LES DROITS DE LA DEFENSE RECONNUS LORS DE L'ENTRETIEN PREALABLE AU LICENCIEMENT

Publié le Modifié le 13/08/2014 Vu 20 586 fois 3
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droit de la défense, convocation à une entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement , mise à pied disciplinaire

droit de la défense, convocation à une entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciem

LES DROITS DE LA DEFENSE RECONNUS LORS DE L'ENTRETIEN PREALABLE AU LICENCIEMENT

Le premier arrêt retenant la théorie des droits de la défense à l'entretien préalable au licenciement :

Arrêt CA de PARIS du 07 mai 2014 n°S12/02642-MPDL

Cette théorie a été développée, soutenue et plaidée par un délégué syndical de Chatou (M Alain HINOT) que je fais mienne :

"L’article 07 de la Convention OIT n°158 dispose « qu’un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées….. ». La finalité première de cette disposition est le nécessaire respect des droits de la défense du salarié, qui sous le coup d’une mesure très grave remettant en question son emploi doit pouvoir être mis en mesure se défendre utilement.

Art. 07 Conv. OIT n°158

Si depuis 2006, la Cour de cassation a établi que la convention n° 158 était « directement applicable », elle a surtout souligné « la nécessité de garantir qu’il soit donné pleinement effet aux dispositions de la convention ».

Cass. soc 01er juillet 2008 n° 07-44124

Il résulte de l’article n° 07 Convention OIT n°158 que les droits de la défense du salarié comportent deux  exigences essentielles : d’une part, le salarié doit recevoir communication des griefs invoqués à son encontre, d’autre part, ces informations doivent nécessairement lui être délivrées dans un délai raisonnable afin de préparer utilement sa défense, en tout état de cause, avant la tenue de l’entretien préalable.   

Dans son arrêt du 01 juillet 2008 visé supra qui concernait la problématique de la conformité du contrat nouvelle embauche avec la convention OIT n° 158 (rappelons que le CNE permettait à un employeur de rompre le contrat de travail sans formalisme et sans avoir à invoquer le moindre motif pendant les deux premières années), la Cour de cassation prend d’ailleurs le soin de rappeler que : « selon l'article 7, le licenciement ne peut intervenir avant qu'on ait offert au travailleur la possibilité de se défendre contre les allégations formulées » , alors même que le contentieux qui lui était soumis se concentrait exclusivement sur la question du motif de la rupture, de sorte que les « droits de la défense » et la procédure de licenciement n’étaient pas en débat.

Cass. soc 01er juillet 2008 n° 07-44124


En indiquant néanmoins que l’art. 07 de la convention OIT n° 158 traite aussi des « droits de la défense », la Cour de cassation a délibérément tenu à rappeler aux plaideurs que la mise en œuvre effective de ce droit en préalable d’un licenciement est un objectif essentiel.

Cette conception « d’une défense utile » a conduit le Conseil d’Etat, dès 1913, à consacrer «les droits de la défense devant les juridictions administratives en énonçant certaines règles de fonctionnement et de procédure », et à censurer par la nullité «toute décision prise en méconnaissance des droits de la défense ».  

CE 20 juin 1913, TERY, Rec, 739 Concl CORNEILLE

En matière disciplinaire et depuis 1944, le Conseil d’Etat affirme l’existence d’un principe général de droit (PGD) de respect des droits de la défense dès lors qu’une décision administrative revêt, à l’encontre de la personne concernée, le caractère d’une sanction, en considérant que «  lorsqu’une décision administrative prend  le caractère d’une sanction suffisamment grave pour l’intéressé, la jurisprudence exige que l’intéressé ait été mis en mesure de discuter les motifs de la mesure qui le frappe ».

CE Sect. 05 mai 1944, DAME VEUVE TROMPIER-GRAVIER, Rec.133.

Dans les modalités d’exercice du droit de la défense, la jurisprudence administrative a posé deux garanties minimales, d’une part, « l’intéressé doit en premier lieu être averti en temps utile de l’intention de l’administration de prendre une décision le concernant », d’autre part, « l’intéressé doit en second lieu être mis à même de présenter utilement ses observations préalables », ce qui lui confère deux droits :

-          Le droit de connaître les griefs formulés contre lui dans des conditions de nature à lui permettre de présenter utilement sa défense (ce qui suppose que le salarié connaisse en amont de l’EP ces griefs et prenne connaissance des éléments relatifs en possession de l’employeur) ;

-          Le droit de présenter ses observations, ce qui suppose que l’intéressé puisse disposer d’un délai suffisant (ce qui nécessite, à tout le moins, que l’employeur exprime clairement et précisément ses griefs au cours de l’EP et que le salarié puisse se concerter avec son Conseiller pour se défendre utilement) ;

Dans le fil de ce raisonnement la cour d’appel administrative de VERSAILLES a récemment déduit des garanties substantielles que constituent le principe du contradictoire et les droits de la défense, la notion d’irrégularité substantielle en annulant une autorisation ministérielle de licenciement d’un salarié protégé, « sur la constatation que l’employeur n’avait pas, au cours de la procédure de licenciement, communiqué au salarié un document important (tableau des prétendues insuffisances professionnelles du médecin) sur lequel l’autorisation de licenciement avait été fondée et non évoquées lors de l’entretien préalable (EP), de sorte que, l’EP n’a pas porté sur le véritable motif de la décision de licenciement ».

CAA VERSAILLES, 4ème chambre 2010, n° 10VE00438

En retenant le caractère substantiel de cette formalité que constitue notamment « l’information préalable  des griefs », la jurisprudence administrative permet le plein effet à l’exigence d’une défense utile et donne à la procédure disciplinaire un caractère spécifique, dont l’inobservation totale ou partielle justifie la nullité, même sans texte, de la décision prise.

Rappelons que le caractère substantiel d’une procédure revêt deux facettes «  une formalité est réputée substantielle si elle peut avoir une influence sur le sens de la décision à prendre », ou bien, « si elle constitue une garantie pour les intéressés, de sorte que sa méconnaissance entache la légalité de la décision ».

R. Odent, contentieux administratif, Tome II, Dalloz, 2007, p. 432

Ne sont-ce pas les buts et le sens de l’EP en droit du travail ?

Pourtant la constance dont fait preuve la Haute juridiction administrative dans l’interprétation « d’une défense utile », doit être mis en parallèle avec la moindre exigence de la Cour de cassation en la matière.

En effet, l’article L 1232-2 du code du travail fait obligation à l’employeur qui envisage de licencier un salarié de le convoquer, avant toute décision, à un EP, idem en matière disciplinaire (art. L 1332-2 CT). La lettre de convocation doit indiquer « l’objet » de la « convocation ». La mention des motifs de la mesure envisagée n’étant que facultative selon la jurisprudence de la Cour de cassation, qui voit dans l’indication de « l’objet de la convocation » la simple précision que l’employeur envisage une sanction ou un licenciement et non la raison de l’EP.

Cass. soc 04 novembre 1992 n° 91-41189 - RJS 12/92 n° 1372

Or, ce n’est généralement qu’au cours de l’entretien que l’employeur indique les motifs de la décision envisagée (quand il le fait réellement) et qu’il recueille « sur le champ » les explications du salarié (sans que celui-ci puisse prendre conseil), de sorte que n’ayant pas eu préalablement connaissance des griefs allégués contre lui, le salarié n’a évidemment pas été en mesure de préparer utilement sa défense, voire de les exposer à son éventuel conseiller, rendant l’assistance inefficace.               

Dans le cas où l’EP est suivi d’un licenciement,  la référence à l’indication de « l’objet » (tel que compris par la Cour de cassation) dans la lettre de convocation, est-elle suffisante pour l’effectivité « d’une défense utile » entendue comme garantie substantielle ?

Cette préoccupation a été très récemment au cœur d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris qui a considéré : « que le respect de la procédure légale et conventionnelle de licenciement, avec convocation du salarié à un entretien préalable, n’exonérait pas pourtant l’employeur de notifier au salarié ces motifs par écrit afin que l’intéressé prépare utilement sa défense » et que « que la garantie conventionnelle d’une notification écrite préalable des motifs disciplinaires du licenciement envisagé constitue une règle de fond dont l’inobservation rend sans cause réelle et sérieuse cette mesure ».

CA Paris, 27 septembre 2011, RG n° 09108207

En se référant à la notion de « défense utile », la cour d’appel admet, au moins implicitement, que la procédure de licenciement ne peut continuer à être considérée comme une simple formalité dont l’absence ou les irrégularités ne seraient sanctionnées (éventuellement) que par une réparation mineure quasi symbolique comme l’indemnité d’un mois L 1235-2 du code du travail.

Ce n’est qu’en ce sens que peut être donnée sa pleine portée à l’exigence d’une défense utile comme  l’exige l’article 07 de la convention n° 158 de l’OIT.

L’EP n’a de raison d’être que si les droits de la défense du salarié sont garantis par un débat contradictoire portant sur des motifs qui lui ont été communiqués à l’avance.

En matière de licenciement, il convient donc dorénavant de différencier les irrégularité tenant uniquement à la forme de la procédure de licenciement (manquements non substantiels : délai faiblement réduit entre convocation et EP, défaut d’une mention mineure dans le lettre de convocation, etc…) qui entraînent une simple indemnisation pour irrégularité de la procédure, d’avec les irrégularités touchant aux droits de la défense (manquements substantiels : absence ou quasi absence de délai entre convocation et EP, absence d’EP, défaut d’une mention importantes et des motifs dans le lettre de convocation, défaut de communication des éléments en possession de l’employeur, défaut d’exposé des motifs au cours de l’entretien, etc…),  qui entraînent la nullité de la procédure et vicient le licenciement lui-même qui est alors atteint de nullité (à tout le moins sans cause réelle et sérieuse), car pris en violation de la convention OIT n° 158 (laquelle est une garantie fondamentale)."

Dans un arrêt du  07 mai 2014 la Cour d'appel de Paris (Pôle 6, Chambre 6) retient pour la première fois cette argumentation et indique que :

"La salariée rappelle que par lettre du 3 décembre 2007, elle avait demandé à l'employeur compte tenu de la voie disciplinaire qu'il avait manifestement choisi du fait de la mise à pied conservatoire, de préciser les faits qu'il envisageait de sanctionner, lettre restée sans réponse jusqu'à l'entretien préalable fixé le 10 décembre 2007, qui n'a pas davantage été reporté, pour permettre un échange sur ces questions. De ce fait et considérant qu'elle ne pouvait correctement préparer sa defense, dans de telle conditions Mme X a décide de ne pas participer à cet entretien préalable.

Elle rappelle que l'article 7 de la convention n°158 de l'OIT dispose "qu"un licenciment ne peut intervenir avant que le salarié n'ait la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par son employeur". Cette convention, ratifiée par la France, est d'application directe.

Rappelant  également les dispositions de l'article L1232-2 du code du travail qui prévoit que la lettre de convocation à un entretien préalable doit préciser "l'objet de la convocation", Mme X soutient que ceci doit s'étendre comme non seulement informer sur la sanction envisagée mais aussi sur les autres causes de l'entretien c'est à dire des raisons de cette sanction.

La cour considère en effet que l'entretien préalable consituant la seule étage de la préocédure pendant laquelle le salarié a, légalement, le droit de s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés, avaec l'aide d'un défenseur, le respect des droits de la défense implique effectivement, que celle-ci puisse être préparée, dans la perspective de l'entretien préalable en connaissance de cause, c'est à dire en connaissant, non seulement la sanction que l'employeur envisage de prendre, mais surtout les reproches que l'employeur s'apprête à articluler à l'encontre de son salarié.

S'agissant d'une garantie de fond, ce manquement dans le respect des dispositions de la convention 158 de l'OIT, mais aussi d'un principe fondamental pour le respect des droits de la défense, entache de nullité ledit licenciement.

Cette atteinte aux droits de la défense justifie l'allocation à la salariée de la somme de 1000 € qu'elle sollicite.

La Cour ajoutera que ce point justifie l'intervention volontaire de l'Union Locale CGT de Chatou, en tant qu'organisation professionnelle justifie sa demande de dommages et intérêts. "

Ghislain DADI - Avocat

 www.dadi-avocat.fr

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1 Publié par Visiteur
15/10/2015 22:22

Que pouvons nous demander quand dans la lettre de licenciement est indiqué des Comportements et faits d'une grande gravité?

2 Publié par Visiteur
15/10/2015 22:38

Est ce suffisamment étayer pour préparer sa défense? Les motifs ne sont ils pas trop vagues?

3 Publié par Visiteur
15/10/2015 22:39

Tapez votre texte ici pour ajouter un commentaire ...merci pour votre réponse et pour cette article fort intéressant

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