié par Visiteur
28/06/2016 18:16

Bonsoir Maître
Une caution ayant pris le soin de limiter dans le temps son engagement,peut-elle être appelée par la Banque à payer la totalité du prêt?
- Exemple caution pour une durée de 5 ans alors que le prêt est d'une durée de 7 ans, la banque peut-elle exiger en cas de liquidation amiable de la société avant ce délai des 5 ans,exiger de la caution le paiement des sommes restant dues pour les deux années non couvertes par la caution ? Un grand merci pour votre réponse.

3 Publié par Maitre Anthony Bem
28/06/2016 23:28

Bonjour joseph75,

Une caution ayant pris le soin de limiter dans le temps son engagement peut en effet le cas échéant être appelée en paiement par la Banque à payer la totalité du prêt en cas d'incident de paiement durant la période garantie.

Dans l'exemple donné où la caution a été donnée pour une durée de 5 ans alors que le prêt est d'une durée de 7 ans, la banque peut exiger en cas de liquidation amiable de la société, avant ce délai des 5 ans, le paiement de la totalité des sommes restant dues que pour les années couvertes par la caution.

Cordialement.

4 Publié par Visiteur
10/07/2016 17:16

Bonjour maître,
Nous avons eu une entreprise qui a subie une liquidation judiciaire et nous étions caution à hauteur de 20000 euros, juste après l'annonce de liquidation la banque nous a demandée de rembourser le tout mais ayant des enfants à charge on a négocié le remboursement de 266€ par mois mais on n'a jamais eu de décompte de nos remboursements est ce normal?
Cordialement

5 Publié par Visiteur
17/07/2016 16:49

Bonjour maître,
Nous allons malheureusement fermer notre société qui a moins d'un an d'activité. Nous avons contracté un crédit bancaire de 10000€ avec deux cautions personnelles de 1800€ chacune et une caution BPI de 70%. La société ne peut rembourser le solde du crédit, nous nous demandons donc tout d'abord si une liquidation à l'amiable est quand même possible? BPI va t-elle nous demander de rembourser sa part de la caution à titre personnel?

6 Publié par Maitre Anthony Bem
17/07/2016 18:28

Bonjour titi13,

Une liquidation à l'amiable est toujours possible.

La BPI va en effet vous demander de rembourser sa part.

Cordialement.

7 Publié par Visiteur
20/07/2016 10:12

Merci pour votre réponse.

Cordialement.

8 Publié par Visiteur
20/07/2016 10:54

Bonjour maître,

Pour bien comprendre, la BPI va nous demander de lui rembourser notre part de la caution personnelle soit 3600€ (2 X 1800€)? Pouvons-nous être poursuivis pour le paiement d'une somme supérieure à notre engagement de caution?

Cordialement

9 Publié par Maitre Anthony Bem
20/07/2016 11:57

Bonjour titi13,

Vous avez bien compris.

La BPI risque de vous demander de lui rembourser votre part de la caution personnelle, à hauteur du montant maximum de la garantie si la dette est d'un montant supérieure.

En effet, vous ne pouvez pas être poursuivi pour le paiement d'une somme supérieure à votre engagement de caution.

Cordialement.

10 Publié par Visiteur
20/07/2016 16:05

Merci pour votre réponse et votre rapidité.
Bonne fin de journée.

Cordialement

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