Atteintes sur internet : la nécessité d’un constat d’huissier pour se constituer une preuve solide

Publié le Modifié le 29/12/2013 Vu 6 571 fois 0
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Souvent les victimes d'atteintes sur l'Internet (atteinte à l'image des personnes, contrefaçons, diffamations...) n'ont pas conscience de la nécessité de les faire constater par un huissier spécialisé en "constats internet" afin de se ménager des preuves solides en vue d'un procès.

Souvent les victimes d'atteintes sur l'Internet (atteinte à l'image des personnes, contrefaçons, diffamation

Atteintes sur internet : la nécessité d’un constat d’huissier pour se constituer une preuve solide

L’internet permet à chacun de publier des écrits ou des images à l’infini ou presque. Parmi tous les contenus diffusés, beaucoup sont susceptibles de porter atteinte aux droits de tiers. Il pourra s’agir par exemple d’une photographie portant atteinte au droit à l’image d’une personne ou encore de la mise en ligne de représentations d’une œuvre d’art sans l’autorisation de l’artiste portant ainsi atteinte aux droits d’auteur de ce dernier.

Mais celui qui souhaite obtenir réparation judiciaire de ces atteintes, en demandant au juge compétent de lui allouer des dommages et intérêts, devra en amont se soucier de la solidité des preuves dont il dispose. De simples impressions d’écran des sites en cause ne seront pas toujours suffisantes.  

En effet, à l’heure des logiciels de retouche et des montages photos et vidéos, la personne mise en cause aura beau jeu de contester la validité des preuves produites. Afin de couper court à toute discussion ultérieure, il conviendra donc de s’adjoindre les services d’un huissier de justice territorialement compétent afin qu’il dresse un constat. Concrètement, il s’agira d’un procès-verbal dressé de manière "amiable", c’est-à-dire sans aucune décision de justice préalable (au contraire des constats "sur ordonnance", réalisés après autorisation d'un magistrat comme une saisie-contrefaçon).

Mais puisqu’aucun texte ne régit les modalités particulières permettant de garantir la fiabilité des constats internet, la victime doit s’assurer elle-même de la force probante de l’acte. Pour ce faire, il convient de faire appel à un huissier spécialisé dans les « constats internet » qui le réalisera dans les règles de l’art, notamment en vidant les pages caches du navigateur de son ordinateur.

Le cache est un système de mémoire permettant d'afficher plus rapidement les pages web chargées récemment dans le navigateur. Car chaque page visitée est conservée dans l’ordinateur en fichier temporaire et apparaitra à la prochaine visite avant que le serveur n’y accède. Il existe des manipulations techniques pour vider la totalité du cache du navigateur des cookies, autres fichiers temporaires et historiques des pages visitées. Ces manipulations auxquelles procédera l’huissier permettent donc d’être certain d’accéder à la dernière version d’une page web, celle qui est en ligne.

A défaut, il y aura toujours un doute sur la concordance entre la page affichée et celle en ligne à la date et à l’heure du constat. C’est par exemple ce qu’a relevé le Tribunal de Grande Instance de Paris dans l’affaire dite « Second life » (jugement en référé du 2 juillet 2007). En l’espèce, les magistrats ont dénié toute force probante à un constat d’huissier car il n’était pas mentionné si l’ordinateur utilisé avait été vidé de ses pages caches, ainsi ont-ils relevé qu’ «il ne peut être exclu par conséquent l’affichage par l’ordinateur de pages situées dans ces répertoires».

De plus, pour que le constat soit véritablement incontestable, il faut encore que l’huissier y indique son « adresse IP » (Internet Protocol). De façon basique, une adresse IP peut être définie comme un numéro d'identification attribué à chaque branchement d'appareil à un réseau informatique utilisant l'Internet. C’est donc la machine par le biais de laquelle l’internaute visite un site internet qui est identifiée grâce à l’adresse IP.

Les tribunaux sanctionnent très souvent l’absence d’adresse IP dans les constats Internet produits par les parties au procès, ainsi dans un jugement du 22 octobre 2009, le Tribunal de grande instance de Nanterre relevait  que : « L’huissier doit donc indiquer les diligences et vérifications techniques en ce sens. En l’espèce, le procès-verbal litigieux, très succinct, ne contient aucune description du matériel utilisé. Il ne précise pas non plus l’adresse IP du matériel qui permet pourtant d’identifier un matériel sur le réseau Internet et de vérifier au moyen du journal des connexions du serveur interrogé la réalité des pages consultées ». Les huissiers diligents noteront dans le procès-verbal toutes ces informations : le type d’ordinateur, son système d’exploitation, les logiciels, le navigateur, le fournisseur d’accès internet et même le type d’imprimante utilisé.

Très concrètement, quelques photographies mises en ligne sans autorisation par exemple, constituant des contrefaçons aux yeux de leur auteur, feront l’objet d’un procès-verbal important (au moins une centaine de pages).  En effet, l’huissier de justice y aura expliqué tout le « chemin » qui l’a conduit au contenu incriminé, il ne se sera pas contenté d’aller directement à celui-ci. Matériellement, dans le  procès-verbal, chaque étape apparaissant à l’écran fait l’objet d’une impression d’écran commentée. A ce procès-verbal en version « papier », l’huissier pourra annexer un CD-ROM contenant également les images litigieuses, a fortiori s’il s’agit d’images vidéo. 

C’est à ce prix que les demandeurs en justice pourront s’appuyer sur des éléments de preuve incontestables et mettre toutes les chances de leur côté pour obtenir gain de cause.  

 

Alexandre BLONDIEAU

Avocat à la Cour

www.blondieau-avocats.com

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