La première chambre de la Cour de cassation raisonne de plus en plus par analogie entre les concubins, les partenaires pacsés et les époux mariés sous le régime de la séparation de biens concernant les dépenses faites pour le logement familial.
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Rappelons qu’aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune, contrairement aux partenaires pacsés (article 515-4 du code civil) et aux époux (article 220 du code civil).
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A défaut de convention de concubinage prévoyant les modalités de contribution aux charges de la vie commune, chacun assume les dépenses de la vie courante qu’il a engagées sans pouvoir prétendre à un remboursement ou une indemnisation.
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Mais sur un plan strictement patrimonial, les concubins demeurent de parfaits étrangers l’un à l’égard de l’autre, c’est-à -dire des « tiers », et l’article 555 du code civil prévoit que lorsqu’un tiers finance des travaux sur un bien ne lui appartenant pas, il peut en demander le remboursement au propriétaire à hauteur de la dépense faite ou de la plus-value réalisée grâce à cette dépense.
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La 3ème chambre de la Cour de cassation a jugé, à plusieurs reprises, que les concubins demeurant des tiers dans leurs rapports patrimoniaux, celui qui a concouru à la construction d’ouvrage sur le terrain de l’autre, a droit à une indemnisation à défaut de convention particulière réglant le sort des constructions, même en l’absence de caractère exclusif de sa participation (3ème Civ. 2 octobre 2002, n°01-00.002 ; 3ème Civ. 3 mars 2003 n°01-16.033 ; 3ème Civ. 15 juin 2017, n°16.14.039).
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C’est logiquement sur le fondement de cet article 555 du code civil, qu’un ancien concubin a fait valoir une créance pour obtenir le remboursement des sommes qu’il avait exposées pour le financement de travaux d’une maison d’habitation édifiée sur un terrain dont son ex-concubine était l’unique propriétaire, dépenses évaluées sur cinq ans à 62.000 €, qui avaient permis d’apporter une plus-value à la maison, de sorte qu’il estimait sa créance à 81.500 €.
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La cour d’appel a rejeté sa demande, considérant que l’investissement réalisé sur cette période avait constitué « une participation normale aux charges de la vie commune ».
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La 1ère Chambre de la Cour de cassation (1ère Civ. 2 septembre 2020, pourvoi n°19-10.477) a confirmé cette analyse :
« Après avoir énoncé à bon droit qu'aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d'eux doit, en l'absence de convention contraire, supporter les dépenses de la vie courante qu'il a engagées, l'arrêt constate, d'une part, que l'immeuble litigieux a constitué le logement de la famille, d'autre part, que Mme E... et M. S..., dont les revenus représentaient respectivement 45 et 55 pour cent des revenus du couple, ont chacun participé au financement des travaux et au remboursement des emprunts y afférents. Il observe que M. S..., qui n'a pas eu à dépenser d'autres sommes pour se loger ou loger sa famille, y a ainsi investi une somme de l'ordre de 62 000 euros entre 1997 et 2002, soit environ 1 000 euros par mois.
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De ces énonciations et constatations, faisant ressortir la volonté commune des parties, la cour d'appel a pu déduire que M. S... avait participé au financement des travaux et de l'immeuble de sa compagne au titre de sa contribution aux dépenses de la vie courante et non en qualité de tiers possesseur des travaux au sens de l'article 555 du code civil, de sorte que les dépenses qu'il avait ainsi exposées devaient rester à sa charge. » (1ère Civ. 2 septembre 2020, n°19-10.477)
Plusieurs éléments retenus par la juridiction d’appel et rappelés par la Cour de cassation semblent avoir été déterminants dans la solution adoptée :
- Le bien immobilier qui avait bénéficié des travaux financés par le concubin constituait le logement familial,Â
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- Les concubins avaient participé au financement des travaux et au remboursement des emprunts proportionnellement à leurs revenus,
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- Le concubin n’avait exposé aucune autre dépense pour se loger ou loger sa famille et les dépenses engagées pour le remboursement de ces travaux étaient équivalentes à un loyer, qu’il aurait eût, quoiqu’il en soit, à débourser pour se loger.
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Les dépenses faites l’avaient donc été au titre du concubinage, dans le cadre de la vie courante, et non à des fins d’investissement immobilier, et ne devaient donner lieu à aucun remboursement ou indemnisation.
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La 1ère Chambre de la Cour de cassation a ici fait primer la qualité de concubin sur celle de tiers possesseur de travaux, et on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les solutions dégagées par cette même Chambre concernant les dépenses faites pour le logement familial par les partenaires pacsés et les époux mariés sous le régime de la séparation de biens.
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Mais attention, la solution retenue par la 1ère Chambre n’est pas celle de la 3ème Chambre (cf. arrêts ci-avant cités faisant application de l’article 555 du code civil entre concubins).
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Cette divergence de solutions n’est pas très étonnante, lorsque l’on sait que la 1ère chambre est celle de la « famille », tandis que la 3ème est celle de la « propriété ».
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Cette discordance doit inciter les concubins à la prudence, en établissant des conventions de concubinage réglant les modalités de leur contribution aux charges de la vie commune.
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