L'article 418 du Code Civil stipule que "Sans préjudice de l'application des règles de la gestion d'affaires, le décès de la personne protégée met fin à la mission de la personne chargée de la protection". Le décès du majeur protégé met donc fin à la mission du mandataire.
De même l'article 443 du même code prévoit que le décès met fin à la mesure de protection.
En application de ces articles, le jour du décès du majeur protégé, théoriquement le protecteur pose son stylo et cesse toute action sur le dossier, y compris en cours. Il en va ainsi d'une vente immobilière en cours ou d'un contrat de travail en cours. Ce sont les héritiers et/ou le notaire désigné qui se chargeront de cette gestion post-décès.
La mission du protecteur sera tout de même de remettre les documents nécessaires à la poursuite de la gestion et au règlement de la succession conformément aux dispositions de l'article 514 du Code Civil.
Comme je l'ai évoqué dans un précédent article sur ce blog, le protecteur peut être amené à exécuter certains actes urgents tels que les obsèques du majeur protégé qui n'aurait pas de famille. Ces actes relèvent de la gestion d'affaires de bonne foi et ne peuvent être sanctionnés sur le terrain de la responsabilité. En tout logique, comment pourrait-on reprocher à un mandataire de s'être occupé des obsèques du majeur protégé et ce alors que sa mission est théoriquement terminé à la date du décès? parfois la loi s'accommode heureusement du bon sens commun. (https://www.legavox.fr/blog/la-tutelle-et-vous/deces-majeur-protege-vraiment-mission-23241.htm),
Mais qu'en est-il du travail effectué par le MJPM avant le décès, qui relèverait de la catégorie des émoluments exceptionnels, mais qui n'aurait pas encore été réglé au moment du décès? A qui le mandataire doit-il faire sa demande, au juge des tutelles ou aux héritiers/notaire?
L'imprévisibilité du décès prend souvent de court le mandataire qui n'aura pas encore fait ou envoyé sa demande d'émoluments exceptionnels au juge des tutelles.
ll faut rappeler que l'indemnité de l'article 419 du Code civil est un véritable complément de rémunération du mandataire. Ces indemnités, lorsqu’elles sont octroyées, représentent souvent des sommes importantes, indispensables pour compléter la rémunération du MJPM et amortir des charges toujours plus importantes chaque année. La déjudiciarisation et l'accroissement de la responsabilité décisionnelle des MJPM ont alourdi le coût de la mesure sans pour autant être revalorisé depuis plusieurs années.
Toutefois en application de l'article 418 précité, il a été longtemps décidé, au préjudice du mandataire, que certes il avait droit à son indemnité mais que la demande devait être portée devant les héritiers/le notaire. Autant dire que les chances d'aboutir étaient minces voire inexistantes. En l'absence de famille, la question ne se posait plus. En présence de familles, souvent en conflit et parfois très critiques à l'encontre du mandataire, l'indemnité n'était réglée qu'aux prix de longues et couteuses procédures.
La question du conflit de compétence entre les héritiers et le juge des tutelles pour accorder cette indemnité est depuis débattue.
En 2012, elle avait fait l’objet d’une question d’un député au Ministre de la Justice. Se fondant sur l’article 443 du Code civil selon lequel la mesure de protection prend fin au décès de la personne protégée, le Ministre avait alors répondu que postérieurement à ce décès, le juge des tutelles ou le conseil de famille n’étaient plus compétents pour statuer sur la demande d’indemnité complémentaire (réponse ministérielle publiée au JO du 07/05/2013, page 5029).
Par conséquent, le MJPM devait s’adresser au notaire en charge de la succession et solliciter auprès de lui ladite indemnité, qui devenait alors une dette de la succession.
Il a fallu attendre l'arrêt important du 15 janvier 2020 de la Cour de cassation qui va enfin à l’encontre de cette conception successorale de l’indemnité du MPJPM et maintient la compétence du juge des tutelles dans l’hypothèse du décès de la personne protégée. Le principe est simple : les actes accomplis du vivant du majeur protégé et dans son intérêt relèvent donc du juge des tutelles qui peut fixer l'indemnité afférante y compris après le décès.
Cet arrêt met fin à une incohérence doublée d'une injustice pour le MJPM.
L'incohérence était de confier à des tiers non informés (héritiers, notaire) la tâche de se prononcer et d'apprécier la légitimité d'actes accomplis pendant l'exercice de la mesure de protection alors que cette appréciation relève de la seule compétence du juge des tutelles.
L'injustice est réparée dans la mesure où le MJPM pourra obtenir rapidement une ordonnance exécutoire à l'encontre de la succession de la part du juge des tutelles sans avoir à assigner les héritiers. Le MJPM évite ainsi d'entrer en conflit avec les héritiers et d'engager des procédures longues, couteuses et très aléatoires quant au résultat.