Référencement naturel des médecins : que dit le droit français ?

Publié le 29/06/2025 Vu 96 fois 0
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Dans un monde où Internet est devenu le premier réflexe des patients pour choisir un professionnel de santé, la question de la visibilité en ligne des médecins est cruciale.

Dans un monde où Internet est devenu le premier réflexe des patients pour choisir un professionnel de santé

Référencement naturel des médecins : que dit le droit français ?

La visibilité en ligne, un enjeu majeur et risqué

Dans un monde où Internet est devenu le premier réflexe des patients pour choisir un professionnel de santé, la question de la visibilité en ligne des médecins est cruciale. Pourtant, à la différence d’autres professions libérales, la pratique médicale est soumise à des règles déontologiques strictes qui limitent fortement la possibilité de se promouvoir. Le référencement naturel (SEO) est-il assimilable à de la publicité interdite ? Ou peut-il être utilisé, dans certaines conditions, pour permettre à un médecin d’être trouvé sans enfreindre la loi ? Cet article propose une analyse juridique complète et actualisée de la question, en s’appuyant sur le Code de la santé publique et les avis du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM).

Le cadre légal applicable : interdiction de publicité et devoir de dignité

Le fondement juridique de l’interdiction de publicité pour les médecins se trouve dans le Code de la santé publique, notamment aux articles suivants :

  • Article R.4127-19 : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. (…) Toute publicité personnelle et directe est interdite au médecin. » Cet article interdit formellement toute démarche ayant pour but de promouvoir son activité auprès du public.
  • Article R.4127-13 : « Le médecin doit veiller à ne pas compromettre la qualité des soins ni la dignité de la profession médicale. » Ce principe général implique un devoir de réserve qui s’applique également à la communication sur Internet.

Ces dispositions traduisent la volonté du législateur de protéger le patient contre des pratiques commerciales qui pourraient influencer son choix pour des raisons autres que la qualité des soins.

L’avis de l’Ordre des médecins : les recommandations officielles

L’Ordre des médecins, à travers le CNOM, a précisé à plusieurs reprises sa position sur la présence des médecins sur Internet. Dans son Avis du 30 janvier 2010 (toujours cité comme référence, bien qu’obsolète sur certains points techniques), le CNOM a affirmé que la création d’un site Internet par un médecin était autorisée à condition qu’il soit purement informatif, dépourvu de caractère publicitaire et conforme aux obligations déontologiques. Dans sa mise à jour de 2018, l’Ordre rappelle que « le médecin peut disposer d’un site Internet professionnel, mais celui-ci doit se limiter à fournir des informations objectives sur son parcours, sa formation, ses compétences et son activité », sans utiliser de termes incitatifs ou valorisants tels que « meilleur », « expert », « leader »… En parallèle, plusieurs décisions disciplinaires de sections ordinales ont sanctionné des médecins ayant utilisé leur site ou des techniques de SEO pour apparaître en tête des résultats avec des contenus promotionnels, par exemple via l’achat de mots-clés ou l’emploi de superlatifs visant à se distinguer de confrères.

SEO et publicité : une frontière subtile mais capitale

Le référencement naturel, ou SEO, consiste à optimiser la structure, le contenu et la technique d’un site pour améliorer sa visibilité dans les résultats des moteurs de recherche. En théorie, rien dans la loi n’interdit à un médecin d’avoir un site bien structuré et optimisé, car cela permet simplement d’être trouvé par un patient qui recherche un praticien. Mais tout dépend de la nature du contenu et de l’intention sous-jacente. Le Conseil d’État, dans sa décision n° 355507 du 27 mai 2015, a rappelé qu’« un site Internet de médecin ne peut être considéré comme une publicité interdite s’il se limite à présenter des informations objectives et loyales sur la personne du médecin et son activité ». Autrement dit, un SEO purement technique, qui vise à améliorer l’accessibilité du site sans recourir à des pratiques incitatives ou comparatives, n’est pas interdit. En revanche, dès qu’un contenu présente un caractère commercial ou comparatif (ex. « le meilleur chirurgien esthétique de Paris », « tarifs les plus attractifs ») ou lorsqu’il y a recours à des pratiques trompeuses (ex. faux avis, titres accrocheurs détournant la réalité), la frontière avec la publicité interdite est franchie.

Les bonnes pratiques pour un SEO conforme au droit

Un médecin peut parfaitement travailler son référencement naturel de manière compatible avec la loi et la déontologie, en respectant les points suivants :

  1. Contenu strictement informatif : présenter sa formation, son parcours professionnel, ses qualifications, ses domaines d’activité. Par exemple : « Le Dr X est diplômé de l’Université Y et exerce depuis 15 ans dans la chirurgie digestive. »
  2. Aucune incitation ni comparaison : proscrire les adjectifs valorisants subjectifs (ex. « le plus réputé », « expert mondial ») et les comparaisons avec d’autres médecins ou établissements.
  3. Respect de la dignité de la profession : le site doit refléter un ton neutre et sérieux, sans slogans marketing, ni offres commerciales, ni promesse de résultats.
  4. Optimisation technique autorisée : améliorer le temps de chargement, la structure des balises HTML (H1, H2, etc.), la compatibilité mobile, l’accessibilité et la sécurité du site (HTTPS). Ces pratiques sont des éléments de SEO purement techniques, parfaitement légaux et même recommandés.
  5. Maillage interne et SEO local prudents : un médecin peut optimiser son site pour apparaître dans les recherches locales (ex. « cardiologue Marseille ») en renseignant correctement ses coordonnées et ses informations légales, mais sans artifice promotionnel.

Le risque du contenu généré ou des agences non spécialisées

Il convient de souligner que certains médecins confient la création de leurs sites ou leur SEO à des agences de communication généralistes. Or, celles-ci peuvent, par méconnaissance du cadre déontologique, insérer des contenus incitatifs ou des pratiques interdites. La responsabilité finale incombe toujours au médecin, qui reste garant du respect de la déontologie sur tous ses supports numériques. Le médecin doit donc exiger de son prestataire un engagement à respecter les articles R.4127-19 et R.4127-13 du Code de la santé publique.

SEO naturel vs Google Ads : attention aux confusions

Il est important de distinguer le référencement naturel (SEO) du référencement payant (SEA). Acheter des liens sponsorisés sur Google Ads pour apparaître en première position est quasiment toujours assimilé à de la publicité directe interdite pour un médecin. Le CNOM a expressément rappelé dans sa communication de 2020 que le recours à des campagnes sponsorisées, même limitées à des requêtes de spécialité ou de localisation, constitue une violation de l’interdiction de publicité.

Réseaux sociaux : un outil à manier avec précaution

L’usage des réseaux sociaux (LinkedIn, Instagram, Facebook, TikTok…) par les médecins est également encadré par le Code de la santé publique et les avis de l’Ordre. Le CNOM, dans son guide sur la déontologie médicale et les réseaux sociaux publié en 2019, précise qu’un médecin peut y partager des informations de santé à visée éducative ou scientifique, sous réserve de respecter plusieurs obligations :

  • Ce qui est permis :
    • Diffuser des contenus généraux sur la santé (prévention, information validée scientifiquement).
    • Présenter son parcours, ses titres, ses publications scientifiques.
    • Utiliser un profil ou une page professionnelle clairement identifiée comme appartenant à un médecin.
  • Ce qui est interdit :
    • Publier des photos avant/après d’actes médicaux ou chirurgicaux, considérées comme une pratique promotionnelle contraire à l’article R.4127-19.
    • Diffuser des contenus à caractère incitatif, tels que des témoignages de patients ou des promotions de consultations.
    • Comparer ses résultats à ceux de confrères ou laisser entendre une supériorité.
  • Les limites à respecter :
    • Le médecin doit maintenir un ton neutre, respectueux de la dignité de la profession (R.4127-13).
    • Il doit préserver le secret médical : aucune donnée de santé identifiable ou confidentielle ne peut être partagée, même avec le consentement du patient.
    • Il doit veiller à la véracité des informations diffusées pour ne pas induire en erreur le public.

Le CNOM insiste sur le fait que la frontière entre information et promotion est encore plus ténue sur les réseaux sociaux, car la recherche de visibilité peut facilement dériver vers une démarche publicitaire interdite. En cas de non-respect, le médecin s’expose aux mêmes sanctions disciplinaires que pour un site Internet : avertissement, blâme, voire interdiction temporaire ou définitive d’exercer.

Présence digitale pour un médecin : un équilibre délicat mais possible

En définitive, un médecin peut améliorer la visibilité de son site Internet grâce au référencement naturel, à condition de limiter son contenu à des informations objectives, sans caractère incitatif ou comparatif. L’optimisation technique du site (SEO) est légale si elle reste neutre et informative.

De la même manière, la présence sur les réseaux sociaux est autorisée, mais elle doit respecter scrupuleusement le cadre déontologique : le médecin peut y partager des informations de santé validées et présenter son parcours, mais il doit s’interdire toute forme de promotion, de comparaisons, ou de diffusion de photos avant/après, sous peine de sanctions disciplinaires.

Ces précautions visent à garantir la protection du patient, éviter toute dérive commerciale et préserver la dignité de la profession. Dans le doute, il est fortement recommandé de solliciter un conseil juridique spécialisé ou de se rapprocher de l’Ordre des médecins pour valider une stratégie de présence en ligne respectueuse du droit français et des règles déontologiques.

Références et références juridiques :

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