Quelle qualification juridique pour les jeux vidéo ?

Publié le Modifié le 26/10/2022 Vu 3 063 fois 0
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La nature composite du jeu vidéo en ce qu’il se compose d’éléments disparates n’aura pas facilité sa qualification par les juges.

La nature composite du jeu vidéo en ce qu’il se compose d’éléments disparates n’aura pas facilité sa

Quelle qualification juridique pour les jeux vidéo ?

Selon les chiffres du Syndicat des Editeurs de Logiciels et de Loisirs relayés par Fun Academy, l’industrie du jeu vidéo aurait représenté un  chiffre d’affaires de 5,3 milliards de dollars en 2020. Soit une croissance de 11,3% par rapport à 2019.

En effet, il faut dire que les différents confinements du fait de la pandémie du Covid-19 auront donné un coup de pouce à ce secteur. Dans leur retraite, les Français se sont retournés vers les jeux vidéo pour se divertir et oublier les calcaires des confinements successifs.

Cet intérêt jusqu’ici inavoué pour les jeux vidéo remet sur scène l’épineuse question de leur protection juridique des jeux vidéo. Pour cela, faut-il encore qu’il soit qualifié ?

La nature composite du jeu vidéo en ce qu’il se compose d’éléments disparates n’aura pas facilité sa qualification par les juges.

Ainsi, ont-ils commencé par retenir une qualification unitaire de celui-ci avant d’adopter par la suite une qualification distributive le concernant.

La qualification unitaire dépassée du jeu vidéo

En effet, la jurisprudence dans un premier temps refusait la qualité d’œuvre au jeu vidéo en raison du défaut d’originalité.

C’est ainsi que le tribunal de grande instance de Nanterre a dans un jugement du 29 juin 1984 pu retenir que « ce qui est dénommés pingouins ou créatures hostiles ou encore monstres est constitué de lignes géométriques qui dessinent des silhouettes de schémas que l’on veut bien qualifier d’animaux, mais qui ne présentent pas de caractère particulièrement original, surtout si on les compare aux personnages fortement typés tels que ceux de Donald, Daisy, Minnie, Dingo et autre Mickey du monde féérique de Walt Disney ».

Toutefois, cette conception a été très vite dépassée par l’arrêt Atari et William electronics du 7 mars 1986 de la Cour de cassation qui est venu reconnaitre la qualité d’œuvre de l’esprit au jeu vidéo. Ce dépassement de la position du Tribunal réside dans le fait que  le jeu vidéo est en principe considéré comme une œuvre de l’esprit. Du coup, l’originalité est une condition essentielle pour qu’il soit protégeable par le droit d’auteur.

Cette reconnaissance de la qualité d’œuvre au jeu vidéo n’est pas en soi une fin. En effet, encore fallait-il dire dans quelle catégorie d’œuvres de l’esprit classer le jeu vidéo pour pouvoir lui soumettre à un régime juridique ?

La difficulté fut-elle que la jurisprudence eut retenu une qualification unitaire. En effet, sans pour autant méconnaitre que le jeu vidéo est un regroupement de différentes contributions de nature différente formant un tout, la jurisprudence a estimé que le jeu vidéo était un logiciel.

En fait, en retenant la qualification unitaire du jeu vidéo, la jurisprudence en a déduit que le logiciel était l’élément le plus important ce dernier et a donc étendu le régime juridique aux logiciels au reste du jeu.

C’est ainsi que la protection de l’ensemble du jeu vidéo était liée à celle du logiciel que la jurisprudence identifiait comme élément prépondérant. L’arrêt Midway de la Cour de Cassation du 21 juin 2000 confirme d’ailleurs cette conception où le jeu vidéo est clairement est défini comme une œuvre logicielle unitaire.

Toutefois, depuis l’arrêt CRYO de la Cour de cassation du 25 juin 2009, cette jurisprudence sévèrement critiquée, car en faveur des éditeurs plutôt que les auteurs n’est plus de mise.

La qualification distributive

À travers l’arrêt CRYO précité, la Cour de cassation est revenue sur la qualification du jeu vidéo. En effet, avant, ce dernier relevait du régime des logiciels, car en retenant une qualification unitaire de celui-ci, la jurisprudence avait estimé que le logiciel était l’élément prépondérant devant guider celle-ci. Or, cette conception était à l’avantage des éditeurs qui disposaient du droit de divulgation puisque l’auteur ne pouvait s’y opposer. Il est de même pour les modifications sans oublier que l’exercice du droit moral de l’auteur s’y trouvait « réduit en matière de logiciel au droit au nom » comme l’a précisé par la cour d’appel de Douai dans un arrêt du 1er juillet 1996.

La nécessité s’imposait donc de faire évoluer cette position pour tenir compte des différents droits attachés aux différents éléments du jeu vidéo (logiciel ; base de données ; personnages et décors ; contenus multimédias (vidéo/animation) ; gameplay/scénario ; musique ; nom et logo).

C’est à donc ce souci qu’est venu répondre l’arrêt CRYO du 25 juin 2009 en précisant que : « Un jeu vidéo est une œuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature ».

On passe alors d’une qualification unitaire à une qualification distributive du jeu vidéo plus respectueuse des différents droits en jeu. En effet, avec cette qualification, chaque élément du jeu vidéo se trouve protégé indépendamment des autres par le régime qui lui est propre.

Somme toute, cette évolution de la jurisprudence sur la qualification du jeu vidéo a abouti à une absence de régime spécifique applicable à celui-ci où chaque composant bénéficie d’une protection propre à sa nature.

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